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Article

Chronique CEDH : l’affirmation d’une « jurisprudence psychiatrique » de la Cour européenne des droits de l’homme
Chronique CEDH : l’affirmation d’une « jurisprudence psychiatrique » de la Cour européenne des droits de l’homme
Les deux derniers mois de l’année 2024 ont été marqués par l’absence d’arrêts ou de décisions de grande chambre, par une relative discrétion des affaires françaises et par des affaires venues d’ailleurs qui ont permis à la Cour de Strasbourg de renforcer sa détermination à participer à la lutte contre la traites des êtres humains, les violences domestiques ou le sort des personnes atteintes de troubles psychiatriques, ainsi que de confirmer son intérêt pour les droits des détenus ou sa prudence face aux questions migratoires.

Affaires françaises
Aux mois de septembre et d’octobre 2024 un grand nombre de décisions de comité avait permis à la rubrique française d’atteindre un volume respectable. En novembre et décembre les arrêts de chambre sont à peine plus nombreux mais les décisions de comité ont été beaucoup plus rares.
Les arrêts de chambre
Une fois souligné l’intérêt procédural de l’arrêt Leroy du 7 novembre 2024 (n° 32439/19) qui, sur le fondement de l’article 80 du règlement de la Cour européenne, accepte une demande de révision d’un arrêt précédent pour transférer à ses héritières le montant de la satisfaction équitable attribuée à un requérant décédé après sa victoire, on ne peut faire état que de trois arrêts de chambre.
1 - L’épilogue de l’affaire Copé
M. Franz Olivier Giesbert appartient à la catégorie des journalistes politiques inusables dont Geneviève Tabouis est encore la figure la plus représentative. Comme, aux journalistes, le droit à la liberté d’expression permet beaucoup, sa remarquable longévité l’aura peut-être porté à croire qu’il pouvait tout se permettre. C’est ainsi que, lorsqu’il était encore directeur de la publication de l’hebdomadaire Le Point, il avait publié un article de deux de ses journalistes affirmant purement et simplement, sans plus de précision, que M. Jean-François Copé avait organisé, au moyen de la société Bygmalion, créée pour servir ses intérêts personnels, le vol et la ruine du parti (UMP, soutien du président Sarkozy) qu’il dirigeait. L’ancien ministre et maire de Meaux, estimant que de telles imputations portaient atteinte à son honneur et à sa réputation décida donc de porter plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique contre le directeur de la publication et les deux journalistes. Après une cassation partielle, les trois participants à un débat d’intérêt général furent définitivement condamnés à des peines d’amende d’un montant de 1 000 à 1 500 €. Naturellement, le directeur de la publication et les journalistes devaient placer en la Cour européenne des droits de l’homme, qui a élevé la presse au rang de chien de garde de la démocratie, de solides espoirs de stigmatisation de leurs condamnations au regard du droit à la liberté d’expression consacré par l’article 10 de la Convention européenne. Or, ces espoirs ont été déçus par l’arrêt du 5 décembre 2024, Giesbert et autres c/ France n° 2 (n° 835/20, Dalloz actualité, 20 déc. 2024, obs. S. Lavric). Les juges européens ont, en effet, estimé que les sanctions prononcées par les juges nationaux étaient justifiées parce qu’elles étaient proportionnées au but légitime de la protection des droits d’autrui et surtout parce qu’elles avaient fait comprendre aux requérants que, tout journalistes qu’ils sont, ils doivent se prêter à la démonstration de l’exactitude des faits précis qu’ils imputent à quelqu’un. Cet arrêt rappelle une règle classique suivant laquelle des propos litigieux revêtant un caractère factuel ne bénéficient de la protection de l’article 10 que s’ils reposent sur une « base factuelle suffisante » dont nul n’est dispensé de s’assurer. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que la Cour rappelle à la presse que l’exercice du droit à la liberté d’expression, aux termes mêmes de l’alinéa 2 de l’article 10, comprend des devoirs et des responsabilités. Il n’est pour s’en souvenir que de se reporter à l’arrêt Giesbert et autres c/ France n° 1 du 1er juin 2017 (n° 68974/11, Dalloz actualité, 20 juin 2017, obs. N. Devouèze ; AJ pénal 2017. 447, obs. S. Lavric ; RSC 2017. 628, obs. J.-P. Marguénaud
) relatif à la publication, dans le même hebdomadaire, d’un article manquant de mesure, cette fois dans l’affaire Bettencourt. Il est probable que cette nouvelle désillusion européenne n’aura pas beaucoup troublé M. Giesbert : pour des personnages médiatiques de son envergure, des condamnations pour diffamation doivent faire partie de la routine. Les juges du fond s’étaient d’ailleurs donné la peine, en l’espèce, de préciser que son casier judiciaire faisait déjà apparaître trente condamnations à des peines d’amende prononcés entre 2006 et 2017 le plus souvent pour diffamation…
2 - Escarmouche contre le rigorisme procédural de la Cour de cassation
Le dialogue des juges n’interdit pas, bien entendu, à la Cour européenne des droits de l’homme de décider qu’une solution consacrée par le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne répondait pas aux exigences conventionnelles. Depuis la bataille victorieusement livrée au nom du principe du contradictoire et de l’égalité des armes à partir du célèbre arrêt Kress c/ France (CEDH 7 juin 2001, n° 39594/98, AJDA 2001. 675 , note F. Rolin
; ibid. 1060, chron. J.-F. Flauss
; ibid. 2002. 9, étude D. Chabanol
; D. 2001. 2619, et les obs.
, note R. Drago
; ibid. 2611, chron. J. Andriantsimbazovina
; ibid. 2003. 152, chron. S. Guinchard
; RFDA 2001. 991, note B. Genevois
; ibid. 1000, note J.-L. Autin et F. Sudre
; RTD eur. 2001. 727, note F. Benoît-Rohmer
), il semblait néanmoins avoir mis les plus hautes juridictions françaises, au sens du Protocole n° 16, à peu près à l’abri de critiques relatives à leur propre fonctionnement. Il faut donc accorder une attention particulière à l’arrêt Justine c/ France du 21 novembre (n° 78664/17, Dalloz actualité, 3 déc. 2024, obs. A. Victoroff ; AJDA 2024. 2198
). Il s’en prend en effet directement à la jurisprudence et à la pratique procédurale de la Cour de cassation relatives à l’interprétation de l’article 979 du code de procédure civile qui fixe les conditions de recevabilité des pourvois en cassation.
En l’espèce, l’avocat d’une des parties à un litige successoral survenu en Guadeloupe avait formé un pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d’appel de Fort-de-France mais, dans le mémoire ampliatif développant ses moyens de droit déposé dans le délai de quatre mois prévu par l’article 978 du code de procédure civile, il n’avait pas fourni la copie exigée par l’article 979 du même code de « la décision infirmée ou confirmée par la décision attaquée » ou, plus exactement il avait confondu deux décisions du tribunal d’instance. Quelques temps après l’expiration du délai de quatre mois, le greffe de la Cour de cassation se rendit compte de l’anomalie et en alerta l’avocat qui, le jour même, produisit le bon jugement du Tribunal d’instance de Fort de France. Le rapporteur désigné après cette rectification mentionna que la procédure lui semblait régulière et en état d’être jugée. Or, trois mois plus tard, un changement de rapporteur fut opéré et le nouveau ne partagea pas le même avis : il informa la requérante de l’intention de la Cour de cassation de relever d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut de production, dans le délai imparti pour le dépôt du mémoire ampliatif, de la décision confirmée par l’arrêt attaqué. L’avocat reconnut humblement l’erreur de production mais fit valoir dans ses observations qu’il s’agissait là d’une transmission entachée d’une erreur matérielle que l’article 979, alinéa 2, du code de procédure civile permet de régulariser. C’est ce que la Cour de cassation n’a pas voulu admettre par un arrêt du 11 mai 2017 qui déclara le pourvoi en cassation irrecevable. Il s’agissait là d’une nouvelle interprétation stricte de l’exception prévue par cet alinéa qui voit une abstention pure et simple de satisfaire à la formalité substantielle requise dans le délai prescrit, qui n’est pas réparable, là où le bon sens s’attendrait à trouver une transmission entachée d’une erreur matérielle réparable.
La Cour européenne des droits de l’homme a donc été amenée à se prononcer sur le point important de savoir si une telle intransigeance n’était pas constitutive d’une violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne qui garantit notamment le droit d’accès à un tribunal, de cassation en l’occurrence. Elle a décidé, mais seulement à la majorité de six voix contre une, que tel avait été effectivement le cas. Elle a certes admis que l’irrecevabilité dont le pourvoi avait été frappé d’office répondait au but légitime d’une bonne administration de la justice mais elle a jugé que, dans les circonstances particulières de l’espèce, elle était disproportionnée. La Cour relève plusieurs de ces circonstances particulières. Elle remarque que la simple confusion dans la transmission d’une pièce à la place d’une autre est une erreur minime qui ne révèle ni la désinvolture ni la volonté de dissimulation qui doivent être sanctionnées sur le plan procédural. Elle observe aussi que l’erreur ayant été réparée avant même la désignation du rapporteur qui avait trouvé un dossier complet, elle n’avait eu aucune incidence sur la bonne administration de la justice et sur la sécurité juridique. C’est surtout au titre de l’excès de formalisme que la Cour européenne des droits de l’homme tient à chapitrer la Cour de cassation. Elle lui reproche plus particulièrement d’avoir soulevé d’office la cause d’irrecevabilité à un stade avancé de la procédure, après qu’un rapport détaillé avait été déposé et à la suite d’un changement de rapporteur, et ce, alors même que le dossier avait été complété avec célérité dès la demande du greffe de la Cour de cassation. Or, selon la Cour de Strasbourg le droit interne n’imposait pas de relever d’office un tel moyen si bien que la règle procédurale a été appliquée comme une barrière empêchant de trancher une affaire pourtant prête à être jugée. La Cour de cassation, continue-t-elle, a donc effectué une interprétation et une application particulièrement rigoureuses de la règle procédurale en cause qui n’étaient pas nécessaires à la bonne administration de la justice et à la sécurité juridique et qui, à nouveau dans les circonstances particulières de l’espèce ont fait supporter à la requérante une charge excessive.
Dire que l’article 6, § 1, a été violé dans les circonstances particulières de l’espèce, c’est seulement reprocher à la Cour de cassation de n’avoir pas procédé à un contrôle de proportionnalité in concreto de l’application de l’article 979 du code de procédure civile : ce n’est pas remettre en question sa conventionnalité en tant que telle. Cette simple escarmouche est déjà insupportable aux yeux du nouveau juge luxembourgeois Pisani qui conclut une de ses premières opinions dissidentes de manière particulièrement nuancée en accusant ses collègues majoritaires un peu plus expérimentés d’avoir sapé par complaisance le principe de subsidiarité.
3 - Retour sur l’utilisation des notes blanches en matière de lutte contre le terrorisme
Les notes blanches sont des documents rédigés et utilisés par les services de renseignement afin de transmettre des informations à d’autres autorités qui ne sont ni datées ni signées et sont expurgées des indications qui permettraient d’identifier leur auteur et ses sources. Même si, en raison de ces caractéristiques, leur valeur probante est difficile à apprécier, elles sont utilisées pour lutter contre le terrorisme notamment pour permettre de justifier des assignations à résidence qui restreignent le droit à la liberté de circulation consacré par l’article 2 du Protocole n° 4. Par un arrêt Pagerie c/ France du 19 janvier 2023 (n° 24203/16, Dalloz actualité, 30 janv. 2023, obs. E. Maupin ; AJDA 2023. 103 ; RSC 2023. 193, obs. J.-P. Marguénaud
), la Cour européenne avait déjà décidé, dans le cadre d’un exercice de mise en balance plus favorable aux exigences de la lutte contre le terrorisme, que, dans la mesure où elles sont versées au débat contradictoire, les notes blanches permettent d’avoir une connaissance des éléments servant à justifier une assignation à résidence suffisante pour offrir les garanties procédurales exigées par la Convention. Dans l’affaire M.B c/ France du 5 décembre 2024 (n° 31913/21), elle vient d’apporter la même réponse à une autre personne assignée à résidence. On remarquera cependant que ce qui avait été dit des notes blanches dans l’arrêt Pacherie pour conclure à l’absence violation de l’article 2 du Protocole n° 4 a été utilisé dans l’arrêt M.B qui conclut lui aussi à la non-violation de cet article pour déclarer la requête irrecevable au regard de l’article 6, § 1, qui consacre le droit à un procès équitable.
Les décisions de comité
Comme pour les arrêts et décisions de comité, il existe semble-t-il un léger décalage entre le jour où ils sont rendus et celui où...
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