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Ces avocats qui s’investissent dans la cause des gilets jaunes

Des avocats s’activent auprès des gilets jaunes. Panorama des conseils engagés dans la défense du mouvement protestataire.

par Gabriel Thierryle 12 février 2019

L’ancien boxeur Christophe Dettinger, ce mercredi 13 février, le chauffeur-livreur Éric Drouet deux jours plus tard. Cette semaine, le mouvement des gilets jaunes, initié à l’automne contre le prix du carburant, se déplace des rues vers les prétoires des tribunaux. Ces deux hommes sont poursuivis pour des violences contre des gendarmes et l’organisation de manifestations non déclarées en décembre et en janvier.

Première figure médiatique à comparaître, Christophe Dettinger est assisté par Laurence Léger, une avocate du barreau de Paris. Elle partage la défense de l’ancien boxeur avec Hugues Vigier. Ce pénaliste réputé du barreau de Rouen s’est récemment illustré dans la défense du narcotrafiquant Robert Dawes et de l’informateur de l’ancien patron de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, Sophiane Hambli. Enfin, un troisième renfort de poids, Henri Leclerc, devrait rejoindre mercredi ces deux avocats.

Quant à Éric Drouet, il est défendu par Me Khéops Lara, du barreau de Melun. « Il m’a contacté par le bouche-à-oreille », indique à Dalloz actualité Me Lara, un avocat généraliste qui plaide depuis dix-sept ans aussi bien devant les cours d’assises que devant les prud’hommes – il assiste ainsi une centaine d’anciens salariés du transporteur Mory-Ducros.

Deux dossiers en vue parmi de nombreuses affaires

À Paris, le barreau a battu le rappel des troupes après les premières manifestations de l’automne. Les effectifs des permanences pour les gardes à vue du week-end ont doublé, d’une vingtaine à une quarantaine d’avocats, tout comme ceux destinés à assister les prévenus jugés en comparution immédiate. « Nous faisons face pour que les gilets jaunes soient défendus », assure à Dalloz actualité le vice-bâtonnier Basile Ader.

Ce qui n’a pas empêché certains couacs. Sur Twitter, Me Raphaël Kempf a ainsi dénoncé le 10 janvier le cas d’un prévenu jugé sans avocat. Et, selon Me Basile Ader, une audience correctionnelle, un lundi de décembre, s’est éternisée jusqu’au petit matin. « Nous n’avons pas trouvé cela tolérable et nous l’avons fait savoir au parquet », explique-t-il.

Affinités éclectiques

À l’image des gilets jaunes, les robes noires qui assistent ce mouvement de protestation ont des affinités politiques éclectiques. Philippe De Veulle a fondé avec David Libeskind un collectif Robes noires et gilets jaunes. Ce dernier est structuré autour de deux groupes Facebook qui rassemblent aujourd’hui environ 23 000 abonnés. « Nous y diffusons de l’information juridique », déclare l’avocat, qui intervient également pour des parties civiles de deux attentats commis en 2015, celui du Bataclan à Paris et celui du musée Bardo à Tunis.

Philippe De Veulle, l’avocat du gilet jaune blessé à l’œil lors d’une manifestation le samedi 26 janvier, Jérôme Rodrigues, est vice-président de la Droite libre, un mouvement libéral-conservateur. « Je défends des gilets jaunes qui viennent du Rassemblement national, des Insoumis ou du centre : je ne fais pas de tri », précise-t-il à Dalloz actualité.

Conseil de la famille de Rémi Fraisse, ce jeune homme décédé à la suite du tir d’une grenade près du chantier du barrage de Sivens, dans le Tarn, Arié Alimi est aussi l’un des signataires d’une lettre demandant au premier ministre de mettre fin à l’utilisation, par les forces de l’ordre, des grenades GLI-F4.

À la manœuvre avec Me Alimi, quatre avocats, dont Aïnoha Pascual, connus pour leur engagement à gauche, qui portent le fer devant la justice administrative. Le 15 janvier, ces deux conseils – le premier pour la Ligue des droits de l’homme et la seconde pour des gilets jaunes – obtiennent ainsi à Rouen la suspension d’arrêtés préfectoraux interdisant tout rassemblement dans une vingtaine de communes de l’Eure. « Nous attendons la consolidation des blessures de gilets jaunes occasionnées par des grenades GLI-F4 et des lanceurs de balle de défense pour engager la responsabilité de l’État devant la justice administrative », ajoute Me Pascual.

Réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, les gilets jaunes s’échangent les coordonnées d’avocats. Par exemple celles d’Avi Bitton. Le secrétaire général du manifeste des avocats collaborateurs (MAC) est également en tête des recherches de Google, ce vendredi 8 février, grâce à une annonce s’affichant en réponse à la requête « avocat gilets jaunes ». « J’ai commencé à intervenir en défense à partir du samedi 8 décembre », explique-t-il à Dalloz actualité, soit une douzaine de personnes assistées en garde à vue et une, par son cabinet, devant un tribunal correctionnel.

« Je suis également en contact avec certaines figures du mouvement, j’ai un rôle informel de communicant en faveur des gilets jaunes dans les médias », ajoute Avi Bitton. Le conseil parisien est cependant beaucoup moins connu que François Boulo, un avocat du barreau de Rouen, qui compte 58 000 abonnés sur sa page Facebook. Ce trentenaire est devenu l’un des porte-parole des gilets jaunes de sa ville : une légitimité gagnée sur les ronds-points, pas à la barre.