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Le code du tourisme au secours des voyageurs

Le contrat de forfait touristique doit déterminer les modalités précises du calcul de la révision du prix de vente en cas de variation du taux de change. En outre, l’agence de voyages est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services.

par Jean-Denis Pellierle 13 juillet 2018

Le code du tourisme est d’un précieux secours pour les voyageurs, comme l’illustre un arrêt rendu par la première chambre civile le 27 juin 2018. En l’espèce, un couple avait réservé un circuit touristique en Argentine auprès d’une agence de voyages, par l’intermédiaire de son site internet, pour le prix de 7 662 € à la date de la réservation. Le 21 novembre suivant, celle-ci les avait informés d’une augmentation du prix de 194 € par personne, due à une modification du cours du dollar américain entraînant une hausse du tarif de ce circuit. Contestant cette hausse et faisant état de divers désagréments survenus au cours du voyage en raison de l’annulation d’une excursion et du retard du vol de retour, les voyageurs ont assigné l’agence de voyages en paiement des sommes de 388 € au titre de la hausse tarifaire, 1 300 € au titre du préjudice d’agrément et 374,38 € au titre de leur préjudice financier résultant du retard d’un vol, l’agence ayant appelé en garantie l’organisateur du voyage.

S’agissant en premier lieu de la hausse du prix du voyage, la juridiction de proximité de Bordeaux, dans un jugement du 2 janvier 2017, rejeta la demande de remboursement de la somme de 388 €, considérant, au visa combiné de l’article L. 211-12 du code du tourisme, de l’article 2.3 des conditions générales de vente de l’agence de voyages, de la lettre du 19 janvier 2015 et du courriel du 13 février 2015 présent dans les pièces communiquées par les voyageurs, que ces derniers, contrairement à ce qu’ils soutenaient, ont été informés de l’opposabilité de la clause et de son calcul.

La décision est censurée par la première chambre civile, au visa de l’article L. 211-12 du code du tourisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 : « Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le contrat déterminait les modalités précises du calcul de la révision du prix de vente en cas de variation du taux de change, la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Le code du tourisme prévoit en effet, en son article L. 211-12, la possibilité d’une révision du prix, mais à condition que le contrat prévoie expressément une telle possibilité « tant à la hausse qu’à la baisse et en détermine les modalités précises de calcul ». Le texte ajoute que seules peuvent être prises en compte les variations du coût des transports, lié notamment au coût du carburant, des redevances et taxes afférentes aux prestations offertes, telles que les taxes d’atterrissage, d’embarquement ou de débarquement dans les ports et les aéroports ainsi que des taux de change appliqués au voyage ou au séjour considéré. En outre, au cours des trente jours qui précèdent la date de départ prévue, le prix fixé au contrat ne saurait faire l’objet d’une majoration, le tout sans préjudice de la possibilité pour le voyageur de révoquer le contrat en cas de hausse significative du prix (v. à ce sujet C. Lachièze, Droit du tourisme, LexisNexis, 2014, nos 312 s.). La cassation était donc justifiée.

Il faut observer que l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, entrée en vigueur le 1er juillet 2018, a modifié le texte en précisant qu’« Indépendamment de son importance, une majoration du prix n’est possible que si l’organisateur ou le détaillant la notifie de manière claire et compréhensible au voyageur, en assortissant ladite majoration d’une justification et d’un calcul, sur un support durable, au plus tard vingt jours avant le début du voyage ou du séjour. Si le contrat prévoit la possibilité d’une majoration du prix, le voyageur a droit à une réduction de prix correspondant à toute baisse des coûts mentionnés aux 1°, 2° et 3°, qui intervient après la conclusion du contrat et avant le début du voyage ou du séjour » (v. à ce sujet C. Lachièze, Les agents de voyages et autres intermédiaires du tourisme à l’ère numérique ; à propos de l’ord. n° 2017-1717, 20 déc. 2017, JCP 2018. 100 ; v. égal. RDC 2018/3, obs. J.-D. Pellier, à paraître). Les obligations d’information pesant sur le professionnel sont donc renforcées pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2018.

C’est en second lieu la responsabilité de l’agence de voyages qui était en cause. À cet égard, les juges du fond avaient également rejeté la demande d’indemnisation formée par les voyageurs au titre du préjudice résultant du retard du vol, au motif que ni l’agence de voyages ni l’organisateur du voyage n’ont la qualité de transporteur aérien que seule peut revendiquer la compagnie aérienne qui doit supporter la charge exclusive de l’indemnisation de ce retard.

Là encore, la décision est censurée, cette fois-ci au visa de l’article L. 211-16 du code du tourisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, la Cour de cassation rappelant que « selon ce texte, l’agence de voyages est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services ». Il s’agit là de l’application de la fameuse responsabilité de plein droit pesant sur les agences de voyages (v. à ce sujet C. Lachièze, op. cit., nos 362 s.). L’exonération du professionnel est rarement admise (C. Lachièze, op. cit., n° 393) et la décision rendue par la Cour de cassation n’est donc pas étonnante (v. égal. en ce sens, au sujet du retard d’un vol de quarante-trois minutes ayant empêché les voyageurs de prendre le vol avec une correspondance, Aix-en-Provence, 17 mai 2018, n° 15/20251, Dalloz jurisprudence). Les agences de voyages doivent d’autant plus prendre garde à cette responsabilité drastique que le transporteur aérien, pour sa part, n’est responsable du retard qu’à hauteur du dommage prévisible pour lui (v. en ce sens Aix-en-Provence, 17 mai 2018, préc.).

Il faut observer que la solution serait la même sous l’empire des nouveaux textes issus de l’ordonnance du 20 décembre 2017. En effet, le législateur a fait le choix de maintenir la responsabilité de plein droit des professionnels, alors même que la directive européenne du 25 novembre 2015 ne l’imposait pas. Il a même étendu cette responsabilité aux simples services de voyage n’entrant pas dans le cadre d’un forfait touristique (C. tour., art. L. 211-16, I), du moins s’ils ne sont pas relatifs soit à des titres de transport aérien, soit à d’autres titres de transport sur ligne régulière ainsi qu’à des prestations vendues dans le cadre d’une convention générale conclue pour le voyage d’affaires (C. tour., art. L. 211-17-3 ; v. à ce sujet C. Lachièze, art. préc. ; J.-D. Pellier, art. préc.). Les agences de voyages se consoleront dans la mesure où des limitations de responsabilité sont possibles, soit en vertu de conventions internationales, soit en vertu du contrat, pour autant que cette limitation ne s’applique pas aux préjudices corporels ni aux dommages causés intentionnellement ou par négligence et qu’elle ne représente pas moins de trois fois le prix total du voyage ou séjour (C. tour., art. L. 211-17, IV).

Quoi qu’il en soit, le touriste peut donc partir tranquille cet été, il est bien protégé par les nouvelles dispositions !