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Choix de la peine et motivation : qu’est-ce que la personnalité de l’auteur des faits ?

L’arrêt rapporté confirme, à propos du délit de banqueroute, qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle.

par Dorothée Goetzle 19 mai 2020

En l’espèce, une association était placée en redressement judiciaire par jugement du 16 juin 2015 avec une date de cessation des paiements fixée au 1er juin 2014. Il était relevé, dans la procédure, que, dès mars 2011, un rapport de l’expert-comptable de l’association avait signalé le risque de cessation des paiements en raison d’une gestion inadaptée. En 2014, alors que les capitaux propres étaient négatifs, la directrice générale percevait une rémunération entre deux et quatre fois supérieure aux standards du marché. Pour ces faits, elle était condamnée pour avoir commis le délit de banqueroute par détournement d’actif.

Devant la chambre criminelle, elle faisait valoir que le détournement d’actifs constitutif de banqueroute doit résulter de l’appropriation, sans droit, des actifs. Or, selon elle, les sommes qui lui avaient été versées n’étaient pas indues. Elle relève en ce sens que sa rémunération avait été contractuellement fixée en 2006 et que ses primes avaient été accordées par le conseil d’administration. En outre, elle souligne que le détournement d’actifs doit résulter d’un acte privant la société ou l’association d’un élément d’actif et non d’une omission n’ayant pas permis de limiter les dettes de la personne placée en redressement judiciaire. La chambre criminelle écarte ce moyen et approuve les juges du fond d’avoir condamné la prévenue en raison de sa participation directe à la détermination du montant de sa rémunération, laquelle avait été calculée en toute connaissance de cause par référence à une capacité d’accueil de la structure qu’elle dirigeait largement supérieure à sa capacité réelle. Ainsi, pour la chambre criminelle, la prévenue, qui connaissait les graves difficultés financières de l’association qu’elle dirigeait, s’était sciemment approprié une partie de l’actif de l’association, peu important l’accord du conseil d’administration, et ce en continuant à se faire octroyer, après la cessation des paiements, une rémunération excessive. Cet arrêt rappelle que sur le fondement du détournement d’actifs, peuvent être sanctionnés une grande variété de comportements. En effet, tout acte de disposition volontaire accompli sur le patrimoine du débiteur après la cessation des paiements, en fraude des droits des créanciers, constitue le délit de banqueroute par détournement d’actif (Crim. 8 nov. 2006, n° 06-81.862, Bull. crim. n° 280 ; D. 2007. 10 , obs. A. Lienhard ; RTD com. 2007. 466, obs. B. Bouloc ), ce qui est notamment le cas des rémunérations excessives (Crim. 11 mai 1995, n° 94-83.515, Bull. crim. n° 172).

Dans un second moyen, la requérante invoque la violation des articles 132-1 du code pénal, et 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. Les juges du fond l’avaient condamnée à un emprisonnement d’un an avec sursis, au paiement d’une amende de 30 000 € et avaient ordonné à titre de peine complémentaire, une interdiction pendant cinq ans d’exercer des fonctions de direction au sein d’un établissement d’hospitalisation ou de santé. Or elle souligne qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle. Elle fait plus précisément grief aux juges du fond de ne pas s’être prononcés sur sa personnalité (v. Rép. pén., Peine : nature et prononcé, par J.-P. Céré). Classique, cet argument ne suffit pas à convaincre la chambre criminelle à qui il n’échappe pas que la requérante, qui avait indiqué aux enquêteurs être sans ressources disposait, en réalité, d’un patrimoine conséquent (Crim. 27 juin 2018, n° 16-87.009 P, Dalloz actualité, 24 juill. 2018, obs. M. Recotillet ; D. 2018. 1494 ; ibid. 2259, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, S. Mirabail et E. Tricoire ; Rev. sociétés 2018. 674, note B. Bouloc ; RTD com. 2018. 804, obs. B. Bouloc ; Gaz. Pal. 2018, p. 2453, note R. Mésa). En outre, la Cour de cassation relève que le choix de ces peines par les juges du fond reposait aussi sur des témoignages de personnes ayant travaillé avec la requérante, qui la décrivaient comme étant dotée d’un fort caractère et sachant imposer son point de vue. En conséquence, en raison de la gravité, de la nature et des conséquences des faits commis, les juges du fond se sont prononcés en tenant compte de la personnalité de l’auteur des faits.

En toute logique, la chambre criminelle rejette donc le pourvoi.