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Clarification sur le point de départ des recours du constructeur contre les fabricants et fournisseurs

L’action en garantie des vices cachés exercée à l’encontre du fournisseur ou de l’assureur de celui-ci par le constructeur ou son assureur, après indemnisation amiable du maître de l’ouvrage ou de l’assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits de ce dernier, tend à faire supporter par les premiers la dette de réparation du constructeur à l’égard du maître de l’ouvrage. Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur mais à compter de l’assignation en responsabilité qui lui a été délivrée, ou, à défaut, à compter de l’exécution de son obligation à réparation.

La présente affaire s’inscrit dans la suite de l’évolution jurisprudentielle relative aux recours entre coobligés en matière de construction. Elle concerne ici la question des recours des constructeurs contre les fabricants. Deux lignes de jurisprudence sont ici en réalité combinées : celle relative aux recours entre coobligés et celle relative aux recours des constructeurs et sous-traitants contre les fabricants de matériaux ou équipements mis en œuvre pendant la construction de l’ouvrage.

Le débat portait dans cette affaire sur la prescription (et non plus la forclusion ; sur la nature du délai (prescription), Cass., ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-15.809 P, Dalloz actualité, 13 sept. 2023, obs. N. De Andrade ; D. 2023. 1728 , note T. Genicon ; ibid. 2024. 275, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2023. 788 , obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2023. 914, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2023. 714, obs. B. Bouloc ) de l’article 1648, alinéa 1er, du code civil qui encadre l’action en garantie des vices cachés dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice affectant la chose vendue.

En l’espèce, le dommage matériel de nature décennale avait été découvert après réception. Sur déclaration de sinistre, l’assureur dommages ouvrage (DO) prenait en charge l’indemnisation du maître de l’ouvrage. Dans le cadre de cette procédure amiable DO, un rapport était rendu mettant en exergue la cause du dommage (25 juill. 2017). Au terme de cette procédure amiable, bien au-delà des délais légaux manifestement (1er déc. 2021), l’indemnisation était versée par l’assureur DO et un recours amiable était exercé contre l’assureur de responsabilité décennale du constructeur ayant acheté et mis en œuvre les matériaux (des tasseaux de bois servant de support à la pose de bardage bois). L’assureur de responsabilité décennale assigne alors en mai 2020 le fournisseur des chevrons de bois et son assureur sur le fondement de la garantie des vices cachés du droit de la vente.

La cour d’appel avait cru pouvoir rejeter cette demande au motif qu’elle était tardive comme ayant été introduite plus de deux ans après le rapport amiable DO ayant révélé le vice caché de la chose vendue (connaissance du dommage par le biais du rapport amiable DO de 2017 – action de 2020). Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation dans un arrêt dont le raisonnement est à la fois imparable et essentiel quant à la détermination de la nature des rapports de droit existant entre le constructeur et son fournisseur ou fabricant.

Sur la nature de l’action récursoire

La cour d’appel, et c’est là son erreur, avait estimé qu’il ne s’agissait pas d’une action récursoire. Elle considérait en quelque sorte que cette action était autonome et principale et visait à agir contre le fabricant comme si les matériaux étaient restés dans le patrimoine du constructeur acquéreur initial. La Cour de cassation débute son attendu de principe en énonçant l’évidence : l’action née d’un dommage subi par le maître de l’ouvrage qui l’a conduit à solliciter l’indemnisation au titre de la police DO est à l’origine de l’action réflexe contre le fabricant. Il s’agit donc bien d’une action récursoire.

Sur le point de départ de la prescription de l’action

Selon la ligne relative...

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