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Caractère interruptif de prescription des soit-transmis à finalité informative

Les soit-transmis par lesquels le procureur de la République enjoint à des officiers de police judiciaire de lui rendre compte, précisément et en urgence, de l’état d’avancement d’une enquête en cours ont un caractère interruptif de prescription. 

La jurisprudence ne manque jamais d’imagination lorsqu’il est question de prescription. Toutes sortes de mécanismes sont mobilisées pour éviter l’extinction de l’action publique : point de départ du délai reporté au lendemain de la commission des faits pour les infractions instantanées (Crim. 9 janv. 2018, n° 16-86.735, Dalloz actualité, 6 févr. 2018, obs. J. Gallois ; RSC 2018. 131, obs. P.-J. Delage ), dies a quo à la cessation du comportement infractionnel pour les infractions continues (Crim. 20 mai 1992, n° 90-87.350, RSC 1993. 122, obs. F. Boulan ), délai qui ne commence à courir qu’à la révélation de l’infraction lorsqu’elle a un caractère occulte ou dissimulé (Crim. 4 janv. 1935, Gaz. Pal. 1935. 1. 353) ou suspension ab initio du cours de la prescription en raison de la dissimulation de cadavres de nourrissons (Cass., ass. plén., 7 nov. 2014, n° 14-83.739, Dalloz actualité, 21 nov. 2014, obs. C. Fonteix ; D. 2014. 2498, et les obs. , note R. Parizot ; ibid. 2469, point de vue L. Saenko ; ibid. 2015. 1738, obs. J. Pradel ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ pénal 2015. 36, note A. Darsonville ; RSC 2014. 777, obs. Y. Mayaud ; ibid. 803, obs. D. Boccon-Gibod ; ibid. 2015. 121, obs. A. Giudicelli ; Dr. pénal déc. 2014. Comm. 151, A. Maron et M. Haas ; ibid. Alerte 57, obs. J. Y. Maréchal). La créativité de la jurisprudence s’est aussi remarquée dans l’identification des actes ayant un caractère interruptif de prescription. Alors que le code de procédure pénale mentionnait seulement que le délai de prescription de l’action publique était interrompu par les actes de poursuite ou d’instruction, la chambre criminelle a attaché cet effet à une multitude d’actes de procédure : les procès-verbaux d’investigation (Crim. 15 mai 1973, n° 71-93.648), les réquisitions d’inscription au fichier national des empreintes génétiques (Crim. 12 déc. 2012, n° 12-85.274, Dalloz actualité, 11 févr. 2013, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2013. 179 ; ibid. 1993, obs. J. Pradel ), les arrêts statuant sur une requête en nullité de la procédure (Crim. 5 mars 2002, n° 01-83.870, D. 2002. 1531, et les obs. ; RSC 2004. 132, obs. A. Giudicelli ) et beaucoup d’autres (v. A. Mihman et E. Drummond, État des lieux des actes interruptifs et des causes suspensives de la prescription de l’action publique, Gaz. Pal. 28 oct. 2016, p. 11). Par la suite, les actes interruptifs de prescription, identifiés comme tels par la jurisprudence, ont largement été repris par le législateur. L’article 9-2 du code de procédure pénale, issu de la loi du 27 février 2017, prévoit désormais quatre catégories d’actes interruptifs : les actes tendant à la mise en mouvement de l’action publique, les actes d’enquête tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’infraction, les actes d’instruction tendant aux mêmes fins et les jugements. Ces catégories ont un libellé suffisamment général pour inclure une grande variété d’actes si la lettre de la loi est interprétée avec souplesse.

Dans la présente affaire, le point de départ du délai de prescription était le 30 juin 2012, date de découverte des faits. Selon la loi en vigueur au jour des faits, le délai de prescription de l’action publique de l’abus de faiblesse ne commençait à courir qu’à compter du jour où l’infraction apparaissait à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique (C. pr. pén., anc. art. 8, al. 3). Par la suite, un procès-verbal d’audition de la victime a été rédigé le 21 novembre 2012. Pour la cour d’appel, il s’agissait du dernier acte interruptif avant le dépôt de plainte avec constitution de partie civile, le 23 décembre 2015. Le délai de prescription alors applicable pour les délits était de trois ans (C. pr. pén., anc. art 8, al. 1er) et la prolongation opérée par la loi du 27 février 2017 n’étant pas applicable aux délais expirés avant son entrée en vigueur (C. pén., art. 112-2, 4°), la chambre de l’instruction de Rouen en a conclu que l’action publique était éteinte.

Dans son pourvoi contre l’arrêt, le procureur général a fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 8 du code de procédure pénale dans sa version applicable au litige. Selon lui, certains soit-transmis du procureur de la République émis entre le 27 octobre 2012 et le 14 juin 2015 avaient un effet interruptif. La Cour de cassation s’est ralliée à sa position en reconnaissant que les soit-transmis en cause avaient interrompu le délai de prescription. Pour leur reconnaître cet effet, elle a considéré que, par ces actes, le procureur de...

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