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Caractérisation d’un recel de communauté en cas de vente d’actions à vil prix par un époux seul

Les actions d’une société anonyme constituent, en principe, des titres négociables qui, acquis à titre onéreux pendant le mariage, même par un seul des époux, tombent en communauté. En vertu de l’article 815-3 du code civil, la cession d’actions communes postérieurement à la dissolution de la communauté requiert, en principe, l’accord des deux époux. Dès lors, viole ces textes et l’article 1477 du code civil une cour d’appel qui, pour rejeter une demande tendant à voir sanctionner au titre du recel de communauté des cessions par un époux seul d’actions de sociétés anonymes postérieurement à la date de dissolution de la communauté, retient qu’à cette date, la qualité d’associé attachée à des parts sociales non négociables dépendant de la communauté ne tombe pas dans l’indivision qui ne recueille que leur valeur, de sorte que le conjoint associé peut en disposer seul pendant l’indivision postcommunautaire.

Si l’on sait quand on se marie, on sait moins combien de temps cela prendra de défaire son union. La concorde des amours naissantes peut laisser place à une guerre juridique qui peut durer des années, voire des décennies, comme c’est le cas dans cette affaire aux multiples rebondissements. Un couple se marie en 1977 sans contrat de mariage préalable. En décembre 2008, le juge aux affaires familiales (JAF) du Tribunal de grande instance de Bourges rend une ordonnance de non-conciliation entre les époux et désigne des notaires en application de l’article 255-9 du code civil, pour dresser un inventaire estimatif du patrimoine des époux et faire des propositions quant au règlement de leurs intérêts pécuniaires. En septembre 2009, le mari assigne sa femme en divorce. Un mois plus tard, par un arrêt partiellement infirmatif, la Cour d’appel de Bourges confirme la désignation des notaires mais les charge également d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager sur le fondement de l’article 255-10 du code civil. En mai 2013, les notaires désignés rendent leur rapport définitif. Le 28 août 2014, le JAF de Bourges a prononcé le divorce des époux et fixé la date des effets patrimoniaux du divorce au 3 juillet 2007. Saisie de l’affaire par l’ex-épouse, la Cour d’appel de Bourges, dans un arrêt du 25 février 2016, a confirmé le jugement déféré sauf, entre autres, en ce qui concerne la prestation compensatoire, la demande aux titres des dividendes et la date de valorisation des actifs. La requérante s’est alors pourvue en cassation et dans son arrêt rendu le 22 mars 2017, la Cour a cassé et annulé l’arrêt susvisé mais seulement sur les chefs de la pension alimentaire au titre du devoir de secours fixée à 8 500 € par mois et le versement de la prestation compensatoire dans les trois mois du divorce définitif. Les parties ont été renvoyées devant la Cour d’appel d’Orléans. La juridiction de renvoi, dans un arrêt du 10 mars 2020, a infirmé le jugement rendu le 28 août 2014 sur les chefs de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours et la date de paiement de la prestation compensatoire.

Alors que la procédure s’étirait dans le temps, les ex-conjoints ont décidé d’entreprendre des démarches en vue de parvenir à la liquidation amiable de leur régime matrimonial et ont sollicité un nouveau notaire pour l’établissement du partage. Néanmoins, il semble que leur bonne volonté n’ait pas été fructueuse. Monsieur a donc assigné en partage son ex-femme. Le JAF de Bourges, par un jugement du 6 décembre 2021, s’est notamment prononcé sur l’existence d’un recel de communauté par l’ex-époux. À deux reprises, ce dernier a vendu des actions communes du groupe COGEP : d’abord, quarante-six en juin 2008 (nous corrigeons car c’est une erreur de date qui a été rectifiée par la cour d’appel ensuite – le jugement visait l’année 2018 au lieu de l’année 2008), sans autorisation ni même information, et en conservant l’intégralité du produit de la vente et ensuite, en juin 2013, en procédant aux cessions des actions COGEP et groupe COGEP à prix inférieurs à la réelle valeur des droits sociaux et en réalité à lui-même. Pour le juge, ces ventes sont constitutives d’un recel de communauté et ce avec toutes conséquences sur la propriété des dites actions et des dividendes distribués depuis, lesquels devaient être au seul bénéfice de son ex-femme. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Bourges, par un arrêt du 5 janvier 2023, est venue infirmer partiellement le jugement de première instance. La cour d’appel a ainsi rejeté la qualification de recel de communauté concernant les cessions des actions COGEP et groupe COGEP intervenues le 26 juin 2013 à prix inférieurs à leur valeur réelle. Pour la cour d’appel,...

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