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Autant en emporte la PMA pour toutes : enfin reconnues mères !

Le 9 juin 2022, la cour d’appel de Lyon applique, pour la première fois, l’article 9 de la loi du 21 février 2022 : du fait d’un projet parental commun réalisé par assistance médicale à la procréation à l’étranger avant la loi du 2 août 2021, l’adoption plénière est prononcée en dépit de l’opposition de la mère légale.

De nouvelles dispositions invoquées en cause d’appel

En l’espèce, deux femmes mariées ont eu un enfant, le 4 octobre 2018, à la suite d’une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur réalisée en Belgique. La femme qui a porté l’enfant est reconnue comme la mère de l’enfant et consent, par acte notarié du 23 octobre 2019, à l’adoption plénière de l’enfant par son épouse. À la suite de leur séparation, elle rétracte son consentement le 25 novembre 2019. L’épouse, coautrice du projet parental, ne souhaitant pas rester sans statut, a déposé au greffe du tribunal de Saint-Étienne le 30 novembre 2020 une demande d’adoption plénière. Le refus de la mère de consentir à l’adoption plénière de l’enfant n’est pas jugé abusif par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne, qui met en exergue, dans son jugement du 25 novembre 2021, « l’incapacité de la [demanderesse] d’anticiper les besoins matériels et affectifs de l’enfant et à agir dans l’intérêt de celui-ci au détriment de ses propres besoins ».

La femme interjette alors appel du jugement et fait valoir, à nouveau en cause d’appel, qu’il s’agit d’un projet parental commun réalisé par le biais d’une AMP avec tiers donneur à l’étranger et que la rétractation du consentement à l’adoption de l’enfant par l’épouse est abusive puisqu’il est en fait la conséquence de leur séparation. Outre l’article 348-6 du code civil invoqué en première instance, la requête s’appuie sur les dispositifs de droit transitoire visant à établir un double lien de filiation maternelle lorsqu’il a existé un projet parental commun réalisé par AMP à l’étranger avant la loi du 2 août 2021. Il s’agit plus précisément de la possibilité offerte par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique d’établir la double filiation maternelle par le biais d’une reconnaissance conjointe établie a posteriori devant notaire par les deux femmes (art. 6 IV) et, à défaut, de la possibilité prévue par la loi du 21 février 2022 portant réforme de l’adoption, dite loi Limon, pour le juge de prononcer l’adoption plénière de l’enfant en l’absence de consentement de la mère à l’adoption et d’un refus de procéder à une reconnaissance conjointe a posteriori (art. 9).

Les dispositions de l’article 9 de la loi Limon

Les juges de la cour d’appel de Lyon doivent se prononcer sur la demande d’adoption plénière faite par une femme à l’égard d’un enfant qui a été conçu dans le cadre d’un projet parental commun avec son ex-conjointe.

Ils écartent dans un premier temps l’application de l’article 348-6 du code civil dans la mesure où le refus de la mère légale ne s’est pas désintéressée de son enfant au risque d’en compromettre la santé ou la moralité (certaines juridictions du fond ont pu écarter cette condition et juger que la seule rétractation du consentement à l’adoption, abusive, justifiait de prononcer l’adoption plénière de l’enfant, v. not. TGI Lille, 14 oct. 2019, n° 19/1037, AJ fam. 2020. 248, et les obs. ; TJ Pontoise, 24 nov. 2020, n° 19/01979, AJ fam. 2021. 182, obs. L. Brunet ). Les juges examinent ensuite les dispositions de l’article 9 de la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption : « à titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil. Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Il statue par une décision spécialement motivée. L’adoption entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin ».

Deux conditions : un projet parental commun et une AMP réalisée à l’étranger

Les juges font alors application de ces dispositions qui supposent deux conditions, à savoir l’existence d’un projet parental commun d’une part et sa réalisation à l’étranger par le biais d’une AMP avant la publication de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique d’autre part. Ces deux éléments ne sont contestés par aucune des deux femmes ni par le ministère public.

Les juges, qui doivent statuer par une décision...

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