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Chronique de droit des entreprises en difficulté : rentrée 2024

Cet article dresse un panorama des jurisprudences les plus marquantes intervenues en droit des entreprises en difficulté au cours de ces tout derniers mois. Il présente également d’autres questions, parmi lesquelles le volet droit des entreprises en difficulté du Rapport annuel 2023 de la Cour de cassation.

par Georges Teboul, Avocat AMCOle 15 novembre 2024

Quelques statistiques

Statistiques de la Banque de France. À fin septembre 2024, les statistiques de la Banque de France révèlent que 63 741 défaillances avaient été constatées sur douze mois, contre 63 280 le mois précédent. La progression est forte, supérieure à 20 %, mais elle décroît chaque mois. Il y a lieu de se référer au tableau qui détaille les secteurs d’activités concernés.

Statistiques de l’AGS. L’AGS fait établir des bulletins statistiques trimestriels et il utile de citer celui du second trimestre 2024 (Veille législative, 22 août 2024). Ainsi, le nombre d’affaires ouvertes par l’AGS a augmenté de 5,6 % au 2e trimestre 2024, étant rappelé que sur les douze derniers mois, plus de 60 000 procédures collectives ont été ouvertes. Lors de ce second trimestre, plus de 89 000 salariés ont bénéficié de l’intervention de l’AGS, soit une hausse de 20,3 % par rapport à la même période de l’année précédente. En outre, plus de 37 % des affaires ouvertes pendant ce trimestre l’ont été concernant des procédures de redressement judiciaire et 61 % des affaires ouvertes par l’AGS l’ont été pour des affaires en liquidation judiciaire. Il faut remarquer que 85,3 % des interventions de l’AGS concernent des entreprises de moins de dix salariés (v. Bull. n° 46 de l’AGS) en saluant le fait que 99,5 % des demandes sont traitées dans les cinq jours et 83,2 % dans les deux jours après leur réception. Il faut aussi constater qu’il existe des disparités régionales très importantes avec par exemple, une baisse pour la région parisienne et une hausse importante dans les régions du Nord et du Sud-Est.

Doit enfin être relevé un bond des cotisations recouvrées au cours du 2e trimestre 2024, soit une hausse de 38,1 % par rapport à la même période de l’année précédente. Pour le 1er semestre 2024, 646,7 millions d’euros ont été recouvrés, ce qui représente une progression de 32 % par rapport à l’an dernier. Il faut toutefois relever que le taux de cotisation a été relevé de 0,20 % depuis le 1er janvier 2024. Désormais, les recettes issues des récupérations et des cotisations ont permis de couvrir 85 % des montants avancés.

Liquidations amiables

Un décret n° 2024-751 du 7 juillet 2024 (JO 8 juill. ; Veille permanente, 20 août 2024, obs. A. Thobie), entré en vigueur le 1er octobre 2024, a renforcé la publicité des opérations de liquidation amiable et de dissolution confusion par transmission universelle de patrimoine. Il s’agit d’éviter que des sociétés en cessation des paiements ou voulant éviter des redressements fiscaux ou sociaux puissent bénéficier de ce mécanisme. Le décret prévoit désormais que le liquidateur devra produire en outre deux documents supplémentaires, un certificat fiscal et une attestation sociale pour prévenir ce risque. L’attestation sociale est qualifiée par l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, « d’attestation de vigilance ».

Rapport annuel 2023 de la Cour de cassation

A posteriori, il est utile de prendre connaissance de ce rapport pour vérifier les arrêts qui paraissent significatifs. Le volet « Entreprises en difficulté » est évoqué aux pages 191 et suivantes de ce rapport.

En premier lieu, il s’agit du conflit entre la protection du consommateur en matière de prêt et l’autorité de la chose jugée attachée à une décision d’admission de créance. La cour d’appel avait retenu que les décisions d’admission de créances ont autorité de la chose jugée à l’égard du débiteur, relativement aux créances fixées (C. civ., art. 1355). Après avis de la 2e chambre civile, la chambre commerciale a cependant formulé une exception en matière de clause abusive (Com. 8 févr. 2023, n° 21-17.763, Dalloz actualité, 14 févr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 293 ; ibid. 1430, chron. S. Barbot et C. Bellino ; ibid. 1715, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 2024. 650, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2023. 730, obs. N. Cayrol ; RTD com. 2023. 449, obs. A. Martin-Serf ).

Sans surprise, ce rapport publie aussi un résumé de l’arrêt que nous avions déjà commenté (Com. 7 juill. 2023, n° 22-17.902, Dalloz actualité, 13 juill. 2023, obs. C. Gailhbaud ; D. 2023. 1357 ; ibid. 2268, chron. C. Bellino et T. Boutié ; ibid. 2024. 1691, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés 2023. 547, obs. L. C. Henry ; RDT 2023. 628, chron. V. Ilieva et A. Mittelette ) portant sur la question épineuse de la justification par le mandataire judiciaire de l’insuffisance des fonds et la possibilité pour l’AGS de la contester. La Cour de cassation constate que les relations entre l’AGS et les partenaires institutionnels se sont tendues. Or, le contrôle a priori de la disponibilité des fonds que réclamait l’AGS lui a été refusé. Le rapport annuel cite l’arrêt en indiquant que l’obligation de justification préalable de l’insuffisance des fonds disponibles n’est prévue qu’en cas de sauvegarde. Ce n’est que dans cette hypothèse que l’AGS a la possibilité d’une contestation immédiate.

Sont encore cités deux arrêts, tous les deux du 13 décembre 2023. L’un concerne l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale (Com. 13 déc. 2023, n° 22-19.749, Dalloz actualité, 21 déc. 2023, obs. B. Ferrari ; D. 2023. 2236 ; ibid. 2024. 1691, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; ibid. 1877, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; Rev. sociétés 2024. 208, obs. F. Reille ; RCJPP 2024. 52, chron. P. Roussel Galle et F. Reille ). Si cette insaisissabilité est inopposable au créancier, il peut exercer son droit de poursuite sur l’immeuble qui n’était pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation judiciaire, même après la clôture pour insuffisance d’actif. L’article L. 643-11 du code de commerce ne peut y faire obstacle. L’autre a trait à l’insaisissabilité d’un immeuble qui a fait l’objet d’une inscription d’hypothèque (Com. 13 déc. 2023, n° 22-16.752, Dalloz actualité, 15 janv. 2024, obs. M. Guastella ; D. 2023. 2237 ; Rev. sociétés 2024. 208, obs. F. Reille ; RCJPP 2024. 49, chron. S. Piédelièvre et O. Salati ; ibid. 52, chron. P. Roussel Galle et F. Reille ). Si cette dernière est inopposable à un créancier, celui-ci peut exercer ses droits sur l’immeuble, peu important la clôture pour insuffisance d’actif, laquelle ne peut justifier la radiation de l’inscription soumise aux conditions de l’article 2438 du code civil.

Effets d’une remise de créance

Michel di Martino a opportunément rappelé les avantages de consentir une remise de créance et cela afin de permettre le sauvetage d’une entreprise et l’acceptation de son plan de continuation avec un passif ainsi réduit (note d’information n° 175, 11 juill. 2014). Il nous livre notamment deux considérations qui méritent réflexion :

  • la première est que le coût réel d’une remise est réduite de 37,5 % du fait des gains fiscaux (incident de l’impôt sur les sociétés et récupération de TVA sur la créance impayée). D’autre part, il rappelle qu’avec un taux d’inflation moyen de 4 %, une créance payable en dix ans représente un montant diminué de 32 % ;
  • si l’on conjugue les effets de ces éléments, la remise de dette devient attractive en ajoutant le fait qu’elle diminue le risque de non-paiement du fait de la réduction du passif, la société débitrice ayant une charge moins lourde à rembourser.

Jurisprudence

Résiliation d’un bail commercial. Dans cette affaire (Com. 12 juin 2024, n° 22-24.177 FS-B, Dalloz actualité, 12 juill. 2024, obs. M. Guastella ; D. 2024. 1125 ; RTD com. 2024. 541, obs. F. Kendérian ; Gaz. Pal. 2 juill. 2024, p. 20), un bailleur avait demandé au juge-commissaire de constater la résiliation d’un bail. Or, les loyers dus postérieurement au jugement d’ouverture avaient été payés par la société locataire. Le bailleur avait reçu ce paiement le jour où il saisissait le juge-commissaire par requête. La question était donc de savoir si le juge-commissaire avait l’obligation de vérifier le paiement au jour où il statue des loyers et charges concernant l’occupation postérieure à l’ouverture de la procédure. La Cour de cassation est venue affirmer que cette vérification doit être faite (au visa des art. L. 622-14, 2e, L. 631-14, R. 622-13, al. 2, et R. 631-20 c. com.).

Procédures de prévention. Signalons un arrêt intéressant de la chambre commerciale du 3 juillet 2024 (Com. 3 juill. 2024, n°...

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