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Champ d’application de la déclaration de soupçon : le blanchiment de certaines infractions, ou plus ?

Par un avis rendu public par le gouvernement le 5 février dernier, le Conseil d’État est venu clarifier un point sensible, celui du champ matériel de la déclaration de soupçon. Il en ressort que « l’obligation déclarative porte aussi bien sur les sommes obtenues par la commission d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an, quelle que soit la nature de cette infraction, que sur les opérations portant sur ces sommes, ces dernières pouvant, le cas échéant, traduire des faits de blanchiment ».

L’avis adopté par le Conseil d’État le 23 janvier 2025

Le 13 novembre 2024, en application de l’article L. 112-2 du code de justice administrative (« Le Conseil d’État peut être consulté par le Premier ministre ou les ministres sur les difficultés qui s’élèvent en matière administrative »), le ministre chargé du Budget et des comptes publics a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis portant sur la portée de l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier, lequel dispose que :

« I. – Les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 [professionnels dits « assujettis »] sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l’article L. 561-23 [TRACFIN] les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.

II. – Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 déclarent au service mentionné à l’article L. 561-23 les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par décret. »

Cet article L. 561-15 a été introduit par l’ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009, dans le cadre de la transposition en droit français de la directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005, dite « troisième directive anti-blanchiment ».

Les dispositions de l’article L. 561-15 ont fait l’objet de trois modifications successives depuis la version initiale entrée en vigueur le 1er février 2009, dans le sens d’un élargissement des infractions concernées.

En outre, dans son principe même, la déclaration de soupçon existe en France depuis la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants. Le texte faisait initialement peser sur un certain nombre d’acteurs économiques (établissements de crédit, professionnels de l’immobilier, entreprises d’investissement…) une obligation de déclarer à TRACFIN (créé par le décret du 9 mai 1990) les sommes (ou opérations portant sur des sommes) paraissant « provenir du trafic des stupéfiants ou de l’activité d’organisations criminelles ».

Depuis cette première étape, le champ de la déclaration de soupçons s’est élargi et le nombre de professionnels assujettis également, en grande partie du fait des directives européennes consacrées à la lutte contre le blanchiment.

Dans ce contexte, l’avis relatif à la portée de l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 561-15 du code monétaire et financier (adopté par l’assemblée générale du Conseil d’État le 23 janv. 2025 et rendu public le 5 févr. 2025 sur décision du gouvernement, ci-après « l’avis ») mérite une attention particulière en ce qu’il confirme une interprétation large du champ matériel des déclarations de soupçon devant être transmises à TRACFIN.

En effet, le Conseil d’État avait été sollicité par le gouvernement pour déterminer, d’une part, si le champ des infractions visées par l’obligation déclarative prévue à l’article L. 561-15 incluait non seulement les soupçons de blanchiment, mais également toutes les infractions passibles d’une peine privative de liberté...

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