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Certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage : déjà du nouveau…

Publié au Journal officiel du 31 janvier 2021 et entré en vigueur le 1er février 2021, le décret n° 2021-95 du 29 janvier 2021 apporte des modifications au régime de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage.

par Corinne Bléry et Thibault Douvillele 10 février 2021

Le 1er janvier 2021 est devenue effective la possibilité de recourir à des services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage. Ceci grâce à « un empilement de normes, prises à des dates diverses et qui opèrent des renvois entre elles, au risque qu’on ne les voie pas » (C. Bléry, Modalités d’accréditation des organismes certificateurs des services de MARD en ligne : un système complexe, Dalloz actualité, 13 janv. 2021). De manière assez inattendue, le décret présenté du 29 janvier 2021 apporte des modifications au régime de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage.

Il modifie certaines dispositions des décrets n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel et n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage en vue de l’établissement des listes de médiateurs par les cours d’appel et de la mise en œuvre de la certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il est complété par un arrêté du 29 janvier 2021 fixant la liste des pièces justificatives à fournir pour l’inscription sur la liste prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage

Loi Belloubet

Rappelons sommairement la genèse de cet ensemble (pour plus de détail, v. C. Bléry, art. préc.). L’article 4 de la loi Belloubet n° 2019-222 du 23 mars 2019 a inséré les articles 4-1 à 4-7 à la loi J21 n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 : ils réglementent des services en ligne, de conciliation ou de médiation (art. 4-1), d’arbitrage (art. 4-2) ou d’aide à la saisine des juridictions (art. 4-4), précisent leur statut qui leur est plus ou moins commun (v. C. Bléry, Loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : aspects numériques, D. 2019. 1069 ). Ces services en ligne de médiation, de conciliation et d’arbitrage peuvent faire l’objet d’une certification délivrée par un organisme accrédité dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État évoqué (L. préc., art. 4-7, al. 1er et 2). Or « les conditions de délivrance et de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont précisées par décret en Conseil d’État » (art. 4-7, al. 4).

Précisions réglementaires

Deux décrets ont été pris sur le fondement de cet article 4-7, alinéa 4, de la loi J21, ainsi qu’un arrêté commun afin de permettre l’entrée en vigueur de ces services annoncée au 1er janvier 2021.

Chronologiquement, ce fut d’abord le cas du décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019 relatif à la certification des services en ligne, réglementant « la procédure de demande de certification effectuée par les services en ligne auprès de l’organisme certificateur : celle-ci suppos[ait] un audit, une éventuelle mise en conformité avec les exigences textuelles – notamment celle du référentiel susévoqué –, les hypothèses de changements dans la situation des personnes proposant les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) en ligne, les recours en cas de refus, la publicité des listes (actualisées) des services en ligne (cette liste actualisée des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage certifiés est ainsi publiée sur le site justice.fr) » (C. Bléry, art. préc.). Il appelait un arrêté technique : « la certification mentionnée à l’article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée est délivrée par un organisme certificateur sur le fondement d’un référentiel mettant en œuvre les exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-3, 4-5 et 4-6 de la même loi et approuvé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 1er).

Ensuite, le décret n° 2020-1682 du 23 décembre 2020 est intervenu pour énoncer la procédure d’accréditation des organismes certificateurs délivrant la certification des services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation et d’arbitrage. Il précisait « les modalités de l’audit d’accréditation, de la suspension et du retrait de l’accréditation ainsi que les conséquences de la cessation d’activité de l’organisme certificateur » (notice). Lui aussi renvoyait à « un référentiel publié par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice » (art. 5). Les deux référentiels attendus concernant la procédure de certification des services et la procédure d’accréditation des organismes certificateurs ont été approuvés et publiés en annexes d’un arrêté du 23 décembre 2020.

Dans ce contexte, quelles sont les évolutions apportées par le décret du 29 janvier 2021 ?

Évolutions du décret du 29 janvier 2021

Régime de la certification « de plein droit » qui bénéficie aux médiateurs de consommation

D’abord, le décret présenté modifie le régime de la certification « de plein droit » qui bénéficie aux médiateurs de consommation inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation, aux conciliateurs de justice et aux médiateurs inscrits dans la rubrique des services en ligne fournissant des prestations de médiation (art. 8). Contrairement à ce que prévoyait (curieusement) le décret du 25 octobre 2019 (art. 7), ils sont dorénavant exemptés d’une certification par un organisme de certification, ils en bénéficient automatiquement. S’ils n’ont plus à déposer une demande de certification, ils doivent cependant rendre public le document justifiant de leur qualité. Cette évolution se comprend à la lumière de la révision du décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d’appel opérée par le décret commenté. Une rubrique spéciale pour les services en ligne de médiation sur les listes de médiateurs auprès des cours d’appel est créée. Il est précisé que les personnes physiques ou morales proposant de tels services doivent remplir les conditions prévues par la loi Belloubet pour les services en ligne de conciliation et de médiation (art. 4-1 et 4-3 : protection des données à caractère personnel, confidentialité sauf accord des parties, information détaillée sur les modalités de la résolution amiable et interdiction du recours exclusif à un traitement automatisé de données à caractère personnel). Les médiateurs inscrits dans cette rubrique bénéficient d’une certification de plein droit désormais automatique, à la différence des médiateurs inscrits dans l’autre rubrique.

C’est ainsi que deux types de prestataires de services de médiation en ligne certifiés, selon ces nouvelles modalités, coexistent :

• d’une part, ceux qui sont inscrits sur la liste des médiateurs auprès d’une cour d’appel et pour lesquels le conseiller de cour d’appel chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs a vérifié le respect des conditions prévues pour une telle inscription ainsi que les conditions applicables spécifiquement aux prestataires en ligne de services de conciliation ou de médiation. Pour cela, des pièces justificatives doivent lui être communiquées. Il pourra s’agir par exemple du résultat d’une certification volontaire du service de médiation en matière de données à caractère personnel ou plus généralement du résultat d’une certification comme prestataire de service en ligne de médiation. Finalement, pour être certifié de plein droit, il faut prouver qu’on « mérite » de l’être : pour cela, il sera possible de s’appuyer sur une certification volontaire. C’est le serpent qui se mord la queue. Quoi qu’il en soit, ces prestataires seront certifiés de plein droit ;

• d’autre part, les prestataires de services de médiation qui, n’étant pas inscrits sur la liste des médiateurs d’une cour d’appel, font uniquement l’objet d’une certification par un organisme de certification.

La différence entre ces deux catégories de prestataires tient donc à l’inscription ou non sur une liste de médiateurs auprès d’une cour d’appel et au rôle dévolu à l’organisme certificateur. En toute hypothèse, rappelons qu’il n’existe pas d’obligation pour les prestataires de services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage d’être certifiés. L’objectif de la certification est de créer la confiance auprès des justiciables qui peuvent facilement en connaître au moyen d’un logo figurant sur le site du prestataire. Afin d’identifier les prestataires certifiés, la Chancellerie a développé le label « Certilis », qui est « la marque de garantie des services en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage », qui « garantit que le processus de résolution amiable des différends ou d’arbitrage fourni par le service en ligne respecte les obligations fixées par la loi ».

Procédure de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage

Ensuite, d’autres dispositions du décret du 29 janvier 2021 complètent la procédure de certification des services en ligne de conciliation, de médiation et d’arbitrage énoncée par le décret n° 2019-1089 du 25 octobre 2019. Le service en ligne de conciliation, de médiation ou d’arbitrage doit faire l’objet d’un audit de suivi (entre le 14e et le 22e mois suivant la date d’obtention de la certification), il est réalisé à distance sauf exception. Notons qu’une procédure de transfert d’une certification d’un organisme de certification à un autre est instaurée. Il s’agit de concilier l’exigence de suivi des certifications et la libre concurrence entre les organismes de certification. Par ailleurs, une procédure d’extension d’une certification antérieure est introduite. En cas de refus, de suspension ou de retrait de la certification par l’organisme certificateur, un mécanisme de recours interne est ouvert au prestataire. L’instance de recours interne doit se prononcer dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande. Étonnamment, aucune garantie n’est prévue quant au statut et au fonctionnement de cette instance comme des exigences d’objectivité ou de diligence. Ce mécanisme de recours interne n’est de toute façon pas exclusif d’un recours judiciaire contre une décision de l’organisme de certification.

Interrogations et regrets persistants

Demeurent quelques interrogations et regrets :

Conformité des dispositions adoptées au droit de l’Union

Une première question n’est pas nouvelle, qui est celle de la conformité des dispositions adoptées au droit de l’Union. Les prestataires de services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage sont des prestataires de services de la société de l’information, notion qui désigne « tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services » (dir. [UE] 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, art. 1, b). Les règles techniques les concernant, y compris les règles relatives aux services comme les dispositions administratives, doivent être notifiées à la Commission européenne (dir. préc., art. 5). S’agissant de la loi du 23 mars 2019, du décret du 25 octobre 2019, de l’arrêté du 23 décembre 2020 ou du présent décret, aucune trace d’une notification à la commission ne peut être trouvée. Quelle en serait la conséquence ? Une inopposabilité du dispositif adopté (rappr. s’agissant de la procédure de notification prévue par la directive 2000/31/CE en matière de commerce électronique, v. CJUE, gr. ch., 19 déc. 2019, aff. C-390/18, Airbnb Ireland UC, pt. 80, Dalloz actualité, 21 janv. 2020, obs. M. Thioye ; D. 2020. 11 ; ibid. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJDI 2020. 458 , obs. M. Thioye ; RDI 2020. 273, tribune Ninon Forster et A. Fuchs-Cessot ; Dalloz IP/IT 2020. 265, obs. A. Lecourt ; JT 2020, n° 226, p. 11, obs. X. Delpech ; JCP E 2020. 1129, note T. Douville et H. Gaudin, p. 48 s.) ? La portée de cette sanction serait toutefois limitée s’agissant de la certification des services de conciliation, de médiation ou d’arbitrage en ligne.

Coût de l’inscription sur la liste de conciliateurs ou médiateurs en ligne

Une autre est celle du coût imposé aux personnes qui voudraient s’inscrire sur la liste de conciliateurs ou médiateurs en ligne : obtenir la certification, même à titre de simple preuve, ne sera pas gratuit. Ce prix à payer, surtout alors que les conciliateurs sont bénévoles, ne sera-t-il pas difficilement supportable, voire carrément rédhibitoire ?

Pourquoi ne pas plutôt permettre une mise en relation des conciliateurs ou médiateurs et des parties via le Portail du justiciable ? Ce serait d’autant plus envisageable et bienvenu que certains tribunaux de commerce offrent un accès aux conciliateurs de justice du décret n° 78-381 du 20 mars 1978 : ces derniers peuvent être saisis sans forme (C. pr. civ., art. 1536), d’où la mise en relation simple, gratuite et efficace, proposée (v. le lien sur le portail des tribunaux de commerce de Versailles ou Bobigny).

Une fois de plus, nous regretterons tant la complexité des textes, accrue par leurs modifications incessantes, que la complexité des procédures qu’ils régissent, alors que le besoin de justice n’est pas suffisamment satisfait…