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Au procès de trois ingénieurs spécialisés dans la crypto, poursuivis pour escroquerie

Le temps d’une audience, les magistrats de la 13e chambre correctionnelle se sont plongés dans l’univers des crypto bro, ces fans des cryptomonnaies. Récit d’audience.

par Gabriel Thierry, Journalistele 1 juin 2023

Une whale ? Ce sont les propriétaires largement pourvus en cryptoactifs, qui font le marché. Les degen ? Les investisseurs qui font des paris spéculatifs très osés, sans vraiment y réfléchir. La blockchain, c’est bien sûr ce grand registre des transactions, tandis que les layer 2 renvoient aux secondes couches, ces chaînes de blocs elles-mêmes dérivées d’une première chaîne de blocs, comme c’est le cas d’Arbitrum, hébergée sur Ethereum. Quant aux fiat, ce sont les monnaies classiques, comme l’euro, par opposition aux cryptomonnaies, et le Nyan, un mème culte de l’internet. « Et Ape ? » demande enfin le président du tribunal, Guillaume Daïeff. « Cela veut dire "singe", mais dans la crypto, c’est un élément de culture », répond Slimane, l’un des concepteurs de l’ArbitrumApe, un cryptoactif lancé en quelques semaines à la fin de l’été 2021. « Tiens, c’est intéressant, en français on parle de monnaie de singe », s’amuse le magistrat.

Ce mercredi 24 mai, ce nécessaire et parfois laborieux détour par le vocabulaire de la crypto est indispensable pour les trois magistrats de la 13e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris, manifestement pas des crypto bro, ainsi que se nomment les supporters de cette technologie.

Avec une gourmandise mêlée de consternation, les juges se sont plongés pendant huit heures dans les méandres de l’industrie des cryptomonnaies, ces actifs numériques basés sur la cryptographie. Une méthode, devenue synonyme de cette industrie, qui permet de graver dans le marbre numérique les chaînes de blocs. Et qui a donné naissance à une industrie pesant actuellement un millier de milliards de dollars de capitalisation. Un énorme gâteau alléchant qui vaut des poursuites pour escroquerie et blanchiment aux trois prévenus. Ces jeunes ingénieurs français, pas encore trentenaires, passés par l’ouest de la France, voulaient copier le succès d’ArbiNyan, un cryptoactif qui venait tout juste d’affoler les investisseurs.

« Ne pas faire le procès de la finance décentralisée »

Si cette chambre n’est pas néophyte en la matière – l’une des juges assesseurs était il y a trois ans la présidente de la chambre lors du procès d’Alexander Vinnik, ce Russe confondu sur la base de la blockchain –, c’est, pour la défense, une mise en cause inédite d’entrepreneurs de la crypto. « Attention de ne pas faire de ce dossier le procès de la finance décentralisée [un synonyme de l’industrie crypto], qui certes peut parfois paraître absurde », avertit ainsi l’avocat Romain Chilly, le conseil de Slimane A., un jeune homme venu bien habillé...

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