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« Avantage sans contrepartie » et contrat de sous-traitance : nouvelles précisions

La chambre commerciale de la Cour de cassation reconnaît la qualité de partenaire commercial au sous-traitant au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce qui prohibe l’obtention d’un avantage sans contrepartie et confirme son applicabilité au contrat de sous-traitance malgré les règles spéciales qui régissent ce contrat. Elle précise également que l’avantage sans contrepartie peut être constitué par une remise, de sorte que le contrôle doit s’opérer indépendamment de la nature de l’avantage.

Bien que l’ordonnance n° 2019-259 du 24 avril 2019 impose désormais l’article L. 442-I, 1°, du code de commerce comme texte de référence en ce qui concerne l’obtention d’un avantage sans contrepartie, les principes gouvernant l’application de la loi dans le temps impliquent que les interrogations relatives à l’ancienne version du texte subsistent. Certaines sont éclaircies par les apports de cet arrêt, apports utiles aussi pour éclairer le droit nouveau.

C’est dans le contexte d’un contrat de sous-traitance de maison individuelle que la chambre commerciale a été appelée à se prononcer. À cette occasion, les sous-traitants, au renfort desquels est intervenu le ministre de l’Économie, ont assigné le constructeur pour deux pratiques. D’une part, était en cause la déduction exceptionnelle de 2 % sur le prix appliqué par lui, au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le « CICE ». D’autre part, celui-ci s’octroyait un escompte de 3 % sur les factures de ses sous-traitants réglées en retard. En dépit des objections du constructeur, la cour d’appel de Paris appliqua le droit des pratiques restrictives, sans toutefois reconnaitre l’existence de telles pratiques, solution cette fois contestée par le ministre de l’Économie. Un pourvoi est alors formé. Pour le constructeur, la cour d’appel a violé les dispositions de la loi de 1990, applicable au contrat de sous-traitance litigieux, et le principe issu de l’adage specialia generalibus derogant. Selon lui, le droit « général » des pratiques restrictives aurait dû être écarté au profit du droit plus « spécial », prévu dans le code de la construction et de l’habitation. De son côté, le ministre reproche à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes au motif, d’une part, que la pratique de la remise systématique ne pouvait être appréhendée à l’aune du 1° de l’article L. 442-6, I, du code de commerce et, d’autre part, qu’il n’aurait pas été établi qu’un escompte avait été perçu en dehors des prévisions des parties.

Riche, cet arrêt interroge alors à la fois les notions, comme celle de partenaire commercial ou d’avantage sans contrepartie (selon la nouvelle formule), mais encore l’applicabilité et le régime du droit des pratiques restrictives.

L’intégration du contrat de sous-traitance de construction d’une maison individuelle dans le champ d’application de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce

Le droit des pratiques restrictives n’est pas étranger aux relations de sous-traitance, même si le plus souvent il s’agit de contrats de sous-traitance industrielle, et que cela concerne le déséquilibre significatif (par ex., Rouen, 12 déc. 2012, n° 12/01200, Juris-Data 2012-033564) ou la rupture de relations commerciales établies (Com. 19 oct. 2022, n° 21-17.653, CCC 2022. 40, note N. Mathey ; 4 oct. 2011, n° 10-20.240, D. 2011. 2465, obs. X. Delpech ; ibid. 2961, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; RTD com. 2011. 791, obs. B. Bouloc ). Partant, de ce point de vue, l’apport de l’arrêt peut paraitre résiduel. Toutefois, il permet de fournir une illustration supplémentaire du critère de « partenaire commercial », et semble, de surcroît, confirmer l’approche renouvelée de ce critère.

En effet, cette inclusion s’inscrit dans la continuité de la définition du partenaire commercial qu’elle a consacrée dernièrement dans un arrêt du 15 janvier 2020 (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512, D. 2020. 148 ; ibid. 2421, obs. C. de droit de la concurrence Yves Serra (CDED Y. S.EA n° 4216) ; ibid. 2021. 718, obs. N. Ferrier ; AJ contrat 2020. 153, obs. G. Chantepie ; RTD com. 2020. 318, obs. M. Chagny ; ibid. 320, obs. M. Chagny ; comp. Com. 31 janv. 2018, n° 16-24.063, D. 2018. 2326, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2019. 783, obs. N. Ferrier ; RTD com. 2018. 635, obs. M. Chagny  ; 26 avr. 2017, n° 15-27.865, D. 2018. 865, obs. D. Ferrier ; RTD com. 2017. 593, obs. M. Chagny ; ibid. 601, obs. M. Chagny  ; Paris, 27 sept. 2017, n° 16/00671,AJ contrat 2017. 535, obs. N. Eréséo ; RTD civ. 2018. 114, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 633, obs. M. Chagny ; ibid. 635, obs. M. Chagny ). Il est également permis de penser qu’il s’agit d’une façon d’aligner le droit ancien avec le droit nouveau. Le « partenaire commercial » se rapprocherait ainsi de « l’autre partie », notion qui se veut plus « adaptée », selon le Rapport au Président relatif à l’ordonnance du 24 avril 2019, puisqu’elle permet « d’inclure toutes les situations où la pratique illicite est imposée à un cocontractant dans le cadre de son activité de distribution, de produit ou de service ». Ce nouveau critère permettant d’être « en cohérence avec la modification du champ d’application qui prévoit que les pratiques sont appréhendées de la négociation à l’exécution du contrat » (rapp. Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, JORF 25 avr. 2019, texte n° 15). C’est en effet la seconde modification principale que l’on peut noter du nouveau dispositif.

Cette approche du partenaire commercial n’était...

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