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Budget 2020 : les changements en bout de course

La loi de finances 2020, la plus volumineuse de la Ve République (396 articles !), a été définitivement adoptée jeudi 19 décembre. Plusieurs mesures concernant le monde judiciaire (réforme de l’aide juridictionnelle, contribution des offices, taxes OFII, lutte contre la fraude) ont évolué au cours des débats. Dalloz actualité fait le point.

par Pierre Januelle 24 décembre 2019

Taxes et droits

Les débats ont été rudes concernant le projet de contribution payée par les titulaires d’un office ministériel qui visait à financer un fonds pour garantir le maillage territorial des offices (v. Dalloz actualité, 22 oct. 2019, art. P. Januel). Les députés se sont longtemps opposés au gouvernement et à un important lobbying des professions concernées par l’instauration de cette taxe, pourtant prévue depuis la loi Macron de 2015. Alors que la commission des finances de l’Assemblée nationale s’était entendue sur une position de compromis (taxe repoussée d’un an et taux de 0,3 %), elle s’est fait battre en séance et l’article a été supprimé. En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à proposer d’établir une « contribution volontaire obligatoire », qui serait contrôlée par les services de la Chancellerie. Cette disposition pourrait figurer dans le projet de loi sur le parquet européen.

Le Parlement a par ailleurs décidé de supprimer la taxe sur les actes des huissiers de justice (à partir de 2021) et le droit fixe de 125 € sur l’enregistrement des contrats de mariage.

Sur les taxes sur les titres de séjour, le Parlement est allé plus loin que l’amendement adopté en première lecture à l’initiative de la députée LREM Stella Dupont (v. Dalloz actualité, 23 oct. 2019, art. P. Januel). Les sénateurs avaient adopté un amendement précisant que les autorisations provisoires de séjour n’étaient pas concernées par la taxation. L’Assemblée, en nouvelle lecture, a abaissé le montant du droit de visa de régularisation de 340 à 200 €. Par ailleurs, un amendement du gouvernement a aligné la durée du titre de voyage des apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire sur la durée la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans.

Une réforme de l’aide juridictionnelle maintenue

La réforme de l’aide juridictionnelle (AJ) a été préservée. Issue d’un amendement des députés Naïma Moutchou (Modem) et Philippe Gosselin (LR) (v. Dalloz actualité, 27 oct. 2019, art. P. Januel), elle prévoit notamment que le plafond de ressource sera fixé par décret (il devrait augmenter) et son calcul basé sur le revenu fiscal de référence. Les actions manifestement abusives seront exclues et les règles de retrait de l’AJ assouplies. La garde des Sceaux a promis que la réorganisation du ressort des bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) sera « envisagée avec souplesse » et a rappelé qu’il y restera un accueil physique dans tous les tribunaux via les services d’accès unique du justiciable. Par contre, ni l’Assemblée nationale ni le Sénat n’ont proposé de rétablir un droit de timbre de 50 € pour financer un élargissement de l’aide et une revalorisation des unités de valeur. L’heure n’est pas à la création de taxes.

Une lutte contre la fraude renforcée

Sur l’article 57, le Parlement a encadré l’article initial du gouvernement visant à permettre la collecte et l’exploitation, par le fisc et les douanes, des données rendues publiques sur les réseaux sociaux (v. Dalloz actualité, 5 nov. 2019, art. P. Januel). L’expérimentation sera limitée aux activités occultes, aux domiciliations fiscales frauduleuses, à certains manquements sur les alcools, tabac et métaux précieux et à certains délits douaniers. Les agents seront spécialement habilités et la sous-traitance sera interdite. Les données sensibles (orientation sexuelle, opinion) seront détruites au bout de cinq jours et les données inutiles au bout de trente.

Sur l’indemnisation des aviseurs fiscaux (v. Dalloz actualité, 5 mai 2019, art. P. Januel), à l’initiative de la députée Christine Pires Beaune (PS), le Parlement a fortement étendu le dispositif. Celui-ci était, jusqu’ici, limité à la fraude internationale. À titre expérimental, le dispositif d’indemnisation concernera l’ensemble des manquements les plus graves à la plupart des impositions (y compris la TVA), dès lors que le montant des droits éludés sera supérieur à 100 000 €. Les aviseurs seront également anonymisés.