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Chantiers de la justice : le projet de loi attendu devant le Conseil d’État le 15 mars 2018

L’assemblée générale de la Conférence des bâtonniers s’est tenue les 26 et 27 janvier dernier. Une table ronde était organisée autour des chantiers de la justice, en présence de la ministre de la justice, Nicole Belloubet.

par Thomas Coustetle 29 janvier 2018

« Nous sommes en ordre de marche », a lancé Jérôme Gavaudan, président de la Conférence des bâtonniers, au nom des 164 bâtonniers des barreaux de France qui ont fait le déplacement. Ce samedi 27 janvier, les élus de la profession attendaient la ministre venue « échanger » à l’occasion d’une table ronde organisée autour des cinq chantiers de la Justice. Les rapports ont été rendus le 15 janvier (v. Dalloz actualité, 16 janv. 2018, art. M. Babonneau isset(node/188626) ? node/188626 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188626). La séance, qui aura duré près de trois heures, était animée par Marc Bollet, ancien président de l’institution et ex-bâtonnier de Marseille.

Une concertation limitée à un mois

Le calendrier, d’abord, a donné le ton. La ministre a assumé l’idée d’une « concertation resserrée », soumise aux « créneaux parlementaires ». De fait, le texte est attendu devant le Conseil d’État le 15 mars avant le débat parlementaire. Le délai de la concertation réduit à un peu plus d’un mois a fait réagir quelques voix dans la salle. Elles y voient la confirmation « d’une concertation de façade ».

Nicole Belloubet a également donné ses conditions : « Je suis prête à discuter de tout à condition que l’on discute sur des choses réelles et non sur des fantasmes. Je n’aime pas que l’on fasse circuler des rumeurs. Je le dis clairement ». Façon de répondre aux mobilisations lancées par plusieurs barreaux depuis octobre dernier (v. Dalloz actualité, 11 janv. 2018, art. T. Coustet isset(node/188534) ? node/188534 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188534).

« Seul le plan de transformation numérique constituera mon document de travail »

« Ce qu’ont écrit les référents ne sont que des propositions ». Cette phrase, Nicole Belloubet la répétera plusieurs fois au cours de la matinée. Histoire de calmer les esprits échauffés de l’auditoire qui craignent que les différents rapports constituent, dans les grosses lignes, la future réforme. Si elle a avoué avoir été séduite par certaines suggestions, comme l’appellation de « tribunal judiciaire », la ministre a assuré que « le débat reste ouvert ». 

Le chantier du numérique d’abord (v. Dalloz actualité, 17 janv. 2018, art. T. Coustet isset(node/188661) ? node/188661 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188661). « L’analyse est à distinguer du plan de transformation numérique qui lui seul constituera mon document de travail », a-t-elle rassuré.

Me Hélène Fontaine, présidente de la commission civile de la Conférence, bâtonnier du barreau de Lille, a souhaité savoir si, « comme le laisse entendre le rapport », les legal tech pourront obtenir un label du ministère, et donc venir « parasiter notre monopole ». La ministre s’est contentée d’affirmer, sans trop de précision, que « l’on ne peut pas faire comme si elles n’existaient pas. Il faut donc trouver un moyen de ne pas ignorer non plus votre rôle ».

Le prédécesseur de Me Gavaudan, Yves Mahiu a renchéri : « est-il raisonnable de lâcher un justiciable devant un ordinateur ? ». « Je ne pense pas que refuser un accès numérique soit une preuve de modernité », a répondu Nicole Belloubet, avant d’ajouter que la saisine en ligne sur le portail Justice.fr ira de pair avec « l’extension de la représentation obligatoire. Sans représentation, le justiciable sera accompagné par les services d’accès unique à la justice (SAUJ) ».

L’exécution forcée de l’acte d’avocat : « une question complexe »

Hélène Fontaine est intervenue également sur le chantier de la procédure civile. Elle s’est félicitée des propositions reprises par les référents, comme celle d’étendre « la représentation obligatoire », ou encore la « procédure participative ». Qu’en sera-t-il néanmoins, de l’exécution forcée, dont la Conférence des bâtonniers demandait l’extension à l’acte d’avocat ?, s’est inquiétée l’avocate. 

Certes, la ministre « en mesure l’intérêt », mais elle a admis qu’il s’agissait « d’une question complexe ». Il est vrai que la force exécutoire suppose une délégation de service public et donc contrôle de l’État. « En êtes-vous prêt ? Les termes sont sur la table », a-t-elle lancé face à un auditoire sans réponse. 

Organisation des territoires : « la seule vraie question qui se pose est celle de la définition du ressort de chaque cour d’appel »

Sans surprise, la ministre était surtout attendue sur le chantier de l’organisation territoriale (v. Dalloz actualité, 25 janv. 2018, art. G. Deharo isset(node/188802) ? node/188802 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188802). Elle a avoué ne pas souhaiter « en faire un dogme ». « Aucune fermeture de site n’est prévue » a-t-elle confirmé, avant de poser la « seule vraie question », à savoir celle « de la définition du ressort de chaque cour d’appel ». Cette question n’est pas « tranchée », certes, mais elle fait peur.

« Un exemple, la responsabilité professionnelle doit-elle être traitée à l’échelle d’une cour d’appel par région ? », s’est interrogée Nicole Belloubet devant des élus médusés. Le bâtonnier du barreau de Chambéry s’est même invité dans les débats spontanément : « Que faites-vous de la justice de proximité ? », a-t-il lancé sans micro. « Nous avons peut-être une divergence de fond. Je ne suis pas sûre que l’appel soit un service de proximité », a répondu la garde des Sceaux, avant de lâcher : « Mon souci n’est pas de vider les juridictions des compétences. Pour tout contentieux de spécialité, le justiciable doit recevoir un traitement optimisé de dossier, avec une jurisprudence unifiée ».

« Il faut revoir votre copie, Madame la ministre » a invectivé Marc Charret, bâtonnier de Metz, à l’origine de la mobilisation contre « la réforme », de ce qu’il continue d’appeler « la carte judiciaire ». « Cette copie n’est pas ma décision », a conclu la garde des Sceaux.