Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Aveux recueillis en violation des droits de la défense et méconnaissance du procès équitable

L’utilisation d’aveux obtenus en violation des droits de la défense peut porter atteinte à l’équité du procès dans son ensemble dès lors que la condamnation de la personne placée dans une position désavantageuse dès le début de l’enquête est essentiellement fondée sur ces aveux.

Le droit de ne pas s’auto-incriminer, de garder le silence et d’être assisté par un avocat participent au respect du caractère équitable des procédures, et la Cour européenne accorde une attention particulière à l’examen de l’effectivité de ces garanties (CEDH 8 févr. 1996, John Murray c/ Royaume-Uni, n° 18731/91, § 45, Rec. CEDH, p. 1996-I ; AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; ibid. 1997. 977, chron. J.-F. Flauss ; RSC 1997. 476, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 481, obs. R. Koering-Joulin ; CEDH, gr. ch., 11 juill. 2006, Jalloh c/ Allemagne, n° 54810/00, § 101, ECHR 2006 IX, AJDA 2006. 1709, chron. J.-F. Flauss ). Récemment encore, dans sa décision du 11 mai 2023, la Cour européenne des droits de l’homme a dû rappeler la nécessité de garantir un accès réel et effectif à un avocat dès les premières étapes de la procédure pénale afin de protéger les droits fondamentaux de l’accusé et d’assurer l’équité du procès.

Contexte de l’affaire

En 2016, monsieur Lalik, ivre, avait enflammé le blouson de l’individu avec lequel il avait passé une partie de sa soirée. Ce dernier décéda des suites de ses brûlures.

Le requérant a été arrêté quelques heures plus tard et conduit au commissariat alors qu’il était toujours en état d’ébriété. Selon le gouvernement polonais, monsieur Lalik avait été informé de ses droits peu après son arrivée au commissariat, bien qu’aucune preuve n’ait permis de confirmer ladite notification.

Le lendemain matin, sans avoir été soumis à un nouvel éthylotest, le requérant a subi un interrogatoire informel durant près de trois heures, mené par plusieurs policiers, alors qu’il n’avait toujours pu rencontrer un avocat.

Aucun procès-verbal de cet interrogatoire n’a été établi, si ce n’est que l’un des policiers a rédigé une note officielle consignant les déclarations du requérant sans que ce dernier n’y appose sa signature.

Ce n’est que plus de quinze heures après son arrestation et à la demande du père de l’intéressé que le requérant a pu rencontrer un avocat pour la première fois en présence d’un policier.

Reconnu coupable de meurtre avec circonstances aggravantes, le requérant a été condamné à une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement. Dans leurs décisions, les juridictions internes ont explicitement fait référence aux déclarations formulées par l’intéressé lors de son interrogatoire informel.

L’absence de notification des droits

Invoquant la violation de l’article 6, § 3, c) de la Convention européenne, le requérant soutenait que les policiers, qui lui avaient fait subir un interrogatoire informel après son arrestation, ne l’avaient pas informé de ses droits et ne lui avaient pas proposé de consulter un avocat. Il affirmait en outre que cet interrogatoire n’avait pas été retranscrit au sein d’un procès-verbal et que son taux d’alcool dans le sang n’avait pas été remesuré au préalable.

Sur ce point, la CEDH rappelle que la réception par l’accusé d’informations sur les droits de se taire, de ne pas s’auto-incriminer et de consulter un avocat est l’une des garanties lui permettant d’exercer ses droits de la défense (à ce sujet, elle renvoie à sa décision, CEDH, gr. ch., 12 mai 2017, Simeonovi c. Bulgarie, n° 21980/04, § 128). En l’espèce, la Cour européenne indique ne pas avoir la certitude que les droits de garder le silence, de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de consulter un avocat aient été portés à la connaissance de monsieur Lalik au moment de son arrestation. En tout état de cause, le requérant n’en n’a pas été informé le lendemain matin avant de subir un interrogatoire informel.

Pourtant, la CEDH a spécifié à plusieurs reprises que parmi les attributs fondamentaux d’un procès équitable, figurait le droit d’être...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :