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Carte judiciaire : des avocats se mobilisent pour sauver leurs juridictions

Plusieurs ordres d’avocats ont manifesté lundi 13 novembre 2017 afin de protester contre la réforme annoncée de la carte judiciaire, qui pourrait, selon eux, aboutir à la suppression de juridictions.

par Anne Portmannle 14 novembre 2017

« Cette journée est l’occasion pour les barreaux de se mobiliser, de manière concertée avec les acteurs économiques et politiques locaux, en organisant des rassemblements, des manifestations ou en faisant grève, comme à Agen », a indiqué Yves Mahiu, le président de la Conférence des bâtonniers.

À la Chancellerie, un « mur d’aimables silences »

« On ne sait pas où la Chancellerie va », s’inquiète l’avocat, qui ne croit pas à la « concertation » annoncée par la garde des Sceaux sur le sujet. « Cette concertation sera la reproduction de la méthode Dati, nous serons auditionnés, consultés, écoutés, et ça s’arrêtera là. On n’a aucune indication sur la méthodologie de la Chancellerie, on sait juste que les deux rapporteurs désignés [Philippe Houillon et Dominique de Raimbourg, ndlr] doivent rendre leur rapport dans deux mois, le 15 janvier 2018, et après ? Je serai entendu le 16 novembre prochain, pendant une heure, mais une véritable concertation, c’est travailler ensemble ! »

Yves Mahiu s’inquiète aussi des informations contradictoires reçues : « Nicole Belloubet dit que la réforme ne concernera que les cours d’appel, mais son directeur de cabinet dit que cela concerne également les tribunaux de grande instance. Il y a également un problème de définition de ce qu’est “un site judiciaire”. Nous nous doutons évidemment qu’il n’y aura pas de fermeture sèche de site, c’est impossible. Mais qu’en sera-t-il d’ici quatre ou cinq ans ? Il y a matière à être circonspect sur la volonté réelle du ministre, et ce d’autant plus que dans le projet de loi de finances pour 2018, des lignes budgétaires sont prévues pour le déménagement des juridictions. Lorsque nous posons des questions, nous nous heurtons à un mur d’aimables silences, mais on nous laisse dans le vide ».

Mobiliser les élus locaux

Certains barreaux s’étaient déjà mobilisés à ce sujet, comme le barreau de Metz (v. Dalloz actualité, 4 oct. 2017, art. T. Coustet isset(node/186895) ? node/186895 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186895). « Ce n’est pas, en l’état, un mouvement de protestation puisqu’il n’y a pas encore eu d’annonce du ministère. Nous attendons de voir s’il y a ou non, une véritable concertation. Si ce n’est pas le cas, il a aura sans doute un appel à une mobilisation au niveau national », estime l’avocat. Yves Mahiu indique que les représentants des maires de France, ignorants des projets de la Chancellerie, se sont montrés sensibles à la question. « Les élus ont compris que si l’administration judiciaire disparaît, cela alimentera, auprès de la population, un sentiment d’abandon qui nourrit le populisme. 

La bâtonnière de Béziers, Annie Auret, a mobilisé son barreau et demandé le renvoi de toutes les audiences qui se tenaient lundi, afin de sensibiliser localement aux dangers de l’éventuelle suppression du tribunal. « La commission des lois du Sénat a voté, le 24 octobre dernier, le principe d’un seul TGI par département. Dans l’Hérault, il y en a deux, celui de Béziers et celui de Montpellier. Le président de la juridiction comprend notre inquiétude et il n’y a eu aucune difficulté pour les renvois. » Me Auret se félicite de la présence, lors du rassemblement matinal, du vice-président du conseil régional, de représentants du président du conseil départemental, des députés et du maire. « C’est la première fois ! » Elle rappelle que la cité judiciaire, inaugurée l’année dernière, a coûté 29 millions d’euros.

Jean-Michel Divisia, bâtonnier de Nîmes, est également content de la manifestation organisée par son barreau, « qui a rassemblé toutes les professions du droit et du chiffre, de nombreux élus locaux, ainsi que beaucoup d’étudiants ». Il explique de surcroît qu’un projet économique vise à dynamiser le delta du Rhône, autour d’Avignon, Nîmes et Alès. « Dans cette perspective, les acteurs politiques et économiques veulent conserver la cour d’appel de Nîmes »

À Agen, les avocats n’ont pas manifesté sur les marches du palais de justice, mais ils ont observé une journée de grève des audiences et des commissions d’office, avec l’accord des chefs de cour. « Le problème c’est que l’on sait qu’il va y avoir une offensive, mais on ne sait pas où ni de quelle ampleur », résume le bâtonnier Edmond Cusset, qui reproche à la Chancellerie de ne pas jouer cartes sur table.

Une étude d’impact et de prospective

La Conférence des bâtonniers a annoncé avoir confié au cabinet E.C.s, spécialisé dans l’aménagement territorial et les politiques publiques, la réalisation d’une étude d’impact et de prospective. « Nous voulons proposer une réflexion et des propositions innovantes sur la question, bien que le temps soit court », souligne Yves Mahiu. « Nous nous fonderons notamment sur le rapport établi en 2013 par Serge Daël, sur l’opportunité de la réouverture des tribunaux de Saumur, Saint-Gaudens et Tulle », précise-t-il. « Nous ferons de notre mieux et l’étude sera prête rapidement », ajoute Éric Raffin.