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Article

Avortement en temps d’état d’urgence sanitaire : silence sur les droits des femmes
Avortement en temps d’état d’urgence sanitaire : silence sur les droits des femmes
Dans une période où l’accès libre à l’avortement est considérablement complexifié pour les femmes, les normes applicables à l’interruption volontaire de grossesse ont été provisoirement assouplies. Mais ces règles provisoires garantissent-elles vraiment les droits des femmes ?
par Lisa Carayonle 12 mai 2020

Dès les premières semaines de confinement, certains centres d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ont alerté sur le fait qu’ils ne recevaient pas autant de femmes qu’à l’accoutumée1. Cette situation, qui ne semble pas avoir radicalement évolué depuis quelques semaines, est certainement à mettre en rapport avec une moindre sollicitation générale du système de santé hors cas de covid-19. Que ce soit par peur de l’infection nosocomiale, par crainte de ne pas être correctement pris·e en charge ou encore par volonté de « ne pas déranger », il est constant que les patient·es s’adressent actuellement moins au système de soins qu’en temps normal. Ceci ne peut qu’inquiéter : les patient·es actuellement « absent·es » des services de santé risquent fort d’y affluer, dans des états de santé dégradés, au moment de la levée du confinement.
En ce qui concerne l’avortement, l’inquiétude est redoublée par deux facteurs. D’une part, il est à craindre qu’en plus des motifs communs à tout·es les patient·es, certaines femmes ne se soient pas rendues dans les centres d’accès à l’avortement parce qu’elles ne pouvaient pas s’y rendre en toute confidentialité pendant le confinement. Celles qui souhaitaient cacher leur démarche aux personnes avec lesquelles elles vivent (parents, compagnon, etc.) pouvaient se trouver sans aucune bonne raison pour sortir plusieurs heures et se rendre dans un service d’orthogénie. D’autre part, la durée importante du confinement fait craindre qu’un grand nombre de femmes se trouvent dans la situation d’avoir dépassé, au moment où elles pourront se mouvoir librement, le délai de douze semaines de grossesse que leur accorde le droit français pour avorter. À ces femmes s’ajouteront celles qui, en temps habituels, seraient parties à l’étranger pour recourir à un avortement hors délai et que la fermeture de frontières et la raréfaction des moyens de transport auront privées de cette possibilité. Rappelons ici que le fait de devoir se déplacer loin de son domicile pour accéder à une IVG n’est pas une spécificité de cette période d’épidémie : dans certains départements, même en temps habituels, il est parfois extrêmement difficile de trouver des lieux pratiquant des avortements entre dix et douze semaines de grossesse2.
Dans cette situation exceptionnelle, quelques normes habituellement applicables à l’IVG ont été ponctuellement assouplies. Mais ces adaptations semblent insuffisantes pour garantir durablement les droits des femmes.
Adaptations marginales des normes en vigueur
Face aux difficultés d’accès à l’IVG signalées par les professionnel·les du secteur dès les premières semaines du confinement, le gouvernement a rapidement sollicité un avis de la Haute Autorité de santé sur la possibilité d’étendre le délai de sept semaines d’aménorrhée habituellement appliquée à une IVG médicamenteuse effectuée à domicile. Rendu le 9 avril 2020, cet avis détaille le protocole à suivre pour pratiquer ainsi une interruption de grossesse jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée3.
Outre cette extension de délai, un arrêté du 14 avril4 adapte la procédure habituelle de recours à l’IVG hors établissement de soin afin de l’ouvrir à la téléconsultation. Permise aux médecins et aux sages-femmes5, cette téléconsultation induit plusieurs dérogations aux normes de droit commun, la plus importante d’entre elles6 étant que le médicament peut, évidemment, être pris en dehors de la présence du ou de la professionnel·le qui l’a prescrit7. La délivrance des médicaments elle-même s’effectue, à titre exceptionnel, par la transmission de l’ordonnance auprès d’une officine désignée par la patiente, qui les reçoit donc directement8. L’ordonnance ne pouvant être exécutée qu’après cette transmission électronique, espérons que les femmes n’auront pas à subir l’attitude de certaines officines, parfois réticentes à délivrer des produits contraceptifs ou abortifs.
Applicable jusqu’à la fin de l’urgence sanitaire, soit a priori jusqu’au 10 juillet 2020 minimum, ce protocole n’est cependant pas sans soulever quelques interrogations, moins dans son fonctionnement que dans ses insuffisances.
Refus de penser une démarche plus radicale d’élargissement des droits des femmes
Faciliter l’accès à l’avortement par l’assouplissement du protocole d’avortement médicamenteux peut être un premier pas. Mais cela est loin d’être suffisant.
Tout d’abord parce que l’avortement médicamenteux à domicile, s’il peut parfaitement être un choix des femmes, n’est pas adapté à toutes. Souvent douloureux, en particulier dans une phase un peu avancée de la grossesse, il conduit par ailleurs à des saignements qui peuvent être difficiles à gérer à domicile, en particulier si la femme est isolée ou, à l’inverse, ne peut pas bénéficier de l’intimité qu’elle pourrait souhaiter. C’est pourquoi cette méthode devrait toujours être librement choisie par les femmes après avoir reçu une information complète sur cette méthode et les alternatives existantes. On sait que la méthode médicamenteuse est parfois privilégiée en temps normal par certains centres d’IVG9 car moins coûteuse en matériel, temps et personnel. On peut craindre que les circonstances particulières de la crise sanitaire conduisent parfois à des incitations appuyées à recourir à cette méthode plutôt qu’à des méthodes instrumentales, qui nécessitent notamment la présence de personnel d’anesthésie – particulièrement sollicité durant cette crise. Or rappelons que le libre choix de la méthode d’avortement est un droit des femmes, formellement reconnu par le code de la santé publique10, et rappelé par la Haute Autorité de santé dans son avis du 9 avril 2020. Espérons donc que ce droit soit respecté durant la période de crise sanitaire mais aussi que cet assouplissement du recours à l’IVG médicamenteuse ne soit pas vu par certains centres comme une opportunité permettant de privilégier durablement le recours à l’IVG à domicile, forcément moins coûteuse.
En outre, les assouplissements apportés par le gouvernement à la procédure d’IVG pratiquée en ville sont loin de répondre aux alertes des professionnel·les du secteur. Dans un texte publié dès les premières semaines du confinement, certain·es suggéraient, outre l’extension du délai d’IVG médicamenteuse, deux autres adaptations du droit de l’avortement auquel il n’a pas été répondu. Il est ainsi suggéré que le délai de quarante-huit de réflexion imposé aux mineures soit provisoirement supprimé. Ce délai prévu à l’article L. 2212-5 du code de la santé publique, impose, de fait, deux consultations11 à ces femmes alors qu’elles sont plus susceptibles que d’autres de souhaiter dissimuler leur recours à l’avortement à leur famille.
Enfin, il eût été possible au gouvernement d’entendre l’appel des professionnel·les à étendre provisoirement le délai de recours à l’IVG de quatorze à seize semaines d’aménorrhée. Cette extension permettrait de répondre aux demandes des femmes qui n’auraient pu recourir à temps à l’avortement étant donné les circonstances sanitaires et qui ne pourraient, de fait, se rendre à l’étranger pour en bénéficier. Un amendement a été présenté en ce sens lors de la discussion de la loi établissant l’état d’urgence sanitaire12, mais a été rejeté sur avis négatif de la commission et du gouvernement.
La conséquence de cette inaction pourrait bien être une augmentation importante de grossesses poursuivies alors qu’elles n’étaient pas désirées : situation d’autant plus violente que les femmes seront, à n’en pas douter, les premières victimes des situations de précarité et de chômage qui risquent de frapper toute une partie de la population dans les prochains mois. Alors oui : certaines situations seront peut-être « rattrapées » par des interruptions médicales de grossesse lorsque les femmes argueront de difficultés psychiques graves. Mais on ne peut s’en satisfaire. Les femmes ne devraient pas avoir à mendier l’accès à leurs droits – encore moins en période de crise qu’en temps normal. Elles ne devraient pas avoir à négocier leur droit à l’intégrité corporelle. Au contraire, cette crise pourrait être le moment de repenser radicalement la question de l’accès à l’avortement en posant cette question nécessaire : pourquoi un délai13 ?
Notes
1. Pour s’informer sur l’accès à l’avortement. Pour rechercher un·e soignant·e attentif·ve aux femmes quelle que soit leur situation.
2. Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Accès à l’avortement, 17 janv. 2017, p. 31.
4. Arr. du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.
5. De façon générale, la téléconsultation des sages-femmes a été ouverte par l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, JO 24 mars 2020, art. 8.
6. On pourrait également s’interroger sur la possibilité, par téléconsultation, de recueillir le consentement de la patiente par écrit, normes à laquelle l’arrêté de semble pas souhaiter déroger puisqu’il énonce que le consentement est donné « dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique » (art. 1).
7. Dérogation à l’art. R. 2212-17, CSP.
8. Par dérogation à l’art. R. 2212-16, CSP, qui énonce que « seuls les médecins, les sages-femmes, les centres de planification ou d’éducation familiale et les centres de santé [conventionnée] peuvent s’approvisionner en médicaments nécessaires à la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse ».
9. Sénat, Rapport d’information n° 592, 2 juill. 2015, p. 54.
10. CSP, art. L. 2212-1.
11. Le fait que la procédure « de droit commun » nécessite également deux consultations est sous-entendu par le texte de l’article L. 2212-5, CSP, qui évoque le « renouvellement » du consentement. Mais, formellement, rien n’interdit que ce « renouvellement » se fasse le même jour…
12. N° 2 rect. bis visant à l’intégration d’un article additionnel après l’art. 7 de la loi ainsi rédigé : « Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 31 juill. 2020, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse. »
13. En faveur de la suppression de tout délai pour le recours à l’interruption volontaire de grossesse v. L. Carayon, La catégorisation des corps. Étude sur l’humain avant la naissance et après la mort, LGDJ, 2019, n° 883 ; M.-X. Catto, Le principe d’indisponibilité du corps humain, limite de l’usage économique du corps, thèse, Paris Ouest Nanterre-La Défense, 2014, n° 502 ou encore L. Marguet, Le droit de la procréation en France et en Allemagne : étude sur la normalisation de la vie, thèse, Université Paris-Nanterre, 2018, p. 443.
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Commentaires
Je m'abstiendrai de commenter le fonds de l'article, et tout particulièrement la question finale "pourquoi un délai?" qui me semble à elle seule une infamie. Mais après tout, chacun a le droit à ses opinions, et plus important encore, de les exprimer.
En revanche, je ne peux justement m'empêcher de commenter la manière dont celle-ci est exprimée, rédigée à l'aide de l'écriture inclusive.
Si je suis loin d'être convaincu par l'usage de cette forme d'écriture en générale, je comprends néanmoins son idée sous-jacente lorsqu'il s'agit par exemple de parler des "professionnel·les" : permettant simplement de rappeler que les professionnels en question peuvent être des hommes ou des femmes. Il ne me semble pas nécessaire de le rappeler, mais admettons.
Cependant, lorsqu'il s'agit dans le cadre d'une procédure d'IVG de parler de "patient·es", cela doit nécessairement faire lever le sourcil de plus d'un lecteur.
En effet, quels sont ces patients au masculin, dont il est question ici? Celle pourrait permettre de faire mention des conjoints ou partenaires de la femme qui va subir une telle procédure, mais honnêtement, une mention d'un tel rôle de l'homme dans cet article me surprendrait à plus d'un titre.
Par conséquent, je ne vois qu'une explication, il s'agit ici de faire mention des hommes trans qui seraient en mesure de concevoir un enfant.
Je me permet tout d'abord de me placer sur un terrain similaire à celui de l'auteur de cet article, à savoir la sémantique de gauche, et noter qu'à mon sens, si un homme subi une opération dans le but de changer de sexe, il me semble que continuer à le désigner par un pronom masculin, alors qu'il possède tous les attributs féminins correspond à une démarche "transphobique".
Mais beaucoup plus important, il me semble absurde de tordre monstrueusement la langue française uniquement dans l'objectif d'inclure des cas particuliers infinitésimaux, qui sont -rappelons-le- de toute manière déjà pris en compte par l'utilisation du masculin.
Enfin, je terminerai ce trop long commentaire, par une simple citation de la plus belle chanson de Renaud:
Parfois c' qu'y m' désole
C' qu'y fait du chagrin
Quand j' regarde son ventre
Puis l' mien
C'est qu' même si j' devenais
Pédé comme un phoque
Moi j' serai jamais
En cloque