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CEDH : un zèle de formalisme engage la responsabilité de l’État au titre du droit au procès équitable

Dans cette affaire contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme indique que l’excès de formalisme de la part des juridictions nationales est susceptible d’engager la responsabilité de l’État dès lors que le requérant se trouve dans l’impossibilité de voir sa cause entendue équitablement. Ce faisant, la Cour s’efforce d’encadrer les pratiques nationales qui viseraient à rendre impossible l’exercice du droit au procès équitable par des conditions de forme manifestement déraisonnables ou sur lesquelles aucune contestation ni explication ne pourrait être entendue par le juge.

La requérante a été condamnée à une peine de deux ans d’emprisonnement délictuel pour fraude fiscale en date du 5 février 2015. L’époux de celle-ci se présente au greffe du tribunal correctionnel muni d’une simple « procuration » pour interjeter appel au nom de celle-ci, qui n’a cependant pas été jointe à l’acte d’appel par le greffier. Ainsi, l’acte d’appel se borne à énoncer que « Monsieur [P. R.] ayant procuration de Mme Rocchia Pascale (…) a déclaré interjeter appel du jugement (…) en date du 5 février 2015 rendu par la chambre collégiale du tribunal correctionnel de Grasse (…) », sans pour autant respecter les conditions procédurales visées par l’article 502 du code de procédure pénale, lequel dispose que « La déclaration d’appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. […] Elle doit être signée par le greffier et par l’appelant lui-même, ou par un avocat, ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier ».

L’appel de la requérante a ainsi été déclaré irrecevable par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt du 27 avril 2016, qui relève notamment que « la personne qui a déclaré faire appel du jugement pour Patricia Rocchia n’était [pas] munie d’un pouvoir spécial établi à cet effet ». La cour d’appel n’a ainsi pas souhaité étendre les dispositions de l’article 502 du code de procédure pénale, en limitant bien la capacité de faire appel à un seul fondé de pouvoir spécial et non pas à une simple procuration, ce qui apparaît comme relativement cohérent avec l’idée d’interprétation stricte s’appliquant à la matière pénale (lui-même reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme dans CEDH 25 mai 1993, Kokkinakis c/ Grèce, n° 14307/88, § 52, AJDA 1994. 16, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1994. 1182, chron. C. Giakoumopoulos, M. Keller, H. Labayle et F. Sudre ; ibid. 1995. 573, note H. Surrel ; RSC 1994. 362, obs. R. Koering-Joulin puis dans CEDH 24 mai 2007, Dragotoniu et Militaru-Pidhorni c/ Roumanie, nos 77193/01 et 77196/01, § 40, RSC 2008. 140, obs. J.-P. Marguénaud et D. Roets ). De la même manière, le pourvoi en cassation formé par la requérante a été jugé comme ne reposant pas sur des moyens sérieux.

Dans cette affaire, il s’agit cependant de déterminer si la sévérité formelle et procédurale opposée à la requérante – en quelque sorte attendue en matière pénale – est capable de caractériser une violation au droit au procès équitable en ce que la requérante n’a pu voir sa cause entendue équitablement par un tribunal....

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