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La compensation à l’épreuve du crédit documentaire

Dans un arrêt rendu le 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser qu’une banque confirmante peut opposer l’exception de compensation légale à raison d’une créance détenue à l’égard du bénéficiaire, honorant ainsi son obligation de paiement née d’un crédit documentaire.

Le crédit documentaire, opération « profondément synallagmatique » (J.-M. Jacquet, P. Delebecque et L. Usunier, Droit du commerce international, 4e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2021, p. 615, n° 689), est une institution incontournable du droit du commerce international, au carrefour de plusieurs matières complexes comme le droit des sûretés et le droit bancaire. Mais aussi spéciale soit cette convention, la théorie générale de l’obligation et plus particulièrement son régime peut venir interférer dans les solutions retenues quand plusieurs obligations se croisent. L’arrêt du 15 mars 2023 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation vient régler une question intéressante, inédite, aux enjeux multiples et importants. La décision forgée, typique d’une motivation enrichie, est ainsi promise à une publication à la fois au Bulletin et aux sélectives Lettres de chambre. Ce pourvoi atypique mérite que l’on en rappelle les faits assez précisément.

Une société de droit émirati (dans la suite de ce commentaire, la société) ayant pour activité l’achat et la revente de produits pétroliers demande à une institution financière connue – l’union des banques arabes et françaises (l’UBAF) – d’émettre en faveur d’un de ses fournisseurs une lettre de crédit import pour un montant de 32 685 291,87 $, laquelle a été réglée le 20 mai 2011 sur présentation des documents justifiant la livraison. Il était prévu que le règlement des sommes dues se ferait conformément aux fameuses Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce internationale régissant les lettres de crédit (les RUU 600). La société qui a demandé l’émission de la lettre de crédit import n’a pas remboursé intégralement ladite somme mais seulement 3 999 976,12 $ américains dans le délai imparti. Le 1er juillet 2011, l’UBAF confirme plusieurs lettres de crédit export émises en faveur de la société pour un montant de 28 637 129,44 $ américains payables à réception des documents conformes par versement desdites sommes sur les livres d’un établissement bancaire français ouvert par la société. L’UBAF soutenait avoir réglé cette somme par compensation avec sa propre créance qui n’était toujours pas payée. La société décide donc d’assigner l’UBAF en responsabilité soutenant qu’elle a manqué à son obligation en tant que banque confirmante. En appel, les juges du fond confirment le jugement...

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