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Audition de l’enfant : le juge doit s’assurer du respect du contradictoire !

La Cour de cassation rappelle, dans une affaire relative à la fixation de la résidence habituelle de l’enfant, que lorsque le juge procède à l’audition de celui-ci, il doit s’assurer que les parties ont eu communication du compte rendu de cette audition afin que soit respecté le contradictoire.

L’arrêt de cassation partielle, sous commentaire, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 12 juillet 2023 intervient dans le contexte malheureusement classique d’une demande de modification des modalités de l’exercice de l’autorité parentale alors que le parent chez qui la résidence habituelle avait été préalablement fixée entend déménager avec l’enfant. On sait que cette question épineuse est régulièrement soumise aux juges et fait l’objet d’une casuistique déjà étudiée (v. not., G. Kessler, Les conséquences du déménagement de l’un des parents sur la détermination de la résidence habituelle de l’enfant, Dr. fam. 2016. Dossier 12 ; C. Lafon, L’incidence du déménagement d’un parent sur la résidence de l’enfant, Dr. fam. 2016. Dossier 10). Pour autant, l’intérêt de l’arrêt n’était pas là. En l’espèce, l’enfant avait été entendu, en présence de son avocat, et la décision de la cour d’appel faisait expressément référence à cette audition. Or le compte rendu de celle-ci n’avait semble-t-il pas été communiqué à la mère. Aussi, cette dernière fondait son pourvoi sur la violation des articles 16, alinéa 1er et 338-12 du code de procédure civile. Avec succès.

C’est en effet au visa de ces deux articles que la Cour de cassation casse la décision des juges du fond. Elle relève qu’il ne résulte ni des énonciations de l’arrêt d’appel ni des pièces de la procédure qu’un compte rendu de l’audition de l’enfant ait été communiqué aux parties ce qui constitue une violation des articles visés et entraîne, sur le fondement de l’article 624 du code de procédure civile, l’annulation de la décision maintenant la résidence habituelle de l’enfant chez son père. Pour le dire autrement, la Cour de cassation sanctionne les juges du fond pour non-respect du contradictoire, faute pour eux de s’être assurés que les parties – et notamment la mère, demanderesse au pourvoi – avaient bien eu connaissance du compte rendu de l’audition. Cette décision invite ainsi à revenir sur certains aspects procéduraux de l’audition de l’enfant.

La prise en compte de la parole de l’enfant

La prise en compte de la parole de l’enfant est apparue dans le code civil en 1975 à l’occasion de la réforme du divorce (ancien art. 290). Au fil du temps et des réformes, sous l’influence du droit international et notamment de la Convention international des droits de l’enfant (CIDE) (spéc. art. 12, 2), le droit français a consacré un véritable droit de l’enfant à être entendu dans toute procédure le concernant, droit que l’on trouve affirmé aujourd’hui à l’article 388-1 du code civil. En parallèle, le législateur a également fait de la parole de l’enfant un élément clé de l’appréciation de son intérêt en matière d’autorité parentale à travers l’article 373-2-11, 2°, du code civil. De son côté, la Cour de cassation veille à ce que les décisions des juges du fond précisent, le cas échéant, qu’ils ont procédé à l’audition du mineur (Civ. 1re, 20 oct. 2010, n° 09-67.468, D. 2011. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ) sans que les juges ne soient pour autant tenus d’indiquer la teneur des propos de l’enfant dans leur décision (Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 13-24.945, Dalloz actualité, 4 nov. 2014, obs. R. Mésa ; D. 2014. 2241, obs. V. Da Silva ; ibid. 2015. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2014. 695, obs. D. Ganancia ; RTD civ. 2015. 117, obs. J. Hauser ) ni même – curieusement – qu’ils ont bien pris en considération les sentiments exprimés par l’enfant à cette occasion (Civ. 1re, 15 févr. 2023, n° 21-18.498, AJ fam. 2023. 228, obs. B. Mallevaey ; la jurisprudence rendue sous l’empire de la loi ancienne était contraire, Civ. 2e, 20 nov. 1996, n° 93-19.937, D. 1997. 192 , note Y. Benhamou ; ibid. 279, obs. N. Descamps-Dubaele ; RDSS 1997. 637, obs. F. Monéger ; RTD civ. 1997. 112, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 1997. 13 ; Civ. 2e, 10 juin 1998, n° 97-20.905, JCP 1999. 101, obs. Y. Favier).

Il reste que, dès les premiers textes, les modalités du recueil de la parole de l’enfant ont suscité des interrogations (sur lesquelles, v. not., V. Avena-Robardet, Audition de l’enfant en justice, AJ fam. 2009. 238 ; C. Neirinck, Rép. dr. civ., Enfance, spéc. n° 904) de la part de la doctrine comme de la pratique et le législateur, aidé par la jurisprudence, a ainsi dû dessiner petit à petit les contours de l’audition. Parmi les multiples incertitudes auxquelles il fallait mettre fin, l’une...

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