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Astreinte, excès de pouvoir et exécution provisoire

Le jugement exécutoire de plein droit par provision des chefs liquidant l’astreinte et condamnant à son paiement peut faire l’objet d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, en application de l’article 524 du code de procédure civile, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019. Dès lors, commet un excès de pouvoir négatif, ouvrant le pourvoi-nullité, le premier président qui déclare irrecevable une telle demande au motif erroné qu’un arrêt de l’exécution de la liquidation de l’astreinte ne saurait être ordonné indépendamment de l’arrêt de l’exécution provisoire de l’obligation associée.

Voici un bel arrêt, technique mais important tant en théorie qu’en pratique. Il se trouve à la jointure de plusieurs thèmes. Il intéresse d’abord l’astreinte, dont il contribue à affiner le régime. Il intéresse aussi la théorie de l’excès de pouvoir et, à travers elle, la théorie des recours restaurés (dits aussi « recours-nullité »). Il intéresse enfin l’exécution provisoire, sujet qui a naturellement gagné en importance au lendemain de la réforme de la procédure civile de 2019, laquelle a procédé à la généralisation de l’exécution provisoire de droit, de principe aujourd’hui (C. pr. civ., art. 514 ; v. J.-Cl. Procédures Formulaires, Exécution provisoire, par M. Barba et R. Laffly, fasc. 10, à jour au 26 oct. 2020).

Par ordonnance du 7 mars 2017, un juge de la mise en état enjoint une partie à communiquer divers documents sous astreinte. Par jugement du 3 septembre 2020, un tribunal statue au fond sur le litige, liquide l’astreinte et condamne l’intéressé à payer le montant de l’astreinte liquidée.

Appel de l’ordonnance et du jugement est relevé. L’appelant saisit parallèlement le premier président de la cour d’appel d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile dans sa version applicable à la cause (devenu art. 514-3 ensuite de la réforme de 2019, pour l’arrêt de l’exécution provisoire de droit).

Selon toute vraisemblance (l’ordonnance du délégué du premier président n’étant pas en libre accès), l’appelant sollicite uniquement l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement des chefs liquidant l’astreinte et condamnant à son paiement. C’est important de le préciser : l’appelant ne demande pas l’arrêt de l’exécution provisoire de l’obligation assortie de l’astreinte issue de l’ordonnance du juge de la mise en état.

Le délégué du premier président juge irrecevable cette demande. Selon lui, les dispositions de l’article 524 du code de procédure civile dans sa version applicable à la cause ne concernent que les décisions portant mesure d’exécution. Or, selon lui toujours, l’astreinte n’est pas une mesure d’exécution mais une mesure de contrainte indirecte liée à l’obligation principale, en l’espèce une obligation de communiquer divers documents.

L’appelant forme un pourvoi à l’encontre de l’ordonnance du premier président. Selon lui, en droit, rien n’empêche de solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire des seuls chefs liquidant l’astreinte et condamnant à son paiement, sans solliciter conjointement l’arrêt de l’exécution provisoire des chefs portant obligation et l’assortissant d’une astreinte.

La première difficulté concerne la recevabilité même du pourvoi car, en matière d’exécution provisoire, le premier président statue par une ordonnance insusceptible de recours. La règle figurait, en 2019, à l’article 525-2 du code de procédure civile. Elle figure encore aujourd’hui aux articles 514-6 et 517-4 du même code (respectivement pour l’exécution provisoire de droit et octroyée).

Chacun sait néanmoins que la possibilité d’un recours est restaurée – et le recours-nullité ouvert – en cas d’excès de pouvoir, que le requérant invoquait bien en l’espèce. La Cour de cassation reçoit le pourvoi-nullité sur ce fondement.

Au fond, la question est de savoir si une partie peut demander l’arrêt de l’exécution provisoire des seuls chefs de liquidation de l’astreinte et de condamnation à son paiement.

Au visa des articles R. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution, selon lequel la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision en matière d’astreinte, et 524 du code de procédure civile, la réponse de la Cour de cassation est sans appel : « le jugement du tribunal, exécutoire de plein droit par provision des chefs liquidant l’astreinte et condamnant (…) au paiement de l’astreinte liquidée, pouvait faire l’objet d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire en application de l’article 524 du code de procédure civile », de sorte que « le premier président a méconnu l’étendue de ses pouvoirs » (pt 9).

Cassation s’ensuit sur ce motif.

Pour saisir la portée de cet arrêt, il faut d’abord reconstruire le raisonnement supposé du délégué du premier...

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