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Au procès d’Éric Dupond-Moretti, le coup de fil à François Molins et cet « invraisemblable » délai du décret de déport

Le procès du garde des Sceaux pour prise illégale d’intérêt devant la Cour de justice de la république rentre dans sa deuxième semaine. Jeudi dernier, François Molins, l’ancien procureur général de la Cour de cassation, a fait une déposition très attendue. Mais d’autres témoins, de Véronique Malbec à Hélène Davo en passant par Jean Castex, sont venus au secours du ministre de la justice.

par Gabriel Thierry, journalistele 13 novembre 2023

C’est la dernière ligne droite pour Éric Dupond-Moretti. Après une première semaine d’audience, le procès du garde des Sceaux devant la Cour de justice de la République doit s’achever ce jeudi. Au programme ce mardi, pour la reprise des débats, l’audition d’une nouvelle brochette de personnalités du monde judiciaire et de l’administration. Mercredi, ce seront les réquisitions de Rémy Heitz – sans doute les plus scrutées de sa carrière de magistrat – puis les plaidoiries de la défense, avant une décision déterminante pour l’avenir au gouvernement d’Éric Dupond-Moretti.

Devant sa table, l’illustre prévenu a les traits tirés. Il prend de longues notes manuscrites, s’oublie parfois sur son téléphone avant de lever les yeux au ciel ou d’intervenir dans les débats avec son franc-parlé notoire. On lui reproche dans ce procès, inédit pour un membre d’un gouvernement toujours en exercice, d’avoir utilisé sa nouvelle casquette de ministre à partir du 6 juillet 2020 pour régler ses comptes avec des magistrats avec qui il avait eu maille à partir du temps de l’avocature, le juge Édouard Levrault et trois magistrats du Parquet national financier (PNF).

« Quand on est procureur général, on ne descend pas dans l’arène » 

Ce jeudi après-midi, le jour touche à sa fin. Il est 17h et dans la pénombre naissante, François Molins s’avance. Les bancs de la presse sont pleins, ceux du public également. L’audition de l’ancien magistrat, celui qui avait justement ouvert l’enquête devant la Cour de justice de la République, est très attendue. Il ne va pas décevoir. « Je suis prêt à dire un certain nombre de choses, commence-t-il aussitôt, visiblement impatient. J’ai particulièrement mal vécu les accusations pendant trois ans, je n’ai jamais pu répondre à ces attaques. Quand on est procureur général, on ne descend pas dans l’arène. »

Dans sa défense, Éric Dupond-Moretti avait pointé la jalousie de l’ancien procureur général de la Cour de cassation, accusé de n’avoir jamais accepté sa nomination et baignant lui-même dans le conflit d’intérêt en requérant contre un ministre ayant porté tort à deux protégés. « Ce n’est plus à moi de démontrer une culpabilité, mais je ne suis pas non plus le prévenu », rappelle d’emblée François Molins. « Je ne suis pas là pour régler des comptes, j’ai toujours privilégié le dialogue au conflit et jamais je n’ai eu de problème avec l’autorité politique », ajoute-t-il.

Mais, concède-t-il, « j’ai pêché par pêché d’orgueil » à propos des rumeurs sur une éventuelle nomination Place Vendôme. « J’ai été flatté que certains pensaient à moi pour assumer ce genre de responsabilité, détaille François Molins. Mon tort immense est de ne pas avoir tordu le coup à la rumeur immédiatement. » L’ancien magistrat assure n’avoir été sondé qu’une seule fois sur le sujet, en mai 2020 par la conseillère justice de l’Élysée, Hélène Davo. « Vous plaisantez, je suis un magistrat, pas un politique », lui aurait-il rétorqué aussitôt. Quelques mois plus tard, Éric Dupond-Moretti est nommé Place Vendôme, un pénaliste de renom mais aussi une « personnalité extrêmement clivante », note le magistrat.

« Quel est ton avis là-dessus? »

Passée cette introduction, François Molins peut se concentrer sur le cœur de sa déposition : les deux coups de téléphone à Véronique Malbec, le 15 et le 16 septembre. L’ancienne directrice de cabinet d’Éric...

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