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Article
Chronique de droit des entreprises en difficultés : premier trimestre 2024
Chronique de droit des entreprises en difficultés : premier trimestre 2024
Cet article dresse un panorama des principaux évènements du début de l’année 2024 en droit des entreprises en difficulté. Outre les jurisprudences les plus significatives en la matière, il présente les dispositifs en lien avec la crise sanitaire.
par Georges Teboul, avocat AMCOle 23 avril 2024
Les dispositifs liés à la crise sanitaire
Le sort des PGE. Michel Di Martino a établi une synthèse sur les situations à l’égard des prêts garantis par l’État dans une récente note d’information (n° 165), à laquelle il paraît intéressant de se référer. 683 000 entreprises ont bénéficié de PGE pour un total d’environ 144 milliards d’euros et 95 % d’entre elles remboursent leur PGE sans difficulté. Fin 2023, environ la moitié du montant des PGE a été remboursée (ce pourcentage monte même à 80 % pour les grandes entreprises).
Seulement 1 000 dossiers environ de restructuration ont été déposés auprès du médiateur du crédit et la moitié des dossiers ont fait l’objet d’un accord de restructuration, essentiellement des rééchelonnements avec le maintien de la garantie de l’État. Cette garantie a été activée dans 2 % des cas et la perte est en l’état chiffrée à 3,6 milliards d’euros, ce qui représente 2,5 % des PGE. La grande majorité de ces prêts arriveront à échéance en 2026.
Cette institution a donc été un succès et elle a permis de stabiliser l’économie en évitant une catastrophe en chaîne. Ce fut donc une bonne idée, même si en France, l’endettement est une maladie chronique, que ce soit pour l’État ou pour le secteur privé. Signalons qu’un comité de presse du 7 janvier 2024 a fait savoir que l’accord de place sur les restructurations du PGE dans le cadre de la médiation du crédit est prorogé jusqu’au 31 décembre 2026 (Veille permanente, 9 janv. 2024).
La procédure de traitement de sortie de crise. Il faut signaler la prolongation du dispositif ayant instauré une procédure spécifique de traitement de sortie de crise. Le décret du 16 octobre 2021 avait imposé une date limite au 2 juin 2023 et ce dispositif a été renouvelé du 21 novembre 2023 au 22 novembre 2025 pour deux années supplémentaires (Loi n° 2023-1059 du 20 nov. 2023, art. 46 ; M. Di Martino, note d’information n° 164, 20 déc. 2023).
Rappelons à cet égard que cette procédure permet à un débiteur en cessation des paiements d’élaborer un projet de plan très rapidement, en trois mois, cette procédure étant ouverte à des entreprises ayant moins de vingt salariés et un total de bilan hors capitaux propres de 3 M€ pouvant présenter des comptes réguliers. La procédure est simplifiée avec notamment la désignation d’un mandataire judiciaire avec une mission de surveillance. Cela permet de rééchelonner rapidement les dettes d’une entreprise qui retrouve rapidement sa liberté.
Une circulaire du 6 décembre 2023 (NOR : JUST23326.99.C, BO min. just. 7 déc. 2023) constate que cette procédure reste valable, compte tenu de l’augmentation actuelle du nombre des procédures collectives. Cela pourrait, à l’avenir, provoquer une réflexion sur ce type de procédure rapide qui serait susceptible d’être pérennisée (Veille permanente, 11 janv. 2024, obs. T. Favario). Cette circulaire revient également sur la création des tribunaux des activités économiques mis en place par la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 avec une rédaction maladroite sur le fait que, « compte tenu de leur technicité », les contentieux des baux commerciaux continueront de relever des tribunaux judiciaires, à l’exception du contentieux présentant un lien de connexité suffisant avec la procédure collective, ce qui est un critère relativement vague.
En outre, le nouveau portail électronique créé par l’article 45 de la loi pourra être utilisé pour la gestion des déclarations de créances.
Le report de la date de cessation des paiements
Quelles créances doit-on prendre en compte pour ce report ? Un arrêt récent (Com. 22 nov. 2023, n° 22-19.768, Veille permanente, 26 janv. 2024) indique qu’une contestation par le débiteur d’une créance ne suffit pas à la rendre litigieuse. Elle doit donc rester dans le passif exigible. En l’espèce, il n’existait pas de recours juridictionnel en cours, ce qui provoquait la difficulté (v. déjà, Com. 9 déc. 2020, n° 19-14.437, D. 2021. 5 ; RTD com. 2021. 200, obs. A. Martin-Serf ). Rappelons que la Cour de cassation avait rendu une décision de principe sur le fait qu’une créance contestée en justice ne pouvait être prise en compte dans le passif exigible (Com. 16 mars 2010, n° 09-12.539, Dalloz actualité, 31 mars 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 887, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2010. 191, obs. P. Roussel Galle ).
Le droit social
Il est utile de signaler une décision récente (Soc. 22 nov. 2023, n° 22-19.282, Dalloz actualité, 14 déc. 2023, obs. F. Mélin ; D. 2023. 2089 ; Dr. soc. 2024. 100, obs. G. François ; Veille permanente, 22 janv. 2024, obs. M. Morand). L’entreprise dominante d’un comité de groupe peut être une personne physique. Elle doit cependant détenir tout ou partie du capital et s’immiscer directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe. Ainsi, bien que l’article L. 2331-1 du code du travail vise une entreprise dotée d’un siège social, une personne physique peut bien être concernée et considérée comme une entreprise dominante.
Signalons aussi un arrêt intéressant (Soc. 6 déc. 2023, n° 22-17.921, Veille permanente, 30 janv. 2024, obs. F. Aouate) concernant le vote d’une expertise. Si le délai préfix de consultation du CSE est expiré, il est trop tard pour voter une expertise. Rappelons qu’ici, les articles R. 2312-5 et R. 2312-6 du code du travail sont applicables, le délai de deux mois courant à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail permettant au CSE d’apprécier l’importance de l’opération envisagée et de juger qu’elle est suffisante ou non (Soc. 21 sept. 2016, n° 15-19.003, D. 2016. 1936 ; ibid. 2252, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Rev. sociétés 2017. 446, note F. Petit ).
Il convient aussi de citer un arrêt important concernant la transmissibilité des droits des salariés à l’AGS (Com. 17 janv. 2024, n° 23-12.283, Dalloz actualité, 1er févr. 2024, obs. C. Gailhbaud ; D. 2024. 108 ; Gaz. Pal. 5 mars 2024, note C. Siharath). Dans cette affaire, la cour confirme sa jurisprudence du 7 juillet 2023 en rappelant que lorsque le mandataire judiciaire demande l’avance des fonds nécessaires à l’AGS, celle-ci doit y satisfaire, dès lors que le mandataire justifie que l’insuffisance des fonds disponibles est caractérisée (pour la sauvegarde) et sans qu’aucune justification ne puisse être demandée par l’AGS s’il s’agit d’un redressement judiciaire (Cass., ass. plén., 7 juill. 2023, D. 2023. Actu. 1357 ; Rev. sociétés 2023. 547, note L. C. Henry ). Il est donc confirmé que l’AGS ne dispose d’aucun droit de contrôle a priori, dès lors que le mandataire judiciaire lui adresse la présentation du relevé des créances salariales, et cela pour répondre à un objectif de rapidité.
La seconde partie de la décision consiste à affirmer que le super privilège relatif au paiement des créances n’est pas attaché aux salariés mais qu’il est retransmis à l’AGS, subrogée dans les droits des salariés. La dérogation prévue à l’article L. 626-30, IV, du code de commerce est-elle attachée à la personne du salarié comme l’avait jugé le Tribunal de commerce de Nanterre (T. com. Nanterre, ord. réf., 19 juin 2023, n° 2022 J00429) ? La Cour de cassation considère que l’AGS a le droit de recevoir un paiement sur les « premières rentrées de fonds » issues de la procédure collective. Le super-privilège des salariés est donc transmis à l’AGS. Dans les faits, cela permet à l’AGS, même en cas de résolution d’un plan, de ne pas déclarer à nouveau sa créance, dans le cadre de la nouvelle procédure collective.
En pratique, on peut cependant considérer qu’il y aura une difficulté sur la notion de « première rentrée de fonds » car l’entreprise en difficulté a grand besoin d’une trésorerie disponible pour assurer sa bonne marche, s’agissant d’un redressement judiciaire. En liquidation judiciaire, cette preuve sera sans doute plus facile à apporter, mais pas forcément évidente (en cas de poursuite d’activité, notamment pour permettre une cession de fonds de commerce …).
Les nullités de la période suspecte
Un nouvel arrêt est intervenu sur la connaissance par le créancier de l’état de cessation des paiements du débiteur. Pour cette raison, une saisie-attribution pratiquée en période suspecte a été annulée. Ce qui est intéressant, ici, est le rappel des éléments pris en compte pour caractériser cette connaissance : en l’espèce, il s’agissait d’un bailleur, créancier de loyers. La cour d’appel avait constaté que le paiement des loyers était irrégulier depuis longtemps, le non-paiement étant systématique depuis onze mois. Avant la saisie, une condamnation au paiement était intervenue et malgré la saisie des comptes bancaires, seulement le tiers de la dette locative avait pu être récupéré. La Cour de cassation a considéré que ces éléments étaient suffisants pour caractériser la connaissance de l’état de cessation des paiements (Com. 7 févr. 2024, n° 22-22.557, Veille permanente, 21 févr. 2024, obs. J.-P. Rémery). Il est vrai qu’en l’espèce, le créancier pouvait difficilement connaître le montant du passif exigible et de l’actif disponible …
Le soutien abusif
Nous savons que, depuis longtemps, l’article L. 650-1 du code de commerce a vocation à protéger essentiellement les établissements bancaires d’un risque de soutien abusif en créant des conditions draconiennes et en pratique difficiles à réunir pour pouvoir le démontrer. En l’espèce, une EARL en redressement judiciaire avait reçu des concours bancaires avec une garantie hypothécaire. Après l’arrêté du plan de redressement, le commissaire à l’exécution du plan avait assigné la banque en responsabilité pour soutien abusif et avait obtenu satisfaction devant la cour d’appel. Cet arrêt a été cassé car la Cour de cassation a considéré que la fraude n’était pas démontrée du seul fait que la banque n’avait pas réagi à l’échéance du billet à ordre (Com. 17 janv. 2024, n° 22-18.090, Dalloz actualité, 7 févr. 2024, obs. T. Favario ; D. 2024. 108 ; Rev. sociétés 2024. 213, obs. L. C. Henry ...
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Code des procédures collectives 2024, annoté & commenté
02/2024 -
22e édition
Auteur(s) : Alain Lienhard; Pascal Pisoni