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Chauffeurs VTC et plateforme Le Cab : pas de requalification automatique

Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution de la prestation de travail. Pour reconnaître l’existence d’un contrat de travail entre un chauffeur VTC et une plateforme, il appartient au juge de vérifier si la plateforme adresse des directives sur les modalités d’exécution du travail, dispose du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation.

La problématique du statut des travailleurs de plateforme aura, en l’espace de quelques années seulement, concentré l’attention et fait couler une quantité incalculable d’encre. Témoignage des difficultés à situer le débat, le sujet fait souvent l’objet de questions rhétoriques : « Les travailleurs des plateformes sont-ils des salariés ? » (Dr. soc. 2018. 547, obs. A. Fabre ), « Qu’est-ce qu’un travailleur indépendant ? » (Dr. soc. 2016. 947, obs. J.-P. Chauchard ), « Le travailleur de plateforme, un indépendant à part ? » (M. Julien ert E. Mazuyer, « Le droit du travail à l’épreuve des plateformes numériques », RDT 2018. 189 ). La réflexion menée autour de ces travailleurs indépendants et/ou subordonnés n’est pourtant qu’une version édulcorée de questionnements visant, de longue date, la définition même du contrat de travail et ses attributs. Un temps éprouvée par les émissions de téléréalité ou l’activité des sportifs, la définition du contrat de travail donnée par Camerlynck (G.-H. Camerlynck, Traité du droit du travail. Tome 1. Contrat de travail, 1re éd., Dalloz, 1968, n° 28, p. 45) aura néanmoins su résister à l’épreuve du temps.

Si la question a été posée en des termes différents au fil des années, les données du problème sont chaque fois les mêmes : le lien de subordination est l’élément décisif et il appartient au juge de le détecter à la lumière des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction mis en œuvre par l’employeur. Il est malgré tout difficile de se déplacer sur le terrain conquis, et néanmoins miné, de la subordination juridique. Aujourd’hui maltraitée par la société du numérique, cette définition dévoile une certaine élasticité, plutôt accommodante. Au terme de l’arrêt Uber (Soc. 4 mars 2020, n° 19-13.316 P, Dalloz actualité, 1er avr. 2020, ob. G. Saint Michel et N. Diaz ; D. 2020. 490, et les obs.  ; ibid. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; AJ contrat 2020. 227, obs. T. Pasquier ; Dr. soc. 2020. 374, obs. P.-H. Antonmattei ; ibid. 550, chron. R. Salomon ; RDT 2020. 328, obs. L. Willocx ), dont chacun mesure la résonance, la Cour de cassation a admis qu’il puisse exister un lien de subordination juridique entre un chauffeur VTC et la plateforme Uber, lequel faisait basculer la relation commerciale dans le domaine du salariat. Malgré la spécificité des enjeux associés aux travailleurs des plateformes, la haute juridiction s’en remettait à des concepts admis, expérimentés et assimilés, laissant douter de la possible survie du modèle. Dans un arrêt en date du 13 avril 2022, la chambre sociale devait à nouveau apprécier la réalité du lien contractuel...

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