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Avocat constitué : obligation de lui notifier ses conclusions déjà adressées

Si l’avocat de l’appelant n’a pas à signifier la déclaration d’appel à l’intimé lorsque son avocat se constitue dans le mois de l’émission de l’avis émis par le greffe, il ne peut se dispenser de lui notifier ses conclusions à la suite de cette constitution quand bien même celles-ci lui avaient été communiquées antérieurement.

par Romain Lafflyle 24 octobre 2017

Le 19 mars 2013, une société relève appel d’un jugement du tribunal de commerce et l’avocat de l’appelante notifie aussitôt, le 22 mars 2013, ses conclusions au greffe et, dans le même temps, par voie électronique, à son confrère qui intervenait en première instance pour la partie adverse mais non encore constitué pour l’intimé. Le greffe adresse dans la foulée un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel à l’intimé non constitué conformément aux dispositions de l’article 902 du code de procédure civile, puis l’avocat de l’intimé se constitue le 28 mars 2013. La cour d’appel de Rennes, après avoir relevé que la déclaration d’appel n’avait pas été signifiée par application de l’article 902 du code de procédure civile dans le mois de l’émission de l’avis du greffe, déclare caduque la déclaration d’appel au constat que l’avocat de l’appelant, s’il avait bien communiqué ses conclusions à l’avocat de l’intimé par voie électronique avant sa constitution, ne lui avait pas notifié les conclusions après cette constitution. L’appelant forme un pourvoi en reprochant en substance à la cour de ne pas avoir constaté que les conclusions avaient bien été notifiées dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile par RPVA à l’avocat de l’intimé qui s’était par la suite constitué et qui avait de surcroît expressément reconnu les avoir reçues. Le demandeur au pourvoi ajoutait que le greffe avait anticipé sur le délai de l’article 902 du code de procédure civile en adressant l’avis d’avoir à signifier l’acte d’appel à l’intimé non constitué avant le délai légal d’un mois tandis que son avocat avait immédiatement constitué et qu’il n’avait donc pas à signifier la déclaration d’appel à l’avocat constitué dans le délai de cet avis.

Si elle rappelle opportunément que « la constitution par l’intimé d’un avocat, avant même l’expiration du délai d’un mois suivant l’avis, adressé à l’avocat de l’appelant par le greffe, d’avoir à signifier la déclaration d’appel à cet intimé, dispense l’appelant d’accomplir cette formalité », la deuxième chambre civile approuve la cour d’appel d’avoir jugé caduque la déclaration d’appel dès lors que l’avocat qui représentait l’intimé en première instance et qui avait reçu les conclusions de l’appelant n’était pas constitué.

Bien que le moyen soit sans emport au regard de la caducité encourue pour défaut de notification des conclusions, l’affirmation pour la première fois de la Cour de cassation sur l’absence d’obligation de signifier la déclaration d’appel à l’intimé lorsque son avocat se constitue dans le mois de l’émission de l’avis émis par le greffe, ce qui est fréquent en pratique, est une excellente chose. En l’absence de toute exonération, expressis verbis, de faire signifier en cas de constitution parallèle et de l’automaticité de la sanction de caducité maintes fois rappelé par la Cour de cassation, la prudence commandait jusque-là de signifier la déclaration d’appel quand bien même l’avocat de l’intimé se constituait dans le mois de l’émission de l’avis, ce qui était à la fois coûteux et inutile. Cette jurisprudence bienvenue n’aura de toute façon qu’un temps puisque l’alinéa 3 de l’article 902 issu du décret du 6 mai 2017 dispose désormais qu’« à peine de caducité de la déclaration d’appel, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entretemps, l’intimé a constitué avocat avant la signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat ». Aussi, si l’avocat de l’appelant qui reçoit, depuis le 1er septembre 2017, l’avis de l’article 902 du code de procédure civile peut se dispenser d’une signification de la déclaration d’appel par voie d’huissier lorsque son confrère se constitue dans le délai d’un mois, il doit maintenant lui notifier son acte d’appel, ce qui ne présente pas grand intérêt puisque par définition il est réputé en avoir eu connaissance pour se constituer.

Quant à la caducité de la déclaration d’appel, l’arrêt illustre toute la rigueur de la procédure d’appel dans une affaire qui n’aurait pas dû connaître pareil sort. Chose suffisamment rare pour être soulignée, dans un délai inférieur à dix jours en effet, non seulement l’appelant avait conclu mais l’avocat de l’intimé s’était constitué. Mais l’avocat de l’appelant était allé vite, trop vite peut-être, en relevant appel puis en notifiant au greffe trois jours plus tard ses conclusions. Pensant sans doute bien faire, il avait récupéré l’adresse électronique de son confrère pour lui notifier ses conclusions par RPVA « dans le délai de leur remise au greffe », ainsi que le prévoit l’article 911, alinéa 1er, du code de procédure civile. Mais cette disposition ne vaut qu’en présence d’une constitution de l’avocat de l’intimé. En effet, par application de l’article 911 toujours et en l’absence de constitution de l’intimé au jour de la notification des conclusions au greffe, l’avocat de l’appelant doit signifier par acte d’huissier ses conclusions à l’intimé non constitué. Il disposait même d’un délai de quatre mois pour ce faire, c’est-à-dire du délai de l’article 908 du code de procédure civile augmenté d’un délai d’un mois, en l’absence de constitution. En l’espèce, non seulement aucune signification n’était intervenue, ce qui aurait évité toute caducité, mais l’avocat de l’appelant s’était contenté de notifier ses conclusions avant la constitution de l’avocat de l’intimé, c’est-à-dire à un avocat qui ne représentait pas (encore) son client devant la cour d’appel. Car, ainsi que l’a déjà jugé la Cour de cassation, il importe peu que l’avocat a notifié ses conclusions dans le délai légal au dominus litis de la partie adverse si celles-ci ne sont pas notifiées à l’avocat postulant devant la cour, seul habilité à la représenter (Civ. 2e, 4 sept. 2017, n° 13-22.654, RTD civ. 2015. 195, obs. N. Cayrol ). Faut-il en effet rappeler que l’article 960 du code de procédure civile impose toujours la dénonciation de la constitution aux autres parties par notification entre avocats et que les actes de procédure doivent donc être notifiés aux seuls avocats régulièrement constitués ? Ainsi, lorsque l’article 911 précise que « les conclusions sont notifiées aux avocats des parties », il ne s’agit pas, nécessairement, des avocats de première instance, mais des avocats constitués devant la cour et l’article 906 du code de procédure civile vise d’ailleurs bien la notification des conclusions aux avocats constitués. Les chambres civiles et commerciales des cours d’appel jugent d’ailleurs régulièrement caduques des déclarations d’appel et irrecevables des conclusions en cas d’erreur de destinataire de la notification. C’est le cas lorsque deux avocats interviennent conjointement pour défendre une partie en raison de la spécificité de la procédure d’appel ou au regard des règles de territorialité, peu important encore que les avocats soient inscrits dans le même ressort de cour d’appel. À chaque fois, il faut impérativement distinguer l’avocat plaidant de l’avocat postulant, seul constitué. Et les chambres sociales prononcent les mêmes sanctions à l’égard des défenseurs syndicaux qui, très fréquemment, communiquent leurs écritures à l’avocat de première instance… qui a fait le choix d’un avocat postulant.