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Baby-Loup : le règlement intérieur l’emporte sur la liberté de manifester sa religion

La restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur a été, ici, appréciée de manière concrète au regard des conditions de fonctionnement de l’association.

par Marie Peyronnetle 27 juin 2014

L’assemblée plénière, dans cette décision du 25 juin 2014, apporte une réponse claire à une question qui a largement dépassé la sphère juridique pour devenir un débat politique et sociétal sur la place de la religion dans notre société et, plus particulièrement, dans le monde du travail. L’affaire oppose une salariée à son employeur, la crèche associative Baby-Loup. Après un congé maternité, suivi d’un congé parental, une salariée revient à son travail vêtue d’un foulard islamique. Cette tenue entrant en contradiction avec une clause du règlement intérieur, l’employeur décide de mettre à pied la salariée, qui refuse de s’y conformer, et de la licencier pour faute grave.

La juridiction prud’homale, saisie par la salariée s’estimant victime de discrimination, jugea que le licenciement était justifié en raison de l’applicabilité du principe de laïcité aux crèches de droit privé qui participent à une mission de service public (Cons. prud’h. Mantes-la-jolie, 13 déc. 2010, n° 10/00587, D. 2011. 85 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2011. 779, note H. Boualili ; RDT 2011. 182, obs. P. Adam ). La cour d’appel de Versailles, bien que s’écartant de la motivation des conseillers prud’hommes, a validé le licenciement en estimant que les restrictions apportées par le règlement intérieur aux droits et libertés des salariés étaient justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (Versailles, 27 oct. 2011, n° 10/05642, D. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2011. 1186, note F. Gaudu ). La chambre sociale, dans un arrêt du 19 mars 2013, relègue clairement l’applicabilité du principe de laïcité aux agents des établissements publics ou privés assumant une mission de service public et considère que la clause du règlement intérieur, « instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul » (Soc. 19 mars 2013, nos 11-28.845 et 12-11.690, Bull. civ. V, n° 76 ; Dalloz actualité, 27 mars 2013, obs. M. Peyronnet , note J.-D. Dreyfus ; D. 2013. 962 ; ibid. 761, édito. F. Rome ; ibid. 956, avis B. Aldigé ; ibid. 963, note J. Mouly ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJCT 2013. 306, obs. J. Ficara ; Dr. soc. 2013. 388, étude E. Dockès ; ibid. 2014. 100, étude Fleur Laronze ; RDT 2013. 385, étude P. Adam ; ibid. 2014. 94, étude G. Calvès ; RJS 5/13, n° 346 ; JS Lamy 2013, n° 342-2, obs. J.-P. Lhernould ; JCP S 2013, n° 1146 [2e esp.], note B. Bossu ; G. Calvès, La chambre sociale de la Cour de Cassation face à l’affaire Baby Loup. Trois leçons de droit, et un silence assourdissant, Respublica, 21 mars 2013 ; R. Schwartz, La laïcité paradoxalement consacrée, Sem. soc. Lamy 2013, n° 1577, p. 8 ; I. Desbarats, Affaire Baby Loup : laïcité fragilisée ou liberté religieuse renforcée ?, JCP S 2013, n° 29, p. 1297).

L’affaire fut donc renvoyée devant la cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 27 novembre 2013, prononça une solution divergente propulsant cette affaire devant l’assemblée plénière. La cour d’appel de renvoi a, en effet, jugé le licenciement de la salariée justifié, d’une part, en estimant que l’association revêtait le caractère d’une entreprise de « conviction » et pouvait à ce titre restreindre les droits et libertés individuelles de ses salariés entrant en contradiction avec sa propre philosophie et, d’autre part, parce que le règlement édictait une restriction justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (Paris, 27 nov. 2013, n° 13/02981, Dalloz actualité, 28 nov. 2013, obs. M....

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