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Caractère déclaratif et recognitif de la décision de reconnaissance du statut de réfugié et infraction de soustraction à un arrêté portant obligation de quitter le territoire

Il résulte de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié et des articles L. 721-2 et L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que l’autorité administrative ne peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il a obtenu la qualité de réfugié.

par Alice Roquesle 17 avril 2020

Par arrêt du 11 mars 2020, la chambre criminelle vient préciser les effets du caractère déclaratif et recognitif de la décision de reconnaissance du statut de réfugié sur l’infraction antérieurement commise de soustraction à un arrêté portant obligation de quitter le territoire.

En l’espèce, une personne était conduite à l’aéroport le 3 mai 2018 en exécution d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 14 avril 2017. Au moment d’embarquer, la personne se mettait à crier et à s’accrocher aux équipements de l’avion. Elle hurlait qu’elle était homosexuelle, et comme tel menacée de mort dans son pays et préférait mourir ou aller en prison que d’y retourner. Au vu de ce comportement, le commandant de bord refusait l’embarquement.

La personne était poursuivie du chef de soustraction à un arrêté de reconduite à la frontière et condamnée par le tribunal correctionnel à deux mois d’emprisonnement et deux ans d’interdiction de territoire français.

Le 23 janvier 2019, pour confirmer la décision de culpabilité, la cour d’appel relevait que le prévenu s’était maintenu irrégulièrement et en toute connaissance de cause sur le territoire national malgré la notification de la décision préfectorale.

À l’appui de son pourvoi, le demandeur versait la décision de l’Officine française de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 2 juillet 2019 qui lui reconnaissait le statut de réfugié, prise après l’exercice d’un recours devant la cour nationale du droit d’asile.

Par arrêt du 11 mars 2020, la Cour de cassation casse et annule sans renvoi l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Elle rappelle en premier lieu au détour d’un attendu de principe qu’il résulte de l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié et des articles L. 721-2 et L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que l’autorité administrative ne peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il a obtenu la qualité de réfugier.

Elle considère ensuite que la décision de l’OFPRA est déclarative et recognitive de sorte que la qualité de réfugié reconnue à l’intéressé est réputée lui appartenir depuis le jour de son arrivée en France.

Elle en déduit que cette reconnaissance a pour conséquence nécessaire d’enlever toute base légale à la poursuite du chef de soustraction à un arrêté portant obligation de quitter le territoire français.

Selon l’article 33 de la Convention de Genève relative au statut de réfugié « 1. Aucun des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ».

La reconnaissance de la qualité de réfugié est recognitive, elle n’est pas créatrice de droit, elle reconnaît une situation qui existait antérieurement. Ainsi, par son caractère recognitif, la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié rétroagit au jour de l’arrivée en France de l’intéressé. Dès lors, la cassation était inévitable.

En effet, au jour de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français, l’intéressé avait acquis, par l’effet rétroactif, la qualité de réfugié ainsi il bénéficiait de la protection de la Convention de Genève et l’arrêté se trouvait donc sans fondement légal. Par conséquent, l’infraction de soustraction à un arrêté portant obligation de quitter le territoire français se retrouvait également sans base légale, à défaut d’arrêté valide.

La Cour de cassation tire ainsi toutes les conséquences de la rétroactivité de la décision de reconnaissance du statut de réfugié.