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Caractérisation de l’omission volontaire de déclaration de la cessation des paiements

Pour la Cour de cassation, le dirigeant qui demande l’ouverture d’une procédure collective tandis qu’il se trouve déjà dans l’impossibilité de payer ses cotisations sociales depuis plus d’un an, des impôts indirects depuis plusieurs mois et des salaires depuis quatre mois a sciemment tardé à déclarer la cessation des paiements et peut être condamné à une mesure d’interdiction de gérer. Or, une telle conclusion est également valable quand bien même le dirigeant n’aurait pas eu conscience de la cessation des paiements à la date à laquelle cette dernière a été reportée, en l’espèce, plus d’un an et demi avant la date à laquelle le dirigeant a demandé l’ouverture de la procédure collective.

Certaines des dispositions du droit des entreprises en difficulté donnent lieu à un contentieux abondant. À tout le moins, le propos se vérifie en matière d’interdiction de gérer et particulièrement lorsque cette sanction est prononcée au motif d’une omission volontaire, de la part du dirigeant de l’entreprise sous procédure collective, de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date d’apparition de cet état (C. com., art. L. 653-8, al. 3).

Le contentieux en la matière repose sur un principe ancien.

Déjà, la loi du 25 janvier 1985 sanctionnait personnellement le dirigeant accusant un retard dans la date d’accomplissement de la déclaration de cessation des paiements (art. 189, 5, Loi n° 85-98 du 25 janv. 1985 devenu ensuite C. com., art. L. 625-5, 5°). Ensuite, la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a repris ce principe en l’adoucissant et en ne le sanctionnant que d’une interdiction de gérer et non plus par la faillite personnelle. Si dans sa substance, le principe est depuis demeuré le même, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite « Loi Macron », a néanmoins apporté une modification d’importance.

Désormais, pour être fautive, l’omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours doit être volontaire (Com. 15 mai 2019, n° 16-10.660 NP). Moins sévère, le principe a été appliqué immédiatement aux procédures en cours (Com. 24 mai 2018, n° 17-18.918 P ; D. 2018. 1149, obs. A. Lienhard ; ibid. 1829, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2018. 411, obs. J. Lasserre Capdeville ; Rev. sociétés 2018. 542, obs. L. C. Henry ).

Reste qu’aussi bénéfique soit-elle aux dirigeants d’entreprises en difficulté, cette exigence d’une « omission volontaire » a fait naître de nouvelles questions et notamment celle de savoir la façon dont l’abstention délibérée de déclarer l’état de cessation des paiements doit s’apprécier. Si l’arrêt sous commentaire apporte sa pierre à l’édifice, il permet de se positionner plus largement sur l’exigence ou non de constater la connaissance « formelle » de l’état de cessation des paiements par le dirigeant à la date à laquelle l’apparition de cet état a été reportée.

Sans trahir la suite de cet écrit, si nous souscrivons volontiers à la solution ici commentée, il faut affirmer d’emblée qu’elle sera sujette à discussion.

En l’espèce, le 23 mars 2016, une société sollicite l’ouverture d’une procédure collective et a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires les 6 avril 2016 et 11 mai 2016. Dans un premier temps, la date de cessation des paiements avait été fixée au 1er janvier 2016, avant qu’elle ne soit reportée au 6 octobre 2014. Corrélativement, le liquidateur a demandé que soit prononcée contre le gérant de la société débitrice une mesure d’interdiction de gérer sur le fondement d’une omission volontaire de procéder à la déclaration de l’état de cessation des paiements.

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