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Augmentation salariale des magistrats : Dupond-Moretti tape dans le mille

Lundi matin, l’annonce par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, d’une hausse de la rémunération des magistrats judiciaires de « l’ordre de 1 000 € brut en moyenne » a pris les syndicats par surprise. Le budget 2023 devrait annoncer d’autres augmentations, sur la rémunération des autres fonctionnaires judiciaires et sur le nombre d’emplois de magistrats. De quoi renouer le dialogue avec la profession ?

par Pierre Januel, Journalistele 14 septembre 2022

L’annonce a surpris. Lundi matin, à l’antenne de BFM TV, Éric Dupond-Moretti a annoncé une forte hausse de la rémunération des magistrats judiciaires, avec un chiffre choc : 1 000 € par mois. La Chancellerie nous a précisé qu’il s’agirait d’une hausse moyenne de 1 000 € brut par mois, à partir du mois d’octobre 2023. Elle devrait être concentrée sur le début de carrière. L’objectif est de rattraper le traitement des magistrats administratifs, qui ont bénéficié récemment d’une hausse. « Je veux que les magistrats de l’ordre judiciaire soient payés comme les magistrats de l’ordre administratif » a indiqué le ministre.

Pour Ludovic Friat, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM) : « cela faisait partie de nos revendications. Il y a un décrochage de l’ordre de 20 % avec la rémunération des juges administratifs et encore davantage avec celle des juges financiers. Un tel écart de traitement nous semble injustifié ». Ce décrochage posait un problème d’attractivité de la magistrature, pour le premier concours comme pour les reconversions. Si la magistrature judiciaire veut recruter, il faut qu’elle soit attractive.

Mais les syndicats, ont immédiatement mis deux bémols. D’abord, pour Ludovic Fiat, « nous sommes surpris par la méthode. En juin 2021, nous avions demandé l’ouverture de négociations, notamment sur les questions salariales. Le garde des sceaux n’avait pas répondu et nous n’avions pas de retour depuis, malgré la transmission d’éléments précis. Nous aurions préféré une décision moins verticale et un véritable dialogue sur l’ensemble des éléments de la rémunération ».

Second bémol : « Ce n’est qu’une brique de ce que l’on demande : statut du parquet, embauche de magistrats mais également de personnels de justice, que ce soient des greffiers, des juristes assistants ou des attachés, l’informatique et une pause législative. » Même chose pour le syndicat de la magistrature qui, dans un communiqué a indiqué qu’« il y aurait lieu de se réjouir pour la justice si l’augmentation de la rémunération des magistrats rimait avec le renforcement de l’indépendance de la justice, ou encore si cela s’accompagnait de l’annonce d’une revalorisation substantielle de la rémunération des fonctionnaires de greffe et de recrutements massifs dans l’ensemble des services judiciaires, que nous estimons bien plus urgents ».

210 emplois de magistrats judiciaires supplémentaires

L’annonce d’Éric Dupond-Moretti intervient alors que s’ouvre un cycle de rencontres entre le ministre et le monde judiciaire. Il s’agit d’évoquer les suites du rapport Sauvé et des états généraux de la justice (Dalloz actualité, 9 juin 2022, obs. P. Januel), prélude à la nouvelle loi d’orientation évoquée par Elisabeth Borne dans son discours de politique générale. Même si elle a été faite en enjambant les syndicats, l’annonce permet au ministre de ne pas venir les mains vides et de renouer un dialogue avec les organisations, dialogue unanimement jugé comme très dégradé, voire inexistant, depuis plusieurs mois.

Le rapport Sauvé relevait le problème global pour les agents du ministère de la justice, « sensiblement moins bien rémunérés que ceux des autres ministères, alors que les sujétions y sont particulièrement nombreuses ». Il s’attardait notamment sur la situation des greffiers, qui, bien que « surdiplômés », perçoivent une rémunération nette globale de 13 % inférieure à la moyenne des autres fonctionnaires de catégorie B. Le ministre n’a pas encore évoqué d’augmentation pour les autres personnels, mais des annonces catégorielles devraient être faites à la fin du mois, au moment de la présentation du budget 2023.

Selon les lettres de cadrage diffusées cet été, la mission justice (qui regroupe la justice judiciaire, l’administration pénitentiaire et la PJJ) bénéficiera en 2023 d’une hausse de 700 millions d’euros de ses crédits, soit + 8 %. Il s’agit d’une troisième augmentation importante après celles de 7,9 % en 2021 et de 6,8 % en 2022.

La présentation du budget 2023 permettra de détailler la répartition des crédits supplémentaires. Le projet de loi de finances 2023 devrait inclure, selon nos informations, une hausse de 210 emplois de magistrats judiciaires. Une augmentation bien plus importante que celles constatées ces dernières années (v. P. Januel, Une hausse du budget de la justice, pour quoi faire ?, AJ pénal 2022. 52 ), où ce n’est pas la création d’emplois qui avait été priorisée. Mais si l’effort est réel, les besoins sont colossaux.

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Crédit incluant le CAS Pensions, chiffres issus des rapports annuels de performance et, pour l’année 2022 du budget prévisionnel
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