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CEDH : la France sommée de mieux protéger les victimes d’actes sexuels non consentis

La France a manqué à ses obligations positives qui lui imposent d’appliquer effectivement un système pénal apte à réprimer les actes sexuels non consentis. La Cour de Strasbourg relève une absence quasi « systémique » de prise en compte des circonstances dans l’appréciation du discernement, du consentement et de la vulnérabilité des victimes mineures. Elle reconnaît par ailleurs la victimisation secondaire d’une des victimes. 

Les trois plaintes à l’origine de l’affaire

Trois plaintes pour des faits d’actes sexuels non consentis par des mineures sont en cause dans cette affaire. Or, ces trois plaintes n’ont pas donné lieu à la caractérisation du défaut de consentement des victimes aux actes sexuels.

La première requérante

La première affaire concerne une plainte pour des faits de viols commis en 2019 par des pompiers majeurs sur une mineure de quatorze ans considérée comme psychologiquement fragile, isolée, et traitée médicalement. Cette fragilité a conduit à plus d’une centaine d’interventions des pompiers, notamment de l’un des accusés, chez le domicile de la requérante. Cette dernière indiquait avoir eu plusieurs relations sexuelles parfois violentes et humiliantes, principalement avec l’un des accusés, et évoquait un « discernement amoindri par des traitements médicamenteux lourds » et « sa capacité à se mettre en "mode out" en se "déconnect[ant] mentalement", faute d’avoir « la force de se défendre physiquement » (§ 7). Une information judiciaire fut ouverte, pendant laquelle la plaignante avait réalisé plusieurs tentatives de suicide. Après quelques années, l’information fut clôturée, notamment parce que le juge estimait que la poursuite de l’information engendrait pour la requérante un risque de passage à l’acte autoagressif. L’ordonnance du juge d’instruction requalifia les faits de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans en atteintes sexuelles commises sans violence, menace, contrainte ni surprise sur mineure de quinze ans, tout en prononçant un non-lieu pour une part des accusés au motif qu’ils « avaient eu connaissance de l’âge (de la plaignante) au moment des faits ». La plaignante fit appel de l’ordonnance contestant que « les faits puissent s’analyser comme des relations sexuelles consenties ». L’ordonnance fut confirmée par la chambre de l’instruction.

La Cour de cassation « considéra ensuite que les motifs retenus par la chambre de l’instruction, selon lesquels la requérante disposait du discernement nécessaire pour consentir aux actes dénoncés, notamment lorsqu’elle était âgée de quatorze ans », étaient « exempts d’insuffisance comme de contradiction » (§ 35). Néanmoins, deux accusés furent condamnés pénalement par un jugement du Tribunal correctionnel de Versailles du 27 novembre 2024.

La deuxième requérante

La deuxième requérante de quatorze ans avait fait l’objet d’un signalement pour disparition de ses parents et fut retrouvée en état d’ivresse manifeste sur le bord d’une route, abandonnée par un groupe prenant la fuite. Entendue, elle expliquait aux gendarmes « avoir passé la soirée avec trois Kosovars » et une amie plus âgée puis que, « dans un état second », elle avait été « d’accord » pour « avoir des rapports avec les trois individus », mais qu’elle « n’aurait jamais fait ça si elle n’avait pas consommé d’alcool » (§ 42). Les individus retrouvés furent renvoyés devant le tribunal correctionnel pour atteinte sexuelle sur mineur. Le tribunal de renvoi se déclarait incompétent, arguant de faits de nature criminelle et invitant le ministère public à mieux se pourvoir. Or, en appel, les individus furent relaxés aux motifs de l’indifférence de l’alcoolisation de la plaignante sur la réalisation des actes sexuels et de l’absence de circonstances permettant de constater que les prévenus ne pouvaient se méprendre sur une absence de consentement. En cassation, malgré les conclusions de l’avocat général en faveur de la cassation, le pourvoi fut non admis.

La troisième requérante

Alors majeure, la troisième requérante a porté plainte pour un viol qu’elle aurait subi lors d’une fête, lorsqu’elle était âgée de seize ans, par une personne de dix-huit ans. La plainte fut d’abord classée sans suite, puis donna lieu à une ordonnance de non-lieu du juge d’instruction faute de charges suffisantes. Il ressort pourtant des faits que la requérante, alors vierge, avait indiqué son non-consentement, mais ne s’était pas débattue face à l’insistance de l’homme en cause.

La mise en cause devant la CEDH

Les trois requérantes...

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