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Article
Bail commercial : le lissage du déplafonnement est constitutionnel
Bail commercial : le lissage du déplafonnement est constitutionnel
En prévoyant le lissage du déplafonnement du loyer de renouvellement d’un bail commercial, le législateur n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.
par Yves Rouquetle 14 mai 2020
Il est peu de dire que la décision rapportée était attendue …
Elle fait suite à un renvoi de QPC par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui avait jugé sérieuse la question de la constitutionnalité du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce issu de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « Pinel » sous l’angle de l’atteinte au droit de propriété du bailleur (Civ. 3e, QPC, 6 févr. 2020, n° 19-19.503 P, D. 2020. 335 ).
On rappellera qu’aux termes de ce texte, « en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».
Si la haute juridiction de l’ordre judiciaire a considéré la question de la constitutionnalité de cet alinéa sérieuse, c’est en ce que ces dispositions « sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ».
Devant les juges de la rue de Montpensier, les demandeurs ont soutenu :
- que les dispositions querellées portent atteinte au droit de propriété du bailleur sans pour autant être justifiées par un motif d’intérêt général ;
- que la limitation de l’augmentation du loyer de renouvellement pourrait avoir pour effet d’imposer un niveau de loyer fortement et durablement inférieur à la valeur locative du bien, entraînant ainsi une perte financière importante pour le bailleur ;
- que si ces dispositions, qui ne relèvent pas de l’ordre public, peuvent être écartées par les parties, leur application aux baux en cours, conclus avant leur entrée en vigueur mais renouvelés postérieurement, conduit dans ce cas à priver, en pratique, les bailleurs de la possibilité d’y déroger.
Ils n’ont pas été suivis par le juge constitutionnel, lequel a décidé que le lissage du déplafonnement tel qu’envisagé par la loi Pinel du 18 juin 2014 (et qui emprunte beaucoup à ce qui prévaut de longue date en matière de loyer de renouvellement d’un bail d’habitation en et hors zone tendue) ne contrevient pas à la Constitution.
Sur le premier grief, le Conseil constitutionnel justifie l’atteinte au droit de propriété par la poursuite d’un objectif d’intérêt général consistant à « éviter que le loyer de renouvellement d’un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales ».
Sur le deuxième grief (perte financière importante et durable pour le bailleur), les neuf sages remarquent que ce lissage va tout de même permettre au bailleur d’enregistrer tous les ans une hausse des revenus locatifs de 10 % et, à terme, d’obtenir l’application de la valeur locative.
Enfin, sur le caractère facultatif du lissage, mais rendu de facto obligatoire aux baux en cours, conclus avant l’entrée en vigueur de la réforme mais renouvelés après cette date, il est remarqué que les dispositions contestées n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement. Il est ajouté que, pour les baux conclus avant la date d’entrée en vigueur de ce dispositif et renouvelés après cette date, l’application du lissage ne résulte pas du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce, issu de l’article 11 de la loi Pinel du 18 juin 2014, mais de ses conditions d’entrée en vigueur déterminées à l’article 21 de la même loi.
Ainsi, le juge constitutionnel considère que le législateur de 2014 n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Comme par ailleurs le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du code de commerce ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, il est déclaré conforme à la Constitution.
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