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Assurance dommages-ouvrage : obligation de répondre dans les 60 jours à toute déclaration de sinistre

L’assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans un délai de soixante jours à toute déclaration de sinistre, y compris lorsque les désordres sont identiques à ceux précédemment dénoncés. À défaut, il ne peut pas opposer la prescription biennale acquise lors de la seconde déclaration.  

L’assurance construction repose « sur la combinaison de deux polices, l’une de chose, l’assurance dommages-ouvrage (C. assur., art. L. 242-1), l’autre de responsabilité, l’assurance de responsabilité décennale (C. assur., art. L. 241-1). […] Ces deux polices dites obligatoires sont au cœur du dispositif appelé « système à double détente » où l’assurance dommages-ouvrage assure le préfinancement avant de présenter ses recours aux assureurs de responsabilité décennale. […] L’assurance dommages-ouvrage doit être souscrite par tout maître d’ouvrage. Seules les personnes publiques et certaines personnes privées d’importance visées à l’alinéa 2 de l’article L. 242-1 du code des assurances sont exonérées de cette obligation » (C. Charbonneau, L’assurance construction, in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 400). Son intérêt est de permettre une réparation rapide des dommages « en dehors de toute recherche des responsabilités » (C. assur., art. L. 242-1). Subrogé dans les droits de la victime, l’assureur de choses a, dans un second temps, la possibilité d’exercer une action récursoire contre l’assureur de responsabilité du constructeur.

Un tel préfinancement par la garantie dommages-ouvrage est rendue possible par la procédure réglementaire amiable de constatation et d’indemnisation des dommages (issue d’un arrêté du 17 nov. 1978, JO 21 nov.), laquelle présente un caractère d’ordre public et « se caractérise par sa simplicité et sa rapidité, comme également par les contraintes qu’elle impose à l’assureur et la sécurité et les garanties qu’elle procure à l’assuré » (J.-P. Karila, L’assurance construction, Le Lamy Assurance, édition 2021, n° 3352). La première étape est l’obligation pour l’assureur, dans un délai de soixante jours à compter de la déclaration du sinistre par l’assuré de se prononcer sur la mise en jeu des garanties prévues au contrat (C. assur., art. L. 242-1, al. 3).

En application de l’article L. 114-1 du code des assurances, selon lequel « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance », l’assuré est tenu de déclarer le sinistre dans les deux ans de la connaissance qu’il a pu ou aurait dû en avoir. À défaut, l’assureur peut se prévaloir de la prescription biennale.

Toutefois, lorsque l’assureur ne répond pas à l’assuré dans un délai de soixante jours, « l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal » (C. assur., art. L. 242-1, al. 5). Autrement dit, l’assureur n’a plus la possibilité d’opposer une prescription déjà acquise ni, plus largement, d’invoquer une cause de non-garantie (Civ. 3e, 28 janv. 2009, n° 07-21.818, D. 2009. 429 ; ibid. 1231, chron. A.-C. Monge et F. Nési ; ibid. 2010. 1740, obs. H. Groutel ; RDI 2009. 191, obs. C. Noblot ), à l’instar de la nullité du contrat d’assurance (Civ. 3e, 2 mai 2015, n° 14-13.074).

Telle est la solution rappelée par la troisième chambre civile le 30 septembre 2021, et ce même dans l’hypothèse où les désordres déclarés sont identiques à ceux précédemment dénoncés dans une première déclaration de sinistre.

En l’espèce, des époux avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle le 21 mars 2008. Se plaignant de malfaçons, ils ont, après expertise, assigné le constructeur en résiliation du contrat à ses torts et en indemnisation de leurs préjudices, et appelé en intervention forcée l’assureur dommages-ouvrage et la Caisse de garantie immobilière – cette dernière ayant octroyé une garantie de livraison à prix et délais convenus.

La cour d’appel déclare leur demande irrecevable à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage, aux motifs que les désordres déclarés le 29 décembre 2012 sont exactement identiques à ceux qui ont été dénoncés par une première déclaration de sinistres le 17 avril 2009, et pour lesquels les maîtres de l’ouvrage sont prescrits pour n’avoir pas introduit leur action dans le nouveau délai de prescription biennale ayant couru à la suite de cette première déclaration et de la désignation d’un expert par l’assureur (pt 7).

Dans leur pourvoi en cassation, les époux soutiennent que les juges du fond ont ainsi violé l’article L. 242-1 du code des assurances, lequel impose à l’assureur de répondre dans un délai de soixante jours à toute déclaration de sinistre (pt 4).

Suivant leur argumentation, la troisième chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article L. 242-1, alinéas 3 et 5, du code des assurances. Après avoir rappelé l’obligation pour l’assureur de notifier sa décision à l’assuré dans les soixante jours courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, elle précise que cela vaut pour « toute déclaration de sinistres, y compris lorsqu’il estime que les désordres sont identiques à ceux précédemment dénoncés » (pt 6). À défaut, l’assureur « ne peut plus opposer la prescription biennale qui serait acquise à la date de la seconde déclaration » (pt 6).

La solution avait déjà été retenue dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 26 novembre 2003 (n° 01-12.469, D. 2004. 911 , obs. H. Groutel ; RDI 2004. 59, obs. P. Dessuet ). Sa sévérité pour l’assureur avait alors pu être soulignée : s’il est juste d’imposer à l’assureur de respecter le délai de soixante jours lorsque la nouvelle déclaration mentionne une aggravation des dommages, il serait en revanche fort discutable d’« admettre que, désormais, l’assuré peut procéder sans limite à des déclarations de sinistres à répétition pour des désordres identiques, jusqu’à ce que l’assureur commette un jour l’erreur de ne pas transmettre son refus dans le délai légal » (P. Dessuet, RDI 2004. 59 ; A. d’Hauteville, RGDA 2004. 447). La seule issue pour l’assureur pourrait alors résider dans l’invocation d’un abus de droit (en ce sens, H. Périnet-Marquet, Defrénois 2004. 451) qui reste « le grand absent du code des assurances » (J. Kullmann, Assurances : quelles punitions, et pour quels faisans et malfaisans ?, in Mélanges en l’honneur du Professeur Gilbert Parleani, IRJS éd., 2021, p. 247 s., spéc. p. 254). Afin d’éviter tout risque d’enrichissement indu de l’assuré, la Cour de cassation a toutefois précisé que, lorsque les dommages ont déjà fait l’objet d’une indemnisation à la suite de la première déclaration de sinistre, aucune nouvelle réparation ne peut être octroyée, et ce même lorsque l’assureur ne répond pas dans les soixante jours à la seconde déclaration des mêmes dommages (Civ. 3e, 10 oct. 2012, n° 11-17.496, Dalloz actualité, 30 oct. 2012, obs. T. de Ravel d’Esclapon).