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Article
Caractères très apparents : de la nécessité d’attirer spécialement l’attention de l’assuré
Caractères très apparents : de la nécessité d’attirer spécialement l’attention de l’assuré
Selon le dernier alinéa de l’article L. 112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des exclusions de garantie ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré sur la nullité qu’elles édictent.
Une clause d’exclusion stipulée dans une police d’assurance en « caractères lisibles et gras » correspond-elle à l’exigence de caractères très apparents posée par l’article L. 112-4 du code des assurances ? Voilà la question qu’a dû se poser la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 14 octobre 2021.
Rappelons qu’afin de protéger la « partie réputée faible », autrement dit le souscripteur, un « formalisme de protection » s’est progressivement développé en droit des assurances, dont le contrat, considéré comme l’archétype du contrat de consommation, est « structurellement déséquilibré » au point de permettre des aménagements au principe de la liberté contractuelle (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Cours de droit civil. Contrats, PUF, 2014, p. 34).
Manifestation patente de ce déséquilibre, les assureurs avaient la regrettable habitude de rédiger les documents contractuels en très petits caractères – notamment les clauses restrictives ou exclusives de garantie – avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1930. Or « l’exposé des motifs de la loi de 1930 souligne la volonté de mettre fin à de telles pratiques afin de protéger les assurés : L’obligation de rédiger les clauses et conditions de la police en caractères très apparents a pour objet de remédier à des abus trop fréquents. L’emploi encore trop fréquent de petits caractères oppose en effet de réelles difficultés à la lecture du contrat » (exposé des motifs sous l’article 8 du projet de loi). « L’attention de l’assuré doit être attirée tout particulièrement sur les clauses de nullité ou de déchéance, qu’il a le plus grand intérêt à connaître » (exposé des motifs sous l’art. 9 du projet de loi). La loi de 1930 a imposé que la police soit rédigée en caractères apparents (C. assur., art. L. 112-3) et précisé que « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents » (C. assur., art. L. 112-4, in fine). De même, « la durée du contrat doit être mentionnée en caractères très apparents dans la police » (C. assur., art. L. 113-15, al. 1 ; A. Cayol, Le principe du consensualisme et ses limites, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 1re éd., 2020, p. 114 s., spéc. p. 116). Toute forme d’assurance – individuelle ou de groupe – est concernée par ce formalisme (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, Lextenso, 2018, n° 547, in fine ; Civ. 2e, 8 oct. 2009, n° 08-14.482, RCA 2010. Comm. n° 23, note H. Groutel).
De strictes conditions de fond doivent aussi être respectées par les assureurs dans la rédaction des clauses d’exclusion de garantie. Il est requis que ces clauses soient formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1), ce qu’elles ne sont plus dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées (R. Bigot et A. Cayol, L’article L. 113-1 du code des assurances et les clauses d’exclusion non formelles sur la sellette, sous Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435, Dalloz actualité, 7 janv. 2021 ; D. 2020. 2397 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Par exemple, dernièrement n’a pu recevoir application parce que jugée non formelle et limitée la clause d’exclusion de garantie, dès lors qu’elle mentionne « et autre "mal de dos" », peu important que l’affection dont est atteint l’assuré soit l’une de celles précisément énumérées à la clause (R. Bigot et A. Cayol, Les assureurs se cassent les dents sur la clause d’exclusion « mal de dos », sous Civ. 2e, 17 juin 2021, n° 19-24.467, Dalloz actualité, 30 juin 2021 ; D. 2021. 1186 ). L’étau du formalisme de protection se resserre ainsi autour des clauses d’exclusion mal rédigées, ce que confirme cette énième affaire sur la question.
En l’espèce, une société financière a donné un véhicule utilitaire en crédit-bail à un artisan. Le contrat était assorti de deux assurances de groupe, souscrites par la société crédit-bailleresse auprès de sociétés d’assurance du même groupe. L’artisan a adhéré, notamment, à un contrat collectif d’assurance couvrant les risques « décès-perte totale et irréversible d’autonomie-incapacité de travail ». Après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral et placé en arrêt de travail, l’assuré a été examiné par un médecin expert, mandaté par l’assureur. Le médecin expert a conclu à un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) inférieur à celui contractuellement fixé et à ce que la pathologie présentée par l’assuré n’était plus liée à l’accident vasculaire et était exclue de la garantie contractuelle. L’assureur a opposé, en conséquence, à l’assuré un refus de garantie au titre de l’« incapacité permanente ».
L’artisan assuré bénéficiaire du crédit-bail a été assigné par la crédit-bailleresse devant un tribunal de grande instance en paiement des sommes restant dues et en restitution du véhicule. L’assureur est intervenu volontairement à l’instance.
Deux importants problèmes de droit se présentaient à la Cour de cassation dans cette affaire, exposés en deux moyens. L’un a trait à l’exigence de caractères très apparents pour les clauses d’exclusion. L’autre concerne l’irrecevabilité de l’expertise médicale non soumise à la discussion contradictoire des parties.
Les clauses d’exclusion soumises à l’exigence de caractères très apparents posée par l’article L. 112-4 du code des assurances
En l’espèce, la cour d’appel déboute l’assuré de sa demande de garantie dirigée contre la société d’assurance, au motif que la clause d’exclusion litigieuse figurant dans la notice d’information prévoit, en caractères lisibles et gras [nous soulignons], des exclusions applicables pour la garantie...
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30e édition
Auteur(s) : Louis Perdrix; Céline Vivien