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Article
Chronique CEDH : les prétentions de caractère civil dans les méandres de la procédure pénale
Chronique CEDH : les prétentions de caractère civil dans les méandres de la procédure pénale
Les deux mois de la rentrée 2024 ont été marqués par deux arrêts de grande chambre relatifs au refus de transfusions sanguines en cas d’urgence médicale et à la formulation de prétentions civiles au cours d’une procédure pénale ainsi que par d’importants arrêts de chambre qui ont mobilisé l’article 4 aux fins d’éradication de la traite des êtres humains ; déployé un éventail de réponses à la question de la détention des mineurs non accompagnés ; attiré l’attention sur les conditions alarmantes sévissant dans des établissement d’aide sociale ; affiné la jurisprudence covid-19 de la Cour ou affronté le sempiternel contentieux russe. Les affaires spécifiquement françaises, quant à elles, ont permis de porter un regard européen sur la gestion de la crise des « Gilets jaunes » et de fermer les yeux sur quelques questions qui fâchent.
par Jean-Pierre Marguénaud, Professeur agrégé, Chercheur à l'IDEDH, Université de Montpellierle 14 novembre 2024
Affaires françaises
Au cours de la période étudiée, les arrêts de chambre concernant la France ont été une nouvelle fois fort peu nombreux puisque deux seulement ont été identifiés auxquels s’ajoutent une seule décision d’irrecevabilité. En revanche, une myriade d’arrêts et surtout de décisions de comité ont abordé, dans une discrétion un peu suspecte, des questions aussi inattendues que stimulantes.
Arrêts et décisions de chambre
1 - Prolongement européen de la crise des « Gilets jaunes »
Politiquement, toutes les conséquences que le puissant mouvement de protestation spontané survenu en France à l’automne 2018 a laissées n’ont peut-être pas encore été correctement mesurées. Juridiquement, il semble que l’on puisse commencer à se faire une idée de la pertinence de la gestion de la crise des « Gilets jaunes » par les autorités compétentes. On le doit à un arrêt Eckert c/ France du 24 octobre 2024 (n° 56270/21) rendu à la requête d’une conseillère municipale de Bordeaux élue en 2022, outrée d’avoir été condamnée à une amende forfaitaire de 150 € pour avoir participé, le 11 mai 2019, à une manifestation interdite par le préfet de la Gironde redoutant qu’elle ne favorise une réplique des affrontements violents avec les forces de l’ordre observés quelques mois plus tôt dans le centre-ville du chef-lieu de la région Nouvelle-Aquitaine. Étant bien entendu que les circonstances de l’affaire ne lui donnaient pas l’occasion de se prononcer, éventuellement au regard de l’article 3 prohibant les traitements inhumains ou dégradants, sur les brutalités policières qui ont notamment éborgné quelques manifestants, la Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits, a décidé de l’examiner au regard du seul article 11 qui consacre le droit à la liberté de réunion pacifique. Caractérisant le mouvement de revendication des « Gilets jaunes » par sa faible structuration et par son absence de hiérarchisation, elle se livre à un certain nombre de rappels qui ne sont pas seulement utiles pour justifier la recevabilité de la requête de l’une de ses participantes. Ainsi, chacun pourra-t-il méditer que l’article 11 protège seulement la liberté de réunion pacifique si bien que les garanties de cette disposition s’appliquent à tous les rassemblements à l’exception de ceux où les organisateurs ou les participants sont animés par des intentions violentes, incitent à la violence ou renient d’une autre façon les fondements de la société démocratique mais que, d’une part un défilé ne sort pas du champ d’application de l’article pour la seule raison qu’il existe un risque réel de troubles par suite d’événements échappant au contrôle des organisateurs et que, d’autre part, une personne dont les intentions demeurent pacifiques ne cesse pas de jouir du droit à la liberté de réunion pacifique au motif que d’autres personnes commettraient des actes de violence sporadiques ou d’autres actes répréhensibles au cours de la manifestation. Comme beaucoup de personnes ayant répondu dans le pays tout entier aux appels de manifestation des « Gilets jaunes », Mme Eckert, à qui aucune violence n’avait été reprochée, n’avait aucunement renié les valeurs de la société démocratique. Elle pouvait donc prétendre aux garanties de l’article 11. Cependant, comme le droit qu’il consacre n’est qu’un droit relatif, l’ingérence que lui avait incontestablement fait subir la condamnation à 150 € d’amende pouvait se concilier avec les exigences de la Convention si elle satisfaisait au triple test bien connu de la légalité, de la légitimité et de la proportionnalité. C’est alors qu’il lui a fallu déchanter. Elle s’est en effet heurtée à un constat de non-violation de l’article 11 parce que les juges européens unanimes ont estimé : que l’interdiction de manifester, limitée dans l’espace et dans le temps, était prévue par une loi suffisamment claire et accessible au regard des exigences conventionnelles dans la mesure où les juridictions administratives ont précisé qu’une manifestation peut être interdite même en l’absence, comme en l’espèce, de déclaration préalable ; qu’elle poursuivait les buts légitimes de défense de l’ordre, de prévention des infractions et de protection des droits d’autrui compte tenu de la répétition d’incidents sérieux lors de manifestations de « Gilets jaunes » à Bordeaux ; que n’était pas disproportionnée l’amende de 150 € infligée à une manifestante qui avait refusé de quitter les lieux après y avoir été invitée et qui n’avait pas été arrêtée.
L’arrêt Eckert ne permet évidemment pas de conclure que la gestion de la crise des « Gilets jaunes » a été en tous points exemplaire. Il témoigne néanmoins d’une certaine compréhension de la Cour de Strasbourg envers les autorités qui ont dû y faire face.
2 - Liquidation des conséquences pécuniaires de l’application rétroactive du « délai Czabaj »
On se souvient que, par un retentissant arrêt Legros et autres du 9 novembre 2023, la Cour avait jugé attentatoire au droit à un procès équitable et au droit au respect des biens, respectivement garantis par l’article 6, § 1, et par l’article 1 du Protocole n° 1, l’application en cours d’instance du nouveau délai limitant dans le temps l’introduction d’un recours contentieux par une décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016 connue sous le nom de « décision Czabaj ». Pour faire écho aux fracas, l’arrêt avait également chiffré les pertes que subirait l’État français sous forme de satisfactions équitables à verser, sur le fondement de l’article 41, aux requérants qui s’étaient heurtés à une application rétroactive du nouveau délai prétorien. Ainsi, quatre d’entre eux s’étaient-ils vu allouer chacun 3 000 € au titre de leur préjudice moral. Comme la question de la réparation du préjudice matériel de deux autres n’était pas en état, la Cour l’avait entièrement réservée.
Pratiquement un an plus tard, le 10 octobre 2024, elle a donc rendu, sur le fondement de l’article 41, un nouvel arrêt de satisfaction équitable Legros et Koulla (n° 72173/12) par lequel elle a rejeté la demande du premier nommé parce qu’il n’avait pas réussi à chiffrer le préjudice consécutif à la perte de chance d’obtenir la rétrocession du bien préempté inhérente à l’application en cours d’instance du délai Czabaj et accordé, dans le cadre d’une appréciation globale, 6 000 € en réparation du préjudice matériel de la seconde qui n’avait pourtant pas bien réussi à établir la mesure dans laquelle l’application rétroactive du délai l’avait empêchée d’obtenir le remboursement de frais de santé.
3 - Captation des données des utilisateurs d’EncroChat
Les impératifs de la lutte contre la criminalité numérique obligent souvent la Cour à s’intéresser aux systèmes de communication chiffrée ou cryptée. On se souvient surtout de l’arrêt de grande chambre Yüksel Yalcinkaya c/ Turquie du 26 septembre 2023 (n° 15669/20, RSC 2024. 161, obs. D. Roets ) qui s’était penché sur la grave question de savoir si les utilisateurs de la messagerie cryptée ByLock pouvaient d’emblée tomber sous le coup de l’incrimination d’appartenance à une organisation terroriste armée. Dans l’affaire A. L et E. J. c/ France du 17 octobre 2024 (n° 44715/20), ce sont les utilisateurs de l’entreprise néerlandaise de télécommunication chiffrée EncroChat, dont les activités devaient d’ailleurs cesser en 2020, qui l’ont saisie pour se plaindre, au regard de l’article 8 garant du droit au respect de la vie privée, de la captation de leurs données en vue de leur transmission aux autorités de poursuite britanniques. Cependant l’affaire ne permettra pas de se faire une idée de la conventionnalité des mesures adoptées par la France pour conjurer les dangers inhérents à l’utilisation de ces moyens de communication électronique puisque les requêtes ont été déclarées irrecevables pour non-épuisement des voies de recours internes.
Décisions de comité
L’identification des arrêts de comité concernant la France, dont il a été estimé pertinent de faire état dans cette chronique bimestrielle, s’apparente à un jeu de piste où l’on ne gagne pas toujours. Grâce aux communiqués du greffe, il est assez facile de savoir quel jour il en sera rendu. En revanche, lorsqu’ils existent, il faut faire face à des dysfonctionnements rares mais irritants du moteur de recherche hudoc et s’engager dans un labyrinthe où il est plus facile de s’égarer en cliquant que d’accéder aux contenus des arrêts et surtout des décisions de comité en grand danger de rester inexplorées. Pour septembre-octobre, quelques pièges électroniques ont été déjoués si bien que la cueillette est abondante puisqu’elle peut comprendre désormais non seulement les arrêts de comité mais également les décisions de comité déclarant des requêtes irrecevables.
Certaines décisions rendues par trois juges unanimes méritent à peine d’être citées, il est vrai. Tel est le cas des décisions Ait Kassi du 5 septembre 2024 (n° 50133/19) ; Trabelsi du 10 octobre 2024 (n° 13536/23) et SAM TM Transports du 24 octobre 2024 (n° 33851/23) qui, sur le fondement de l’article 37, ont décidé de rayer des requêtes du rôle parce que le gouvernement s’était engagé par déclaration unilatérale à réparer les conséquences d’une violation ou encore les décisions Duraku du 12 septembre 2024 (n° 26505/19) ; Dawes du 3 octobre 2024 (n° 57620/19) ; Simon du 3 octobre 2024 (n° 31082/23) ; Riquier du 17 octobre 2024 (n° 200893/23) et Union des Assurances mutuelles Monceau du 24 octobre 2024 (n° 20224/18) qui, au regard de l’article 35, ont respectivement déclaré irrecevables, pour défaut manifeste de fondement, les requêtes d’un demandeur de titre de séjour, d’un trafiquant de drogue, d’un demandeur d’établissement de la filiation par la possession d’état, d’une personne civilement condamnée après une relaxe et d’une compagnie de réassurance condamnée à une amende de 100 000 €.
D’autres décisions ayant conclu à l’irrecevabilité des requêtes sur le fondement du même article 35, sont intellectuellement stimulantes en raison de l’originalité des questions qu’elles ont abordées. On peut les présenter en distinguant celles qui ont déclaré les requêtes manifestement mal fondées, celles qui les ont déclarées irrecevables pour non-épuisement des voies de recours internes et celles qui ont estimé que le grief était incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de cet article.
Dans la première série figurent les décisions Le Dall du 12 septembre 2024 (n° 21655/23) qui n’ a pas su trouver le supplément d’humanité nécessaire pour juger qu’une personne pénalement condamnée pour aide à un étranger en situation irrégulière avait été victime d’une violation du droit au respect de sa vie privée et de son droit à la liberté de pensée et de conscience ; Hyot et Carnival PLC du 17 octobre 2024 (n° 1104/23) qui s’est également montrée sans pitié mais dans un tout autre registre, à l’encontre d’un capitaine de navire condamné pour avoir commis le délit de pollution atmosphérique maritime ; APNEL du 3 octobre 2024 (n° 42156/23) qui a déçu l’espoir d’une association pour le naturisme en liberté de faire reconnaître, au regard du droit à la liberté d’expression, que la simple nudité ne doit pas être assimilée à une exhibition sexuelle pénalement répréhensible ; Shri Ram Chandra Mission du 3 octobre 2024 également (n° 24477/23) qui n’a pas voulu apaiser le courroux d’une association enseignant le yoga et la méditation à cœur ouvert qui avait fort mal pris les termes utilisés dans trois...
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