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Chronique de droit des entreprises en difficultés : printemps 2025

Cet article dresse un panorama des principaux évènements du printemps 2025 en droit des entreprises en difficulté. À côté de la présentation des jurisprudences les plus significatives rendues ces derniers mois, il comprend un volet comptable significatif.

par Georges Teboul, Avocat AMCOle 11 juillet 2025

Questions comptables

La mission du commissaire aux comptes appelé à certifier les comptes d’une entité qui fait l’objet d’une procédure collective. La Haute Autorité de l’audit (H2A) a établi une foire aux questions sur la mission du commissaire aux comptes appelé à certifier les comptes d’une entité qui fait l’objet d’une procédure collective (H2A, FAQ, 13 mars 2025, Veille permanente, 25 avr. 2025). En effet, l’ouverture d’une procédure collective ne met pas fin à la mission du commissaire aux comptes. Bien entendu, il n’a plus d’obligation d’alerte mais il doit vérifier les conditions dans lesquelles la continuité de l’exploitation peut être assurée. Les administrateurs judiciaires doivent ouvrir pour chaque mandat reçu un compte contrôlé par un commissaire aux comptes qui assure le contrôle de leur comptabilité spéciale. Le commissaire aux comptes d’une entité en procédure collective doit répondre aux demandes du commissaire aux comptes de l’administration judiciaire (C. com., art. L. 811-11-3). Le commissaire aux comptes doit aussi certifier les créances détenues par les parties affectées qui sont les créanciers appelés à se prononcer sur un projet de plan, dès lors que leurs droits sont affectés par ce projet. Il peut aussi s’agir des détenteurs du capital. Pour le détail, nos lecteurs se référeront à cet article et à cette foire aux questions intéressante.

Sur les questions comptables, il faut aussi se référer aux notes toujours intéressantes de Michel di Martino et notamment à celle du 16 avril (note n° 186 concernant la cotisation RSI due par un gérant majoritaire qui doit être considérée comme une dette professionnelle et la note n° 187 sur le besoin en fonds de roulement exposé aux juristes).

Solvabilité II révisé. Il faut aussi évoquer la question de l’intégration des risques de durabilité en application de Solvabilité II révisé (D. Pozzana, Risques de durabilité et gouvernance dans Solvabilité II révisé, Dalloz actualité, 7 mai 2025). Il faut, en effet, rappeler que les risques concernés peuvent être environnementaux, sociaux ou de gouvernance et avoir une incidence négative réelle ou potentielle sur la valeur d’un investissement ou d’un engagement. En l’état, il s’agit d’une notion intéressant essentiellement les organismes d’assurances. À terme, elle pourrait prendre une importance grandissante et influer sur la détermination ou la cause d’un état de cessation des paiements. En tout cas, elle peut constituer un risque à prendre en compte au niveau d’une mesure de prévention. C’est la raison pour laquelle nous signalons cet article digne d’intérêt.

La mission de l’expert-comptable du CSE. Un CSE avait décidé de se faire assister par un expert-comptable au moment de la consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur sa situation économique et financière. L’employeur avait considéré que l’expert n’avait pas à sortir du périmètre de l’entreprise et que sa mission ne peut concerner le groupe auquel l’entreprise appartient. L’employeur a donc demandé au tribunal judiciaire de juger que la liste des documents et le coût prévisionnel étaient disproportionnés avec la mission légalement admissible et d’ordonner à l’expert de notifier de nouveaux cahiers des charges en excluant les éléments du groupe. Ses demandes ont été rejetées, car la Cour de cassation a considéré que cette consultation doit permettre la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-87-1 et L. 2315-89). La Haute juridiction a donc considéré que le périmètre des consultations pouvait porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient (Soc. 9 avr. 2025, n° 23-16.503, Veille permanente, 25 avr. 2025, obs. F. Aouate).

Le commentaire prudent (F. Aouate, obs. préc.) considère qu’il ne faudrait pas en déduire un principe général permettant à l’expert d’accéder toujours aux informations relatives au groupe. Cependant, cette immixtion paraît critiquable, dès lors qu’elle peut dégénérer en abus, que ce soit sur le coût financier qui peut vite devenir exorbitant et disproportionné, comme le soutenait l’employeur, mais aussi sur une volonté d’intrusion et de contestation de décisions concernant le reste du groupe, n’ayant pas forcément un lien avec l’orientation de la personne morale considérée. Une appréciation in concreto paraît donc nécessaire, par exemple lorsque les orientations sont définies par le groupe et uniquement sur les sujets concernant la société concernée. En l’espèce, cette formulation laisse penser qu’il existe un droit d’information général qui peut mener à des abus.

Rapport des médiateurs. En avril 2025, le Médiateur national du crédit et le Médiateur des entreprises ont établi un rapport – intitulé « « Mieux connaître les dispositifs existants de détection précoce et de soutien aux entreprises en difficulté » – qui a été longuement commenté (Veille permanente, 12 mai 2025, obs. L. Arbelet). Il s’agit particulièrement du rôle de l’expert-comptable. Le rapport considère que ce professionnel devrait informer systématiquement les entrepreneurs des dispositifs existants lors d’une difficulté. Les dispositifs de détection et de soutien devraient être, en effet, mieux connus. Rappelons que la mission Richelme avait rappelé ce rôle central (dans son rapport de 2021, après la crise du covid). Il s’agit donc de recourir, soit à des mesures d’incitation, soit à des mesures de coercition. En l’espèce, cette réflexion se poursuit.

Les ateliers de la simplification du Conseil d’État

Une note a été établie par l’assemblée générale plénière du Conseil d’État (n° 408961) dans sa séance du 21 novembre 2024 sur l’étude concernant les mesures de simplification prises pendant la crise sanitaire. Le Premier ministre avait en effet demandé, par lettre du 20 mars 2024, qu’un bilan soit effectué sur les mesures de simplification et notamment sur celles qui ont été pérennisées après la crise. Il est inutile de revenir ici sur le dispositif covid qui a déjà été abondamment commenté, sauf sur quelques questions qui méritent un examen particulier :

  • l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 concernait l’adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie ainsi qu’une ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 sur ces mêmes difficultés ;
  • la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 concernant, à son article 13, la procédure collective de traitement de sortie de crise et le décret sur le même sujet n° 2021-1354 du 16 octobre 2021.

Rappelons que la procédure collective de traitement de sortie de crise qui est entrée en vigueur le 18 octobre 2021 peut être sollicitée jusqu’au 21 novembre 2025 inclus (Loi n° 2023-1059 du 20 nov. 2023, art. 46). Il s’agissait de tenir compte de la hausse subite du coût de l’énergie, des difficultés de remboursement des PGE (v. égal.,...

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