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Biens mal acquis : la cour aggrave la sanction de Teodorin Obiang

Biens mal acquis : Teodorin Obiang, vice-président de Guinée équatoriale, condamné en appel à trois ans d’emprisonnement avec sursis et trente millions d’euros d’amende.

par Pierre-Antoine Souchardle 11 février 2020

En première instance, le tribunal avait justifié les trois ans d’emprisonnement et trente millions d’euros, le tout assorti du sursis, comme « un avertissement » pour Teodorin Nguema Obiang Mangue, condamné notamment pour blanchiment de détournement de fonds publics.

Lundi, la cour d’appel de Paris a aggravé la peine du vice-président de Guinée équatoriale et fils du chef de l’État, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, à la tête de ce pays africain depuis 1979.

Si les trois ans d’emprisonnement sont toujours assortis du sursis, en revanche, la cour a converti la peine de trente millions d’euros en ferme, estimant que c’était une « sanction adéquate ».

Elle a confirmé la compétence de la justice française pour juger les faits reprochés en France à Teodorin Obiang. Elle a rejeté l’immunité invoquée par la défense du vice-président de Guinée équatoriale, estimant qu’au moment des faits, celui-ci n’était ni chef de l’État, ni chef du gouvernement, ni ministre des affaires étrangères, « trois fonctions qui peuvent bénéficier de l’immunité ».

M. Nguema Obiang Mangue était poursuivi pour avoir, entre 1997 et 2011, blanchi environ cent cinquante millions d’euros en France provenant du détournement de fonds publics ou de sociétés semi-étatiques, Edum, Socage et Somagui Forestal, qu’il a dirigées. Des sociétés dont l’objet social était le commerce du bois ou la mise en valeur des ressources foncières de Guinée équatoriale.

Entre 1997 et 2011, c’est plutôt le patrimoine d’Obiang junior qui a été mis en valeur. L’argent de l’État ou des trois sociétés lui a permis d’acquérir des biens de consommation de luxe, l’achat d’objets d’art, de voitures haut de gamme.

À savoir, un hôtel particulier Avenue Foch à Paris pour vingt-cinq millions d’euros, sans compter les travaux : onze millions d’euros. Des objets d’art et meubles pour quatre-vingt-dix millions, dont près de dix-neuf millions en 2009 lors de la vente Yves Saint-Laurent/Pierre Bergé. Des bijoux, vêtements, chaussures pour onze millions d’euros. Sans parler des Maserati, Bentley ou autres Bugatti-Veyron.

Dans sa décision, que Dalloz actualité a pu consulter, la cour considère qu’« une unique préoccupation animait alors Teodoro Obiang, celle de faire supporter son train de vie et les frais occasionnés par sa résidence privée (avenue Foch, ndlr) non par lui-même mais par les trois sociétés ».

Concernant le détournement de fonds public, la cour rappelle à l’usage du condamné la définition de Trésor public : « un service de l’État assurant l’exécution du budget, de la rentrée des recettes, le règlement des dépenses publiques […], qu’à l’évidence, les pratiques revendiquées du prévenu sont contraires à cette définition et étrangères à toute légalité, les fonds dits publics ne pouvant se confondre, au cas d’espèce, avec les fonds privés ».

« Le blanchiment a la spécificité d’avoir concerné des fonds publics et de sociétés destinées à l’amélioration de la situation économique qui ont été blanchis pour continuer à procurer au fils du chef de l’État un train de vie dispendieux », relève la cour. Elle a toutefois relaxé M. Obiang des poursuites pour blanchiment de corruption, estimant que ces faits n’étaient pas confirmés sur le plan bancaire.

Elle a confirmé la confiscation de l’ensemble des biens immobiliers et mobiliers saisis. La Guinée équatoriale a saisi la Cour internationale de justice à propos de l’hôtel particulier, qu’elle revendique comme lieu consulaire.

Me William Bourdon, avocat de Transparency International, à l’origine de la plainte en décembre 2008 contre plusieurs chefs d’États africains, s’est réjoui de cette décision, qu’il a qualifié de « signal fort et puissant adressé à ceux qui considèrent que la culture d’impunité est le moyen indispensable pour organiser et maintenir un système de prédation des ressources publiques en Afrique ou ailleurs ». Les avocats de M. Obiang n’étaient pas présents lors du délibéré et n’ont pas réagi à cette condamnation. Lors du procès en appel, le ministère public avait requis quatre ans d’emprisonnement avec mandat d’arrêt international, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation des biens saisis.