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Clauses abusives et prêts libellés en devises étrangères : rappels

Dans un arrêt rendu le 12 juillet 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation vient opérer quelques rappels autour des clauses abusives insérées dans un prêt libellé en devises étrangères et de la prescription applicable à cette thématique.

Les prêts libellés en devises étrangères ont fait l’objet d’une actualité très nourrie ces derniers mois que ce soit sur le volet de la responsabilité de l’établissement bancaire (Civ. 1re, 28 juin 2023, n° 22-13.969 et n° 21-24.720 FS-B, Dalloz actualité, 4 juill. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1260 ) ou sur celui des clauses abusives (Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 21-20.260 F-B, Dalloz actualité, 10 mars 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 460 ; RDI 2023. 351, obs. J. Bruttin ). La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas en reste avec un certain nombre de décisions importantes à ce titre pour l’année 2023 (v. par ex., CJUE 8 juin 2023, aff. C-570/21, Dalloz actualité, 13 juin 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1117 ). L’arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la première chambre civile de la Cour de cassation permet de mettre en musique ces solutions. Notons que cette décision est accompagnée d’un communiqué en raison du caractère médiatique de ces types de prêts au risque de change élevé.

Les faits à l’origine du pourvoi sont classiques. Le 30 septembre 1999, un établissement bancaire consent à une personne physique un prêt immobilier in fine lequel a été souscrit en francs suisses et indexé sur le LIBOR, trois mois. À l’échéance, l’emprunteur ne parvient pas à rembourser l’intégralité du capital emprunté. Son créancier décide donc d’engager des voies d’exécution à son endroit. Mais celles-ci sont rapidement levées puisque l’emprunt est remboursé à l’aide d’un nouveau prêt souscrit auprès d’une seconde banque. Le 6 novembre 2014, l’emprunteur assigne son ancien créancier en constatation du caractère abusif des clauses de remboursement et de celles liées au change ainsi qu’en restitution des de la contrevaleur en euros de chacune des sommes versées selon le taux de change applicable a moment de chaque paiement. La banque estime prescrite la demande de restitution fondée sur le caractère abusif des clauses. Elle se fait débouter sur ce point par les juges d’appel. Sur le fond, les clauses concernées sont considérées abusives et l’établissement bancaire est condamné à restituer à l’emprunteur la contrevaleur en euros des deniers remboursés. L’établissement bancaire décide, sans grande surprise, de se pourvoir en cassation reprochant à ce raisonnement différentes violations de la loi tant au titre de l’examen de la prescription qu’à celui du fond de l’affaire.

L’arrêt du 6 juillet 2023 aboutit à un rejet du pourvoi par la première chambre civile de la Cour de cassation. Nous allons examiner pourquoi cette solution s’inscrit parfaitement dans la lignée jurisprudentielle dessinée tant par le droit interne que par le droit de l’Union.

Sur le problème de la prescription

L’établissement bancaire considérait que l’action tendant à la restitution des sommes versées devait se prescrire par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été mis en mesure de pouvoir constater l’importante dépréciation de l’euro par rapport à la devise empruntée, ici des francs suisses. Le créancier considérait que cette dépréciation s’est nécessairement faite en janvier 2009 mettant ainsi l’emprunteur en position de prendre en compte le risque de change à ce moment précis. Ce raisonnement, devenu assez habituel dans la rédaction des pourvois des prêts libellés en francs suisses, est en contradiction avec la position actuelle de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant la directive 93/13/CEE sur les clauses abusives.

C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation reprend le raisonnement de cette juridiction en citant notamment...

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