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Assurance perte d’exploitation et covid-19 : la Cour de cassation interprète souplement la condition d’interdiction d’accès aux locaux

Ces deux décisions destinées à la publication mettent à nouveau en scène un conflit entre les juges du fond et la Cour de cassation portant sur l’interprétation des clauses d’une garantie pertes d’exploitation dans le contexte de la crise sanitaire liée à la covid-19. Une fois n’est pas coutume, les juges du droit reprochent aux juges de la cour d’appel d’avoir retenu une interprétation stricte de la condition d’interdiction d’accès aux locaux. Il n’est ainsi pas nécessaire de démontrer une interdiction totale d’accès pour remplir les conditions de mise en œuvre de la garantie.

Sens et signaux

L’importance du sens des mots employés par les rédacteurs de contrats en général, et par les rédacteurs de contrat d’assurance en particulier, n’a certainement jamais été aussi bien illustrée que dans le contentieux relatif à la prise en charge assurantielle des pertes d’exploitation consécutives aux confinements décrétés pour faire face à la crise de la covid-19. Cela est particulièrement vraie dans la branche la plus massive de ce contentieux, celle relative à la contestation par les restaurateurs de la validité de la clause d’exclusion de garantie contenue dans les garanties « multirisques professionnelles » offertes par la compagnie AXA. Pour ce type de clause en effet, le moindre doute quant à leur sens devrait aboutir à leur nullité pure et simple en application d’une solution bien connue rendue sur le fondement de l’article L. 113-1 du code des assurances (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 99-10.849, D. 2001. 2778 , note B. Beignier ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard ; RDI 2001. 488, obs. G. Durry , « Une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée »). C’est ainsi que l’emploi maladroit de la conjonction « lorsque » a pu aboutir à une telle solution et donner quelques espoirs auxdits restaurateurs (Civ. 2e, 25 janv. 2024, n° 22-14.739, Dalloz actualité, 9 févr. 2024, obs. J. Delayen ; D. 2024. 213 ; ibid. 1163, obs. R. Bigot, A. Cayol, D. Noguéro et P. Pierre ). Mais l’assertion est vraie également pour la deuxième branche, naissante, de ce contentieux, celle portée cette fois principalement par les hôteliers et qui se fonde, plus en amont du raisonnement, sur l’interprétation des conditions de mise en œuvre de la garantie (Civ. 2e, 30 mai 2024, n° 22-21.574, Dalloz actualité, 12 juin 2024, obs. J. Delayen ; 13 mars 2025, n° 23-20.289, Dalloz actualité, 27 mars 2025, obs. J. Delayen). L’enjeu n’est plus alors de déterminer la validité de la clause (l’art. L. 113-1 c. assur. ne s’applique qu’aux clauses d’exclusion de garantie) mais il reste tout aussi important. L’évènement entre-t-il dans les prévisions du contrat et déclenche-t-il donc la garantie de l’assureur ? C’est la question qui est au cœur des deux décisions destinées à la publication et ici rapportées. Plus fondamentalement, l’ensemble de ce mouvement jurisprudentiel permet d’illustrer la question des pouvoirs respectifs des juges du fond, d’une part, et de la Cour de cassation, d’autre part, quant à l’interprétation des clauses du contrat. Si l’on sait depuis la jurisprudence Lubert du 8 février 1808 que l’interprétation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et si l’on sait tout autant,...

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