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Comment traiter les dossiers civils longs et complexes ?
Comment traiter les dossiers civils longs et complexes ?
Dans son rapport définitif mis en ligne le 29 septembre 2022, l’Inspection générale de la justice dresse plusieurs constats sur le traitement des dossiers les plus longs et les plus complexes en matière civile. Retour sur le contenu du rapport et sur ses recommandations.
par La rédactionle 5 octobre 2022
En France, le règlement des dossiers civils longs et complexes est une question encore peu abordée. Malgré cette discrétion, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, a par lettre de mission du 3 décembre 2020 demandé un rapport sur ces dossiers en particulier, et ce à un service peu connu du grand public, l’Inspection générale de la justice (IGJ). Le point névralgique posant difficulté de ces dossiers longs et complexes reste que – dans l’esprit du grand public – ils concourent à la lenteur de la justice. Est citée, à titre illustratif, une étude du secrétariat du ministère de la Justice relevant qu’une durée moyenne des affaires civiles au fond est de 10,3 mois. Le rapport publié le 29 septembre 2022 est donc l’occasion de s’intéresser aux difficultés se dissimulant derrière ces affaires complexes. Il aura fallu presque deux ans à l’IGJ pour boucler un rapport long d’une centaine de pages, ponctué de graphiques, de recommandations et de bonnes pratiques issues de l’audition de plusieurs magistrats, universitaires et avocats. La méthodologie retenue est robuste : des questionnaires adressés à l’ensemble des tribunaux judiciaires, des auditions plurielles et une sélection par l’IGJ d’une série de juridictions de première instance (Nanterre, Bordeaux, Montpellier, Narbonne, Vesoul, Mâcon, Pau, Le Mans et Fort-de-France) et de quatre cours d’appel (Toulouse, Colmar, Besançon et Rouen). Cette méthode permet de dresser un rapport pluriel, assez fourni et nécessitant plusieurs subdivisions pour affiner le cadre des résultats obtenus. Il faut noter, à ce titre, que le titre du rapport englobe des affaires concernées qui ne peuvent pas nécessairement avoir des points de recoupement précis ; ce qui a certainement complexifié la tâche de ses rédacteurs.
Nous suivrons les quatre subdivisions principales du rapport : l’effort de définition, l’étude des causes, les moyens possibles d’y remédier et les difficultés propres à chaque contentieux imposant un pilotage précis par les cours d’appel.
Un effort de définition délicat : quels sont les dossiers civils « longs et complexes » ?
Comme dans toute étude, il faut cerner l’objet examiné avec précision. Sur ce point, il faut bien avouer qu’aucune définition n’est connue des juristes, chacun pouvant trouver un dossier plus ou moins complexe ou plus ou moins long à traiter.
Le rapport commence donc par cette question de définition (p. 19). Il faut dire que les contentieux longs et complexes n’ont pas forcément autant « le vent en poupe » que certains autres, plus facilement identifiables pour le grand public. Méthodologie assez étonnante : l’IGJ commence par une étude de droit comparé pour isoler l’objet d’étude. Entendue par la mission du ministère de la Justice, le professeur Amrani-Mekki a pu identifier notamment que l’intitulé recoupait deux réalités différentes. Des dossiers peuvent être longs sans être difficiles, des dossiers difficiles peuvent ne pas être longs (p. 20 du rapport). Il n’y aurait donc aucune définition unitaire possible, mais seulement une intersection entre deux réalités. Le rapport aurait pu inverser la méthodologie en commençant par le point de vue de l’universitaire qui est certainement plus parlant que des arguments de droit comparé dans des systèmes judiciaires différents du nôtre. On comprend toutefois aisément cette analyse qui permet de s’inspirer de ce qui existe ailleurs.
Le rapport s’attache ensuite à définir ce qu’est la longueur d’une part et la complexité d’autre part.
• Sur la longueur, on retrouve les développements habituels sur la célérité de la procédure impulsée par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Ces rappels n’appellent pas forcément plus de précisions d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme considère la complexité pour retenir le caractère raisonnable du délai pour juger l’affaire. Il est facile de tomber dans un cabinet aux miroirs, en somme.
• Sur le caractère complexe, toutes les personnes entendues notent que la notion de complexité « n’est ni une notion juridique ni un concept clair, et demeure beaucoup plus difficile à appréhender que celui de la longueur » (p. 23). Sur ce dernier point, on note l’audition de l’actuel président de la chambre commerciale de la Cour de cassation, Vincent Vigneau, qui a élaboré une méthode à Nanterre, lorsqu’il y était en poste, visant à élaborer des indicateurs de complexité qui utilise des coefficients. Mais le rapport rappelle que la délicate absence de définition unitaire du dossier complexe en France empêche « la mise en place d’indicateurs fiables permettant de les identifier » (p. 24).
Le rapport en vient donc à isoler les points saillants de difficulté en interrogeant les questionnaires remis aux tribunaux judiciaires. Ce sont des matières qui sont complexes en réalité : droit de la construction, liquidations successorales, liquidations de régimes matrimoniaux, droit de la responsabilité médicale. Ces contentieux ont comme point commun l’intersection du domaine de longueur et de celui de la complexité selon les questionnaires retournés au ministère. On remarque ainsi que l’IGJ pointe précisément que le logiciel des tribunaux judiciaires et des cours d’appel (WinciTJ et WinciCa) ne permet pas réellement d’identifier une telle complexité. Ces logiciels permettent tout au plus de dresser des statistiques et de déterminer l’âge d’un stock d’une chambre. La recommandation n° 1 vise donc à assurer dans les logiciels en place ou dans le logiciel futur (Portalis) un indicateur précis sur les dossiers longs et...
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