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Clauses abusives : exclusion du maître de l’ouvrage agissant à des fins professionnelles

Le maître de l’ouvrage qui conclut un contrat d’architecte en rapport direct avec son activité professionnelle ne peut pas se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives, qu’il bénéficie ou non de compétences techniques dans le domaine de la construction.

Sont abusives, au sens de l’article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 212-2 du code de la consommation, les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur ou du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Toute clause abusive est réputée non écrite, sanction particulièrement lourde puisque la clause litigieuse est censée n’avoir jamais existé et que le réputé non écrit semble échapper à toute prescriptibilité (Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 , note A. Etienney-de Sainte Marie ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais ; ibid. 465, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau ).

On sait que la règlementation consumériste sur les clauses abusives ne joue qu’au profit des non-professionnels et des consommateurs, à l’exclusion des professionnels. La troisième chambre civile de la Cour de cassation enseigne, dans l’arrêt commenté, que le dispositif légal de protection ne peut pas être invoqué par le maître de l’ouvrage lorsqu’il conclut un contrat en rapport direct avec son activité professionnelle.

En l’espèce, une célèbre société du secteur hôtelier a entrepris des travaux d’extension d’un hôtel dont elle assurait l’exploitation. Une procédure judiciaire a été initiée à l’encontre de différents intervenants, dont l’architecte en charge de la maîtrise d’œuvre des travaux, et leurs assureurs, en raison de retards de chantier et de l’existence de désordres. Afin de réduire le quantum des sommes mises à sa charge, l’architecte opposa la clause d’exclusion de solidarité figurant au contrat pour écarter sa condamnation in solidum avec les autres intervenants à l’acte de construire. Par arrêt du 2 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a jugé cette clause valable et a condamné l’architecte à proportion de sa part contributive dans la survenance des dommages.

Le maître de l’ouvrage s’est pourvu en cassation, soutenant qu’une telle clause est abusive en ce qu’elle fait peser sur le maître de l’ouvrage non professionnel le risque d’insolvabilité des coauteurs du dommage auquel l’architecte, chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution, a contribué par ses manquements contractuels. La société hôtelière demandait donc à ce que la clause d’exclusion de solidarité soit réputée non écrite en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur en la cause.

Reste que le maître de l’ouvrage, en sa qualité d’exploitant de l’hôtel, avait conclu le contrat d’architecte dans le cadre de son activité professionnelle, ce qui a conduit la Cour de cassation à entrer en voie de rejet.

La recrudescence du critère du rapport direct

Antérieurement à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la jurisprudence se fondait sur le critère objectif du « rapport direct » pour apprécier la qualité de professionnel ou de non-professionnel d’un cocontractant. La Cour de cassation jugeait ainsi que les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services « qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant » (Civ. 1re, 24 janv. 1995, n° 92-18.227 P, D. 1995. 327 , note G. Paisant ; ibid. 229, obs. P. Delebecque ; ibid. 310, obs. J.-P. Pizzio ; RTD civ. 1995. 360, obs. J. Mestre ; Com. 1er juin 1999, nos 96-21.138 et 96-20.962).

Tel est le cas, par exemple, d’un commerçant qui souscrit un contrat d’assurance accessoire à des prêts professionnels pour les besoins de l’exploitation d’un fonds de commerce (Civ. 2e, 18 mars 2004, n° 03-10.327, D. 2004. 1018 , obs. C. Rondey ; RTD com. 2004. 802, obs. B. Bouloc ), d’un syndicat professionnel qui conclut un contrat de location de matériel informatique avec option d’achat (Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 02-13.285 P, D. 2005. 1948 , note A. Boujeka ; ibid. 887, obs. C. Rondey ; ibid. 2836, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2005. 393, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2005. 401, obs. D. Legeais ; ibid. 2006. 182, obs. B. Bouloc ; Rev. UE 2015. 434, étude P. Bourdon ; ibid....

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