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ChatGPT, révolution pour les juristes ou gadget technologique sans intérêt ? Dalloz actualité fait le point avec le regard d’avocats et de spécialistes.
par Gabriel Thierry, journalistele 29 juin 2023
Mais qu’allait-il faire dans cette galère? Face au juge Kevin Castel, Steven Schwartz n’en mène pas large, ce 8 juin. Cet avocat new-yorkais expérimenté, avec plus de trente ans d’expérience, est sur le grill parce qu’il a utilisé à mauvais escient le célèbre agent conversationnel ChatGPT. Pour un plaignant portant le fer contre une compagnie aérienne, le juriste s’était appuyé sur ce robot, un modèle de langage naturel capable de générer des réponses bluffantes. Ce dernier lui avait ainsi déniché des décisions de justice dans des affaires similaires, une jurisprudence susceptible d’appuyer son argumentation. Seul problème : comme l’a remarqué la partie adverse, les affaires citées n’existaient pas et le recueil de décisions transmis à la justice était bidon.
Il s’agissait d’une « hallucination », ces textes générés par une intelligence artificielle qui semblent avoir un sens mais qui sont faux. Le robot conversationnel lui avait pourtant assuré avoir trouvé ces arrêts dans deux bases de données de renom, un mensonge éhonté. « Je n’avais pas compris que ChatGPT pouvait fabriquer des affaires », s’est défendu Steven Schwartz, désormais menacé de sanctions de la part du juge en charge du litige. « J’avais entendu parler de ce nouveau site, j’ai supposé à tort qu’il s’agissait d’un super moteur de recherche », s’est-il également excusé devant le magistrat et les nombreux juristes curieux venus assister à l’audience.
« Effet Spoutnik »
Comme les autres professions intellectuelles, les juristes s’interrogent sur l’apport du célèbre robot. Cette machine risque-t-elle de remplacer les avocats, ou au contraire de les pousser à la faute ? Faut-il travailler avec ce genre d’intelligence artificielle, et si oui comment ? « Je me doutais depuis un moment que nous allions tendre vers de tels outils, mais la vitesse à laquelle ils se diffusent depuis le lancement de ChatGPT il y a quelques mois à peine reste assez phénoménale », signale à Dalloz actualité le professeur de droit et avocat Bruno Deffains.
Il y a eu comme un « effet Spoutnik », soit la « démonstration réelle qui fait prendre conscience tout d’un coup d’une potentialité immense », résumait Frédéric Kaplan sur France Culture. Pour ce docteur en intelligence artificielle, directeur du collège des humanités de l’École polytechnique de Lausanne, ce genre de technologie va en effet entraîner « une modification de la dynamique de l’écriture plus profonde que le traitement de texte, c’est-à-dire une transformation culturelle majeure qui déterminera non seulement le destin des mots mais aussi des idées ».
Pourtant, en soi, il n’y a pas de rupture technologique. « La bascule date de 2017, avec la présentation des transformers, cette architecture de réseaux de neurones par des chercheurs de Google », explique à Dalloz actualité Michael Benesty, le directeur de la recherche du groupe Lefebvre Sarrut (*). Et l’intelligence artificielle est déjà utilisée dans le monde du droit :...
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