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Article

Biens diplomatiques : quand les mots pèsent davantage que le drapeau
Biens diplomatiques : quand les mots pèsent davantage que le drapeau
L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 12 juin 2025 consacre une étape majeure dans l’évolution du droit des immunités d’exécution des États étrangers. Cette décision, qui s’inscrit dans la lignée du contentieux Commisimpex qui anime la jurisprudence depuis plus d’une décennie, apporte des précisions d’importance sur le régime probatoire applicable à l’affectation diplomatique des biens immobiliers appartenant à des États étrangers. L’arrêt dont il s’agit révèle toute la complexité de l’articulation entre la protection des missions diplomatiques et les droits des créanciers, dans un contexte juridique transformé par la loi Sapin 2, n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

Le contexte historique et jurisprudentiel : une évolution en dents de scie
L’héritage de la jurisprudence Eurodif et ses mutations
Le droit français des immunités d’exécution a connu une évolution jurisprudentielle particulièrement tumultueuse avant sa codification partielle par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 ».
L’arrêt de principe Eurodif du 14 mars 1984 (Civ. 1re, 14 mars 1984, n° 82-12.462) avait érigé au titre de principe l’immunité d’exécution des États étrangers, laquelle pouvait être exceptionnellement écartée lorsque le bien saisi avait été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donnait lieu à la demande en justice. Cette jurisprudence créait ainsi un lien entre le bien litigieux et l’activité économique ou commerciale qui donnait lieu à la demande, ce qui réduisait considérablement la possibilité d’écarter l’immunité d’exécution.
Cependant, cette construction jurisprudentielle a été progressivement remise en cause par l’évolution des relations économiques internationales et la multiplication des contentieux opposant des créanciers privés à des États étrangers.
La Cour de cassation a ainsi abandonné sa position issue de la jurisprudence Eurodif dans un arrêt du 3 novembre 2021 (Civ. 1re, 3 nov. 2021, n° 19-25.404 FS-B, Dalloz actualité, 30 nov. 2021, obs F. Mélin ; D. 2021. 2052 ; ibid. 2022. 1773, obs. L. d’Avout, S. Bollée, E. Farnoux et A. Gridel
; Rev. crit. DIP 2022. 531, note C. Chaux
), considérant que les biens de l’émanation d’un État, pour qu’ils soient saisissables, ne doivent pas nécessairement avoir « un lien avec la demande en justice, mais que ceux-ci doivent avoir un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée ». Cette évolution témoigne de la recherche constante d’un équilibre entre la protection de la souveraineté étatique et l’effectivité du droit à l’exécution.
La saga Commisimpex : un véritable laboratoire jurisprudentiel
Le contentieux Commisimpex illustre parfaitement les difficultés pratiques du droit des immunités d’exécution. Ce différend, qui oppose depuis plus de trente ans la société Commissions import-export à la République du Congo, trouve son origine dans des marchés publics de travaux demeurés impayés pour un montant évalué à plus d’un milliard d’euros, soit environ 18 % du PIB congolais. L’ampleur de cette créance et les multiples tentatives d’exécution forcée ont donné lieu à une jurisprudence abondante qui a contribué à façonner le droit positif en matière d’immunités d’exécution.
La particularité de cette affaire réside dans l’existence d’une clause de renonciation de la République du Congo à ses immunités de juridiction et d’exécution, contenue dans un accord daté de 1992. Cette renonciation, qualifiée de « claire et sans équivoque » par certaines juridictions du fond, a fait l’objet d’interprétations divergentes quant à son étendue et à ses modalités d’application.
La Cour de cassation a ainsi été amenée à préciser, dans son arrêt du 10 janvier 2018 (Civ. 1re, 10 janv. 2018, n° 16-22.494, Dalloz actualité, 24 janv. 2018, obs. G. Payan ; D. 2018. 541 , note B. Haftel
; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; ibid. 1223, obs. A. Leborgne
; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2448, obs. T. Clay
; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. F. Rocheteau
; Rev. crit. DIP 2018. 315, note D. Alland
; RTD civ. 2018. 353, obs. L. Usunier et P. Deumier
; ibid. 474, obs. P. Théry
), que la renonciation d’un État à son immunité d’exécution doit être non seulement expresse mais aussi spéciale, en visant des biens ou une catégorie de biens déterminés sur lesquels il est envisagé de poursuivre l’exécution.
La révolution de la loi Sapin 2 : un retour à une conception extensive de l’immunité
Une codification protectrice des intérêts étatiques
La loi Sapin 2 a marqué un tournant majeur dans le droit français des immunités d’exécution en introduisant les articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3 dans le code des procédures civiles d’exécution. Cette réforme constitue selon la doctrine « un véritable retour en arrière par rapport à l’évolution jurisprudentielle antérieure » et « marque un retour à une conception extensive de l’immunité d’exécution » (v. not., Sénat, Rapport de la loi Sapin 2, 2016, p. 45 ; D. Boulanger, La réforme des immunités d’exécution en droit français, Revue de droit international 2017. 112). Le législateur a ainsi cherché à « protéger la propriété des personnes publiques étrangères » et à « assurer un contrôle judiciaire renforcé sur les mesures conservatoires ou d’exécution à l’encontre de biens situés en France appartenant à des États étrangers » (Cons. const. 8 déc. 2016, n° 2016-741 DC, § 69, Dalloz actualité, 13 déc. 2016, obs. L. Arbelet ; AJDA 2016. 2404 ; D. 2017. 881, obs. D. Ferrier
; Rev. sociétés 2017. 121, obs. B. Lecourt
; Constitutions 2017. 52, chron. P. Bachschmidt
; ibid. 75, chron. J.-F. Giacuzzo
; RTD civ. 2017. 593, obs. P. Deumier
; cité par Civ. 2ᵉ, 12 juin 2025, n° 21-11.991, § 34, AJDI 2025. 228
).
L’apport principal de cette loi réside dans l’instauration d’une procédure d’autorisation préalable du juge pour toute mesure d’exécution forcée sur un bien appartenant à un État étranger. Cette exigence procédurale, qui constitue une garantie supplémentaire pour les États, s’accompagne de conditions strictes pour l’obtention de cette autorisation. Ainsi, l’article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit trois cas alternatifs permettant l’exécution contre un État étranger : le consentement exprès de l’État, l’affectation du bien à la satisfaction de la demande, ou l’utilisation du bien à des fins non publiques avec un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.
Une protection renforcée des biens diplomatiques
La loi Sapin 2 accorde une protection particulièrement renforcée aux biens diplomatiques, qui bénéficient d’un régime d’immunité quasi absolue.
L’article L. 111-1-2, 3°, a), du code des procédures civiles d’exécution considère expressément comme étant destinés à des fins de service public non commerciales « les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État ». Cette disposition codifie et renforce la protection jurisprudentielle dont bénéficiaient déjà ces biens, en étendant le critère de l’affectation à celui de la destination.
L’article L. 111-1-3 du même code ajoute une protection spécifique en exigeant que la renonciation à l’immunité d’exécution concernant les biens diplomatiques soit non seulement expresse mais aussi spéciale. Cette double condition, confirmée par la jurisprudence de la Cour de cassation, met fin à la controverse jurisprudentielle qui avait agité la doctrine après l’arrêt du 13 mai 2015 (Civ. 1re, 13 mai 2015, n° 13-17.751, Dalloz actualité, 29 mai 2015, obs. F. Mélin ; D. 2015. 1936, obs. I. Gallmeister , note S. Bollée
; ibid. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2588, obs. T. Clay
; Rev. crit. DIP 2015. 652, note H. Muir Watt
) qui semblait abandonner l’exigence de spécialité. Le législateur a ainsi voulu éviter que les États puissent voir leurs biens diplomatiques saisis sur la base de clauses générales de renonciation à l’immunité.
Que retenir de l’arrêt du 12 juin 2025 : la consécration d’un régime probatoire favorable aux États
Le recours à la procédure d’avis : une recherche de cohérence jurisprudentielle
Face à la complexité des questions soulevées par le contentieux Commisimpex, la deuxième chambre civile a fait le choix de solliciter l’avis de la première chambre civile conformément à l’article 1015-1 du code de procédure civile.
Cette démarche, relativement rare en pratique, témoigne de la volonté de la Cour de cassation d’assurer la cohérence de sa jurisprudence sur une question aussi sensible que celle des immunités d’exécution des biens diplomatiques. L’avis rendu par la première chambre civile le 22 janvier 2025 (Civ. 1re, avis, 22 janv. 2025, n° 21-11.991, préc.) a permis de préciser définitivement le régime probatoire applicable à...
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