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Les biens successoraux sont-ils soumis au dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire ?

Pour la Cour de cassation, les dispositions du IV de l’article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, selon lesquelles le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d’une succession ouverte après l’ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur. Cet arrêt constitue surtout l’occasion de s’interroger sur les liens entre ladite disposition et le dessaisissement du débiteur.

Nous concédons volontiers que le commentaire de l’arrêt ici rapporté pourrait être extrêmement succinct ! À vrai dire, la Cour de cassation balaie lapidairement la problématique dont elle était saisie par un simple argument tiré de l’application de la loi dans le temps qui, au demeurant, ne surprendra personne.

La Haute juridiction nous rappelle ainsi que la règle introduite par l’ordonnance du 12 mars 2014, et figurant alors à l’article L. 641-9, IV, du code de commerce, selon laquelle le liquidateur ne peut, sauf accord du débiteur, réaliser les biens ou droits acquis au titre d’une succession ouverte après l’ouverture ou le prononcé de la liquidation judiciaire, ni provoquer le partage de l’indivision pouvant en résulter, n’est pas applicable aux procédures en cours au jour de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2014, de l’ordonnance susvisée (Ord. n° 2014-326, 12 mars 2014, art. 116).

Les faits de l’espèce étaient les suivants : courant 2006, un débiteur personne physique a été placé en liquidation judiciaire. Or, par une ordonnance du 28 juin 2019, le juge-commissaire a désigné, à la demande du liquidateur, un technicien chargé d’évaluer des immeubles dépendant de la succession du père du débiteur, décédé en 2013, en vue de leur réalisation.

Le débiteur a formé un recours à l’encontre de cette ordonnance et obtiendra gain de cause en appel. La cour d’appel indiquant que, depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 et en application de l’article L. 641-9, IV, du code de commerce, de tels immeubles ne font plus partie de l’actif de la liquidation judiciaire par l’effet du dessaisissement et en étaient exclus, au moment où les juges ont statué, sauf accord du débiteur.

Comme nous venons de l’indiquer, la Cour de cassation casse cet arrêt en précisant que l’article L. 641-9, IV, du code de commerce dans sa rédaction tirée de l’ordonnance du 12 mars 2014 n’était pas applicable au sein de cette espèce.

Effectivement, l’on ne peut qu’approuver une telle solution, mais si nous faisons le choix de traiter de cet arrêt au sein de cette rubrique, c’est qu’il nous octroie une tribune nous permettant de revenir utilement sur le régime des biens successoraux en liquidation judiciaire et, notamment, de nous interroger sur leur lien entretenu avec le dessaisissement du débiteur.

À vrai dire, ces précisions nous semblent d’autant plus importantes, qu’en l’espèce, au-delà de l’erreur quant à l’application de la loi dans le temps, les juges du fond ont peut-être pêché par excès de dogmatisme en affirmant sans détour que les biens échus sur succession « ne faisaient plus partie de l’actif de la liquidation judiciaire », car formellement exclus du giron du dessaisissement.

Bien qu’elle puisse s’entendre, cette affirmation nous paraît erronée.

Une position intuitive (mais erronée) : l’exclusion des biens successoraux du dessaisissement

Intuitivement et en dehors de la question de l’application de la loi dans le temps, il serait permis d’aller dans le sens de la solution formulée par les juges du fond et d’affirmer que les biens successoraux échappent au périmètre de l’effet réel de la procédure collective… parce qu’échappant à celui du dessaisissement !

Cette assertion peut d’abord être comprise sous l’angle de l’interaction entre plusieurs grands concepts du droit des entreprises en...

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