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Chut ! Il ne faut pas l’ébruiter mais, depuis le 22 juin, les bailleurs de locaux commerciaux ou professionnels ne peuvent plus recouvrer leurs loyers des 2e et 3e trimestres 2020 !
Chut ! Il ne faut pas l’ébruiter mais, depuis le 22 juin, les bailleurs de locaux commerciaux ou professionnels ne peuvent plus recouvrer leurs loyers des 2e et 3e trimestres 2020 !
Suite à une modification réglementaire récente du champ d’application du fonds de solidarité, toutes les entreprises affectées en mars par la covid-19 peuvent désormais bénéficier de l’ordonnance relative au paiement des loyers pendant l’état d’urgence sanitaire.
par Pascal Jacquotle 30 juillet 2020
On se souvient de la déception causée par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers dans la mesure où seules les entreprises bénéficiaires du Fonds de solidarité pouvaient s’en prévaloir, à savoir que certaines Très petites entreprises. L’article 1er du décret d’application n° 2020-378 du 31 mars 2020 en réserve effectivement le bénéfice « aux personnes physiques et morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l’article 1er et aux 1° et 2° de l’article 2 du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité ».
Comme le montre le tableau qui suit, il fallait donc initialement cumuler toutes ces conditions si l’on souhaitait reporter les loyers exigibles depuis le 12 mars 2020 :
Mais, ce décret n° 2020-371 a fait l’objet de retouches successives et dernièrement, un décret n° 2020-757 du 20 juin 2020 a notamment permis aux entreprises de certains secteurs particulièrement touchés par la crise (hôtels, cafés, restaurants, tourisme, événementiel, sport et culture) et dépassant ces seuils, de bénéficier tout de même dudit fonds de solidarité. C’est sans doute pourquoi les auteurs de ce décret n° 2020-757 ont transféré les seuils de l’article 1er relatif au champ d’application du fonds de solidarité à l’article 2 relatif aux conditions d’éligibilité de l’aide principale de l’article 3. Ainsi, selon les secteurs concernés, les entreprises souhaitant bénéficier de ce fonds de solidarité peuvent désormais solliciter différentes aides principales détaillées aux articles 3 à 3-6, voire l’aide complémentaire des collectivités territoriales de l’article 4.
En conséquence et depuis le 22 juin, date d’entrée en vigueur de ce décret n° 2020-757, les mêmes conditions pour bénéficier de l’ordonnance n° 2020-316 sur les loyers ne sont plus que les suivantes :
En réalité, les seuils importants de salariés (3°) et de chiffre d’affaires (4°) ont été transférés à l’article 2, mais dans un 3° (10 salariés) et un 4° (1 M€ CA). Or, l’article 1er du décret n° 2020-378 n’a pas été actualisé et, en l’état, ne renvoie pas aux 3° et 4° de l’article 2 du décret n° 2020-371. Ainsi, ces seuils ont disparu du champ d’application de l’ordonnance n° 2020-316 sur les loyers, de sorte qu’aujourd’hui, toutes les entreprises, même les associations assujetties aux impôts commerciaux ou ayant au moins un salarié (art. 1er, 5°), rentrent dans son champ d’application, à condition :
• d’avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil au public en mars (1°)
• ou d’avoir perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires sur mars 2020 par rapport à mars 2019 (2°).
Ces renvois successifs à des textes ayant d’autres objets expliquent que cette quatrième modification du décret n° 2020-371 relatif au fonds de solidarité soit passée inaperçue des éventuels lecteurs d’une ordonnance n° 2020-316 sur les loyers commerciaux ou professionnels.
Or, à l’heure actuelle où la médiation relative à ces loyers a échoué et où de nombreux bailleurs initient des poursuites, cette ordonnance n° 2020-316 est bien plus intéressante pour les preneurs que les autres textes invoqués durant cette crise sanitaire. D’une part, il n’est pas certain que l’ordonnance n° 2020-306 sur les différents délais puisse s’appliquer aux loyers puisque son article 1er écarte de son champ d’application les « délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières » comme l’ordonnance n° 2020-316, et que son application aux obligations de paiement est discutée, tout comme d’ailleurs les autres outils de droit commun (force majeure, imprévision, exception d’inexécution). Même applicable, cette ordonnance 306 ne pourrait, de plus, concerner que les loyers et charges sur trois mois et n’empêcherait pas l’appel des garants, alors que l’ordonnance n° 2020-316 vise les loyers et charges sur six mois et empêche absolument toute sanction même à l’égard des garants et cautions. D’autre part, la charte dite de bonnes pratiques ne vise elle que les loyers du 2e trimestre 2020 et n’a surtout aucune portée contraignante.
Certes, l’article 1er de cette ordonnance n° 2020-316 continue d’indiquer qu’un décret déterminera notamment les seuils d’effectifs et de chiffres d’affaires permettant d’en bénéficier, et l’article 2 de son décret d’application n° 2020-378 continue d’exiger, en sus d’une déclaration sur l’honneur, l’accusé de réception de la demande d’éligibilité au fonds. Mais il s’agit là de simples énoncés sans portée contraignante, sachant que faire une demande ne signifie pas obtenir l’aide. Surtout, l’article 1er du décret n° 2020-378 est, comme on l’a vu, on ne peut plus explicite sur les conditions pour bénéficier de l’ordonnance n° 2020-316 sur les loyers : les seuils variant dorénavant en fonction des aides et des activités, il serait de toute manière mal aisé de « reconstituer » ces seuils si on devait le faire, ce qui n’est pas le cas.
En l’absence aujourd’hui de texte adaptant ce décret n° 2020-378 aux modifications du décret n° 2020-371 résultant du décret n° 2020-757, force est de constater, en droit, qu’hormis le cas d’un contrôle par une holding, toutes personnes de droit privé exerçant une activité économique ne peut plus subir actuellement le moindre désagrément pour ne pas avoir payé ses loyers et ses charges des 2e et 3e trimestres 2020 (ceux du 1er et 2e trimestres si payables à termes échus) pour peu qu’elle montre avoir perdu au moins 50 % de son chiffre d’affaires en mars 2020. On peut également parier qu’avec les congés estivaux et le programme très chargé du nouveau gouvernement, il en sera encore ainsi le 11 septembre à minuit quand les effets de cette ordonnance sur les loyers cesseront, en espérant que d’ici là les acteurs économiques auront reconstitué leur trésorerie pour faire face à leurs dettes locatives.
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