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Le 19 mars 2019, les avocats ont fait savoir en conférence de presse qu’ils refusent d’assurer les vidéoaudiences devant la CNDA. Un moyen de protester contre le dispositif en vigueur dans deux ressorts depuis le 1er janvier 2019.
par Thomas Coustetle 20 mars 2019
La présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), Dominique Kimmerlin, a décidé de rendre obligatoire, depuis le 1er janvier 2019, le recours à la vidéoaudience dans les ressorts des cours administratives d’appel de Lyon et de Nancy. À titre expérimental et pour un délai indéterminé. Un dispositif qui existe depuis 2011, mais avec le consentement du requérant. S’il refusait, celui-ci avait alors la garantie d’une audience d’appel dans les locaux de la juridiction. La loi du 10 septembre 2018 permet désormais de rendre obligatoire le procédé, sans l’aval de l’intéressé.
Une décision qui passe mal chez les avocats. Le 14 mars dernier, la mobilisation massive devant la CNDA a conduit au renvoi général de toutes ces audiences. Le Conseil national des barreaux (CNB) a engagé, dans la foulée, un recours en urgence devant le Conseil d’État au nom de la « rupture d’égalité » entre les requérants et de leur « droit à la dignité ». Deux autres recours distincts ont suivi à l’initiative du GISTI et du barreau de Lyon.
Ce 19 mars, le barreau de Paris a décidé, aux côtés des avocats mobilisés, de reconduire la grève initiée jeudi dernier. « On se mobilise dès les premières audiences d’aujourd’hui. Aucun avocat ne plaidera devant la Cour. Pas plus que le conseil de l’ordre ne communiquera la liste des avocats désignés au titre de l’aide juridictionnelle », fait savoir Me Marianne Lagrue, qui a réclamé que les audiences prévues par vidéo puissent se tenir physiquement à chaque fois que le requérant fait le déplacement à Montreuil.
« Celui qui est jugé doit pouvoir être regardé »
Pour Me Basile Ader, vice-bâtonnier du barreau parisien, ce procédé, « synonyme de gestion de pénurie », n’est rien d’autre que de la « justice d’abattage », contraire « au droit de la défense ». Même idée pour Me Gérard Tcholakian, membre du Syndicat des avocats de France (SAF). « Celui qui est jugé doit pouvoir être regardé. À distance, ce travail d’empathie est tout simplement impossible », estime-t-il. Me Serge Deygad, bâtonnier élu à Lyon, rappelle que son barreau ainsi que celui de Nancy souhaitent la mise en place « d’audiences foraines ». Les juges se déplaceraient ainsi en province. « La loi le prévoit ! », clame-t-il. Sa mise en œuvre n’est d’ailleurs « pas si compliquée », selon lui, car « bon nombre de magistrats vivent déjà en région ».
« Les étrangers, c’est toujours le laboratoire du pire »
Le risque en germe serait de généraliser le procédé à toutes les procédures. « Les étrangers, c’est toujours le laboratoire du pire », estime Me Gérald Tcholakian. Me Marie-Aimée Peyron, bâtonnière du barreau de Paris, entend faire de ce mouvement le prolongement de la protestation « contre la loi justice qui prévoit encore de recourir à la vidéoconférence dans plus de procédures civiles et pénales. Au départ, le dispositif était cantonné à l’outre-mer. Aujourd’hui, on voit bien la tentative de passage en force », regrette-t-elle.
Selon la présidente de la CNDA, le procédé « ne modifie en rien les délais de jugements ou le traitement des dossiers ». Bien au contraire, les avantages sont nombreux. « Les requérants et avocats y gagnent en termes de coût et de délai de transport et d’hébergement, et d’organisation ». Le demandeur y est « jugé dans un lieu de justice à dimension plus humaine et moins impressionnante », fait-elle valoir.
Les avocats ont obtenu le renvoi de toutes les audiences fixées le 19 mars. Une action qu’ils répéteront « à chaque fois que ce procédé sera imposé », affirme Me Marianne Lagrue. Localisée à Montreuil et au sous-sol de la cour d’appel de Paris (P12) depuis la semaine dernière, la juridiction a rendu 47 000 décisions en 2018.
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