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La CJUE admet le cumul de poursuites et de sanctions pénale et administrative

Par trois arrêts du 20 mars 2018 concernant l’Italie, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a assoupli sa jurisprudence relative au principe ne bis in idem

par Emmanuelle Maupinle 22 mars 2018

En 2013, elle avait jugé qu’il n’était pas possible d’infliger à la fois une sanction administrative de nature répressive et une sanction pénale (V. CJUE 26 févr. 2013, aff. C-617/10, Aklagaren c/ Hans Akerberg Fransson, AJDA 2013. 1154, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ). Et puis en 2016, la Cour européenne des droits de l’homme avait admis que la conduite de procédures mixtes pouvait aboutir à un cumul de peines sans méconnaître la règle ne bis in idem (V. CEDH 15 nov. 2016, n° 24130/11, A. et B. c/ Norvège, AJDA 2016. 2190  ).

Désormais, la CJUE reconnaît qu’un cumul entre des « poursuites/sanctions pénales » et des « poursuites/sanctions administratives de nature pénale » pourrait exister à la charge de la même personne pour les mêmes faits. À condition que la réglementation autorisant ce cumul « vise un objectif d’intérêt général […] ; contienne des règles assurant une coordination limitant au strict nécessaire la charge supplémentaire qui résulte, pour les personnes concernées, d’un cumul de procédures et prévoit des règles permettant d’assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées soit limitée à ce qui est strictement nécessaire par rapport à la gravité de l’infraction concernée. »

Dans la première affaire (aff. C-524/15), M. Menci a été sanctionné par l’administration pour avoir omis de verser la TVA puis poursuivi au pénal. La Cour relève que la réglementation en cause vise à garantir la perception de l’intégralité de la TVA due, qu’elle prévoit, de manière claire et précise, dans quelles circonstances l’omission de verser la TVA due peut faire l’objet d’un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale et qu’elle fixe des conditions propres à assurer que les autorités compétentes limitent la sévérité des sanctions.

Dans la seconde espèce (aff. C-537/16), M. Ricucci, à l’appui de son recours contre une sanction administrative pour manipulations de marché, faisait valoir qu’il avait été condamné définitivement, pour les mêmes faits, à une sanction pénale éteinte par amnistie. La CJUE juge que « le fait de poursuivre une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale […] excéderait ce qui est strictement nécessaire afin de réaliser l’objectif visé […], dans la mesure où la condamnation pénale définitivement prononcée serait, compte tenu du préjudice causé à la société par l’infraction commise, de nature à réprimer cette infraction de manière effective, proportionnée et dissuasive ».

Enfin (aff. C-596/16), M. Di Puma et à M. Zecca se sont vus infliger des sanctions administratives pour des opérations d’initiés. Dans le cadre de recours, ils ont fait valoir qu’ils avaient été relaxés au pénal pour les mêmes faits. L’autorité de la chose jugée du jugement pénal interdit, en droit italien, la poursuite de la procédure administrative. Selon la Cour, la directive n° 2003/6/CE « ne s’oppose pas à une réglementation nationale selon laquelle une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale ne peut être poursuivie à la suite d’un jugement pénal définitif de relaxe ayant constaté que les faits susceptibles de constituer une infraction à la législation sur les opérations d’initiés, sur la base desquels avait également été ouverte cette procédure, n’étaient pas établis ».