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Devant la chambre pénale de la famille de la cour d’appel de Paris, les séparations qui tournent mal font partie du quotidien. Mais certaines situations semblent particulièrement inextricables.
par Antoine Blochle 2 février 2021
Depuis le box, Sofiane toise d’un regard noir deux femmes blotties l’une contre l’autre sur le banc des parties civiles. Il aurait pu ne comparaître « que » pour le « harcèlement téléphonique » dont a été victime l’une des deux, à savoir Françoise, son ancienne belle-mère (C. pén., art. 222-16). Mais, dans la foulée de sa garde à vue, d’ailleurs émaillée d’un outrage (« Ferme bien ta gueule, petit OPJ de merde, tu sers à rien »), une autre procédure, portant sur des faits plus anciens, a été jointe. Des menaces de mort adressées à la seconde, qui se trouve être Coralie, fille de Françoise et ex-compagne de Sofiane (C. pén., art. 222-18-3). Par le jeu de la récidive légale, il encourt dix ans pour cette dernière infraction. Comme le ministère public, il a interjeté appel de sa condamnation à dix-huit mois ferme, avec maintien en détention, où il se trouvait alors en raison du premier terme de la récidive.
Entre les deux séries de faits dont il est question aujourd’hui, Sofiane est sorti de détention (il faut préciser que son casier porte vingt-trois mentions). Mais il a de nouveau menacé Coralie, puis fait savoir au juge de l’application des peines (JAP) qu’il allait « mettre des coups de marteau [à son ex-compagne] et lui niquer sa mère ». Révocation de sursis, retour à la maison d’arrêt. Fadet et bornages confirment d’ailleurs que c’est depuis la prison qu’il a ensuite harcelé Françoise, en violation, au passage, d’une interdiction de contact. En première instance, en comparution immédiate, il a couvert de bordées d’injures les magistrats. Ces derniers l’ont expulsé de la salle d’audience au cours de l’instruction, puis ont ordonné le renvoi. Sofiane a ensuite été jugé en son absence, pour cause de refus d’extraction. C’est précisément pour être entendu sur les faits qu’il explique avoir fait appel, « parce que, d’habitude, je prends mes peines et je dis rien ».
S’il submerge les deux femmes de coups de fil et de messages, c’est parce que Coralie refuse de lui donner des nouvelles de sa fille de 4 ans, étant précisé qu’au civil, ont été prononcées des ordonnances de protection et un retrait de l’autorité parentale. Mais « c’est pas les juges qui m’empêchent de voir ma fille, c’est elle et sa mère ». Le tout dernier message qu’il a adressé à Coralie était : « Dis à ma fille que je l’aime ». « Sauf que c’était au bout d’une sacrée série ! », précise une conseillère. Par exemple : « Meurs avant que je sorte, c’est mieux, sinon je vais te brûler et mettre ta tête dans la boîte aux lettres de ta pute de mère. » Coralie précise avoir dû déménager à plusieurs reprises, changer de numéro de portable et même de voiture, puisque plusieurs messages lui laissaient penser qu’elle était surveillée par des proches de Sofiane. « C’est lui qui est en prison, mais il a l’air de bien le vivre. En fait, c’est moi qui suis enfermée », ajoute-t-elle. Elle demande à la cour : « Quand je serai morte, qui va essuyer les larmes de ma fille ? » « C’est moi qui lui essuierai, tu crois quoi ? », répond Sofiane, sous le regard mortifié de son avocat. Lequel passera d’ailleurs tout le reste de l’audience à tenter par tous les moyens de faire taire son client. Sans succès.
Après les réquisitions de l’avocat général (deux ans, dont six mois de sursis probatoire), la défense fait ce qu’elle peut : « Il a été condamné à dix-huit mois sans avoir été entendu, donc on a dû prendre son casier et lui mettre six mois par infraction, ou je sais pas quoi ». L’avocat remet en cause la période de prévention : « Elle remonte au 1er juin, mais la ligne n’a été ouverte que le 12, par exemple ». Il émet des doutes sur certains messages adressés à Coralie, « puisque les fadet ne correspondent pas », et sur les aveux de son client pour les faits concernant Françoise, obtenus « sans avocat, donc en violation de l’article préliminaire du code de procédure pénale sur le droit à ne pas s’incriminer ». Il enchaîne : « Je trouve qu’on a une petite évolution, puisque, la dernière fois, il a insulté les magistrats, et là il essaie de se maîtriser, même si… bon. […] Sur ma fiche pénale, la date de fin de peine est en juin 2022, donc il ne va pas sortir demain. Et il explique que, [dehors], il ne va pas la voir, [mais] fait la même chose qu’en prison, [c’est-à-dire] qu’il l’appelle. À quoi ça sert de prononcer une peine similaire, voire peut-être supérieure, alors qu’il se présente et veut s’expliquer ? Le message qu’il va entendre, c’est que la condamnation est plus lourde quand il vient. »
Délibéré à trois semaines.
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