Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Comment juger le crime d’agression et réparer les dommages causés par la guerre en Ukraine ?

Les débats actuels sur la création d’un tribunal spécial pour juger du crime d’agression et d’un mécanisme de réparation et d’indemnisation des dommages causés par la guerre en Ukraine soulèvent autant de questions politiques que juridiques. Éclairage.

par Miren Lartigue, Journalistele 4 janvier 2023

C’est en avril 2022, après la découverte de centaines de morts à Boutcha, que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a pour la première fois appelé la communauté internationale à créer un tribunal spécial pour juger les plus hauts dirigeants russes du crime d’agression et un mécanisme de réparation des dommages causés par la guerre. Des demandes qui sont actuellement étudiées dans différentes enceintes à l’échelle européenne et internationale.

Des juristes aux avant-postes

Parmi les premiers tenants du projet de création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression figure un groupe d’une centaine de juristes, intellectuels et personnalités politiques du monde entier, emmené par l’avocat franco-britannique Philippe Sands*, spécialisé dans la défense des droits de l’Homme. « La Cour pénale internationale ne peut enquêter sur le crime d’agression que s’il est renvoyé par le Conseil de sécurité des Nations unies. La Russie, en tant que membre de l’ONU, a le droit de veto à ce sujet, qu’elle exercerait naturellement immédiatement. Nous demandons donc la création d’un tribunal international pour juger le président Poutine pour crime d’agression », écrivent-ils dans leur appel, lancé en mars 2022 et mis en ligne sur le site Justice for Ukraine. « Ce n’est pas une idée nouvelle : il y a 80 ans, les dirigeants mondiaux se sont réunis à Londres pour créer un cadre juridique permettant de poursuivre les criminels de la Seconde Guerre mondiale. Ce cadre juridique a donné lieu aux procès de Nuremberg, au cours desquels 161 criminels de guerre ont été condamnés », rappellent-ils.

Une initiative similaire a été lancée en novembre dernier en France par un groupe de juristes, universitaires et chercheurs pour appeler les dirigeants français à se positionner en faveur de ce projet. « La guerre en Irak de 2003, elle aussi manifestement illégale, avait constitué un redoutable précédent. Ne pas punir cette nouvelle agression, c’est préparer les guerres mondiales de demain, et accepter qu’il n’y ait alors plus aucun recours juridique », écrivent-ils dans la tribune qu’ils ont cosignée. « La France doit participer à la création du tribunal spécial international. Sinon, ce mouvement se fera sans elle. Nous aurions alors beaucoup à perdre. »

Des projets en débat au sein des instances européennes

L’idée a été très vite mise à l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dès avril 2022, elle a adopté à l’unanimité une résolution visant, entre autres, la création un tribunal ad hoc pour juger les hauts dirigeants russes pour le crime d’agression « selon la définition établie par le droit international coutumier ».

Depuis, le comité des ministres du Conseil de l’Europe est convenu, en octobre dernier, de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :