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Article
Aux Baumettes, l’administration « oublie » de prendre en charge un détenu en grève de la faim
Aux Baumettes, l’administration « oublie » de prendre en charge un détenu en grève de la faim
Abdel T., en grève de la faim et de la soif, aurait dû faire l’objet d’un signalement immédiat, auprès de l’unité sanitaire, par les surveillants. Les médecins n’ont été informés de cette grève que quatre jours après.
par Julien Mucchiellile 11 septembre 2017
Abdel T., détenu à la prison des Baumettes, a débuté une grève de la faim et de la soif le 22 août dernier, afin de protester contre sa situation judiciaire. Déjà affaibli par trois tentatives de suicide en quelques semaines (par pendaison, en essayant de se tailler les veines, puis en avalant des lames de rasoir), ce détenu a choisi cette voie de protestation, pour faire entendre sa cause auprès de l’administration pénitentiaire.
Dans un communiqué transmis le 4 septembre, l’Observatoire international des prisons (OIP) révèle que l’établissement n’aurait pas appliqué le protocole prévu par la loi, en cas de grève de la faim de l’un de ses détenus. Les grèves de la faim et/ou de la soif des personnes détenues sont réglementées par les articles D. 280 et D. 364 du code de procédure pénale, la circulaire AP 86-24 du 13 octobre 1986, la note du 22 mars 1994 relative au refus d’aliments solides et liquides et par le Guide méthodologique de prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice. Ces textes prévoient que les autorités sanitaires, en l’occurrence l’unité hospitalière sécurisée interrégionale de Marseille (UHSI), soient immédiatement prévenues lorsqu’un détenu entame une telle démarche. Or le cas d’Abdel T., dit l’OIP, n’a été porté à la connaissance des médecins de l’établissement que le 26 août, soit quatre jours après le début de la grève. Autre fait troublant, Abdel T. a été extrait le 25 août, à la suite d’un malaise, pour être soigné à l’hôpital nord de Marseille mais nulle trace de cette extraction ne figure au greffe de la prison.
Ces informations sont confirmées par Me Daniel Tarasconi, l’avocat d’Abdel T., pour qui l’administration « fait payer à son client le fait d’avoir déposé plainte », rapporte-t-il. L’homme, détenu depuis huit mois, a porté plainte au mois de juillet pour « faux et usage de faux ». Il accuse l’administration pénitentiaire d’avoir signé à sa place le document l’informant que son audience d’appel, dans une affaire qui lui a valu en première instance, une peine de quatre ans dont dix-huit mois ferme. Non avisés de cette seconde audience, Abdel T. et son avocat n’ont pu s’y rendre, et la peine fut confirmée le 27 juin par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Cette plainte aurait, selon Me Tarasconi et son client, un impact négatif sur la situation carcérale de ce dernier. « Depuis qu’ils savent que vous avez déposé plainte, j’ai un traitement abominable », aurait rapporté Abdel T. à son avocat. « Ils le murent dans une camisole chimique, on lui donne des médicaments dont il ne connaît même pas la nature », s’inquiète l’avocat. Il raconte que, lorsqu’Abdel T. a ingéré des lames de rasoir le 20 août, les pompiers, alertés par le codétenu qui avait composé le 18 avec son téléphone portable, n’ont pu pénétrer dans l’établissement pour intervenir. « Nous savons gérer ce type de situations », aurait répondu le personnel de l’établissement, d’après l’avocat. Les surveillants ont fait régurgiter à Abdel T. les lames avalées.
L’épisode de la grève de la faim constituerait ainsi de nouvelles « représailles ». Les surveillants auraient volontairement omis de signaler la grève de la faim et de la soif à l’unité sanitaire, l’amenant à l’hôpital en catimini, pour éviter qu’il ne meurt de déshydratation, après trois jours sans boire. Le 26 août, c’est devant un médecin d’astreinte, par l’équipe de surveillants du week-end, qu’Abdel T. a été conduit. Par solidarité avec Abdel T. et pour appuyer une demande de transfèrement, Samy M., son codétenu, a entamé une grève identique le 27 août. C’est par l’OIP que les médecins de la prison en ont été informés, le 1er septembre.
La direction de l’établissement a refusé de répondre aux questions de Dalloz actualité, ainsi qu’à celles de l’OIP. Elle dit réserver ses déclarations à deux médias : La Provence et l’AFP. Dans une dépêche, l’établissement a indiqué que les accusations de faux relevaient de « l’affabulation totale » et a reconnu un retard dans le signalement de la grève de la faim.
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